Lettre ouverte aux riches qui veulent le rester

par Caleb Irri
lundi 16 décembre 2019

Très chers riches,

comme vous ne pouvez l’ignorer, ici et ailleurs la colère gronde parmi le peuple. Les gens ont faim, les gens ont peur, les gens ont envie.

Vous le savez aussi sans doute, vous êtes le principal problème qui empêche des centaines millions de personnes -qui souffrent aujourd’hui, de vivre correctement. Les quelques centaines ou milliers d’êtres humains que vous êtes possèdent ce qui, une fois partagé, permettrait de satisfaire des centaines de millions d’autres êtres humains, vos semblables, des femmes et des enfants qui n’ont pas suffisamment.

Les gens ne vous en veulent pas personnellement bien sûr, ils savent que vous ne souhaitez ni la mort des enfants mal nourris ni le malheur de milliards de personnes. Mais le fait est que si vous n’étiez pas si riches, les autres ne seraient pas si pauvres. Ce qui fait que vous devenez logiquement le plus gros problème de ce monde.

Ce que je vous dis là, un enfant de 5 ans peut le verbaliser : lorsqu’au lieu de partager un des enfants prend tout le gâteau pour lui, il ne reste que des miettes aux autres. Et cela est injuste, même si celui qui prend tout est le plus fort. Et surtout si après avoir fait un deuxième gâteau le plus fort -qui n’a plus faim- ramasse encore le tout ; et préfère jeter le reste que de le partager avec les autres.

Vous êtes les plus forts c’est certain, mais cela justifie-t-il que les plus faibles, ceux qui ont justement le plus besoin d’aide, ne bénéficient pas d’un partage plus équitable et plus juste (on ne parle pas ici des miettes) ?

Je pense que des années de conditionnement psychologique et d’entraînement à la double-pensée ont eu raison de votre capacité à faire face à la réalité. Je comprends que pour ne pas ressentir la culpabilité des injustices que vous faites subir au plus grand nombre vous avez eu besoin de vous protéger derrière des concepts tels que « la méritocratie » ou « la concurrence » : il fallait pouvoir assumer et justifier votre accaparement des richesses sans se sentir mauvais, méchant. Vous voulez croire que si vous avez « réussi » c’est parce que vous êtes les meilleurs, sans comprendre que c’est au contraire ce qui devrait vous obliger envers les autres. Mais vous avez appris à penser ainsi, car regarder les pauvres en face en se gavant des parts qu’on leur a volées parce qu’on est le plus fort est assez difficile, même pour les plus cyniques d’entre vous.

Vous pouvez toujours essayer de nous faire croire que les pauvres sont des êtres inférieurs qui méritent d’être dirigés par des êtres supérieurs, mais vous ne pourrez jamais faire croire à quelqu’un qu’il ne mérite pas de manger à sa faim de par sa condition. Quelle qu’elle soit.

Regardez la réalité en face, et réfléchissez un instant. Vous savez que le profit est un vol sur la valeur produite, sur le travail des gens que vous exploitez nécessairement -d’une manière ou d’une autre- puisque vous gagnez de l’argent ainsi : la preuve en est que si les travailleurs arrêtent de travailler vous cessez presque immédiatement d’en gagner. Comme le dit Bernard Friot à propos de Mittal : « ce n’est pas monsieur Mittal qui permet à 200 000 personnes de vivre mais bien 200 000 personnes qui font vivre ce monsieur Mittal. Monsieur Mittal ne vaut pas 200 000 personnes, et personne ne les vaut.

Aujourd’hui je ne vous parlerai pas de Bernard Friot et des alternatives communistes qui existent, Macron et sa bande doivent bien les connaître puisque c’est exactement contre celles-ci qu’ils combattent. Je ne veux pas dire ici qu’il faut vous prendre tout, bien que les notions de partage et de justice qu’on vous a apprises en petite section et résumées au fronton de toutes nos mairies (Liberté, Egalité, Fraternité) devraient nous y inciter. Non, les femmes et les hommes du peuple sont bien plus raisonnables et mesurés que moi : ils ne veulent pas vous mettre sur la paille, et ils ne veulent pas non plus mettre votre tête au bout d’une pique ; ils ne veulent même pas vous empêcher d’être riches et puissants. Ils n’imaginent même pas pour la plupart pouvoir supprimer l’exploitation dont ils sont l’objet, et surtout ils ne veulent même pas devenir comme vous. Ils veulent juste vivre décemment et dignement de leur travail, en avoir suffisamment pour pouvoir se payer un petit plaisir de temps en temps, à eux ou à leurs enfants, et finir leur vie paisiblement sans être constamment méprisés et humiliés par les puissants.

Seulement ils n’en peuvent plus. Ils en ont ras le bol. Ras le bol de voir les milliards et les milliards qui s’accumulent pour un si petit nombre d’individus, alors qu’on demande au plus grand nombre de faire encore des efforts … toujours plus d’efforts. Cela est-il si difficile à comprendre bon sang ?

Si vous n’entendez pas cela, ce ne sont pas les politiques qui le feront : trop occupés à servir ce qu’ils croient être vos intérêts, ils attendent de vous les ordres. Mais réfléchissez bien : sans un meilleur partage, les pauvres finiront bien par vous rentrer dedans. Et même si après les éborgnés il y a des morts rien ne pourra plus les arrêter. Car celui qui n’a plus rien à perdre ne risque plus rien.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr


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