Lettre ouverte d’un gaulliste à François Bayrou et à Nicolas Sarkozy

par republicain
lundi 19 mars 2007

Lettre ouverte d’un gaulliste à François Bayrou et à Nicolas Sarkozy, anciens ministres balladuriens

Je suis entré en politique avec Jacques Chirac. A la fin des années 70, je partageais avec beaucoup le rejet du giscardisme. En 1981, j’ ai voté pour lui au premier tour, et contraint et forcé pour VGE au second.

Je n‘ai jamais cessé de pester contre Chirac tout en lui restant fidèle.

Chirac se retire et je me sens orphelin comme d’autres le furent avec la fin du mitterrandisme.

Pas évident de gouverner un pays, le seul au monde où des "responsables " politiques peuvent faire croire que la réduction du temps de travail est une réponse au chômage, dans un pays où la mondialisation est une maladie honteuse, dans un pays où en 2002 les extrémistes représentaient 40% des suffrages.

Mitterrand a du gérer un archaïsme, le PCF. Pour le digérer il a dû mettre en place des nationalisations et une relance qui ont fait rire le reste de l’Europe. Rendons-lui le mérite d’avoir fait disparaître un des derniers partis staliniens de la planète

Chirac a duû gérer ces bizarreries françaises que sont les extrémismes ; il a dû gérer l’archaïsme de la social-démocratie française. Rendons-lui le mérite de se retirer de la vie politique à un moment où avec l’échec de Ségolène Royal peut disparaître la gauche la plus bête d’Europe.

Enfin la France semble entrer dans la modernité, celle d’un débat Bayrou Sarkozy

Ils furent l’un et l’autre ministres de Chirac, mais le premier est l’héritier de Giscard et le second celui de Balladur

Je ne peux que me réjouir de la « normalisation » de la vie politique française mais la réussite d’un nouveau « parti démocrate » et d’ » un centre droit moderne » passe par leur capacité à réconcilier les Français et l’Europe

Ils devront convaincre une France sceptique, seront-ils capables d’intégrer la nécessité de réformer la gouvernance de l’Europe ? de changer le statut de la BCE ?

L’Europe est victime de l’ euro car, si la monnaie unique est une arme, nous nous en servons contre nos intérêts . Airbus est d’abord victime d’un euro trop fort

La classe politique française peut se débarrasser de ses archaïsmes (Royal, Hollande, Fabius, Le Pen, Laguiller) mais sera-t-elle capable de comprendre que sans croissance rien n‘est possible ?

Depuis 1990, l’Asie a connu un taux de croissance de 6,7 % chaque année, (soit une multiplication par 2,5 de son produit intérieur brut) entre 1990 et 2004. La performance des États-Unis est de l’ordre de 3,1 % par an. Pour les pays formant la zone euro, la croissance a été de l’ordre de 1,8 % par an, identique à celle de la France

Pour certains, les raisons de ce décrochage sont exclusivement d’ordre structurel et, à la limite, culturel. L’Europe - notamment la France - souffrirait de marchés trop rigides du fait de l’absence de réformes

En réalité, la France a déjà mis en oeuvre d’innombrables réformes structurelles de grande portée sociale au cours des deux dernières décennies : privatisations, dérégulation des marchés des produits et du marché du travail, libéralisation des marchés de capitaux, ouverture à la concurrence de l’ensemble des secteurs industriels. La France connaît le temps des vaches maigres depuis longtemps et de Barre à Balladur, de Balladur à aujourd’hui, la « désinflation compétitive » et l’austérité ne sont plus crédibles

L’explication structurelle ne me semble donc pas satisfaisante. La persistance d’un mauvais gouvernement de l’Europe économique, et depuis 1999, de la zone euro, permet de comprendre le décrochage européen, la dette publique française et les difficultés que nous rencontrons.

La politique monétaire, depuis la création de l’euro, est certes meilleure qu’avant, si on en juge par l’écart entre le taux d’intérêt et le taux de croissance qui a, à l’époque, asphyxié l’économie européenne. A travers le remboursement de la dette publique, nous payons aujourd’hui pour les erreurs du « franc fort ».

Malheureusement depuis la création de l’euro, la politique monétaire de la BCE a été contestable. Ferme pour lutter contre la dépréciation de l’euro, puis complètement passive face à l’appréciation de l’euro. Tout s’est passé comme si la BCE n’avait pas intégré sa responsabilité dans l’activité économique - ce que fait en permanence son homologue américaine. Or, conduire la politique monétaire d’un grand pays, c’est d’abord se préoccuper de la croissance et de l’emploi.

L’appréciation de l’euro équivaut à augmenter artificiellement de 50% nos coûts de production sur les marchés mondiaux.

L’euro, c’est notre monnaie c’est aussi notre problème.

Il est anormal qu’une institution indépendante, la BCE, ait une indépendance d’objectif. Seul le politique a une indépendance d’objectif, parce qu’il est responsable devant la population. C’est à lui de définir les objectifs de la politique économique et sociale. Et c’est à la Banque centrale de mettre en oeuvre tous les moyens pour atteindre les objectifs qui sont ainsi définis. C’est le mode de fonctionnement du système britannique : le Chancelier de l’Échiquier détermine tous les deux ans l’objectif d’inflation et il confie à la Banque centrale d’Angleterre l’indépendance des moyens pour atteindre cet objectif. C’est également de façon implicite celui du système américain, puisque la Fed est à la fois responsable de la stabilité des prix et de l’activité économique.

La France et l’Allemagne ont imposé à leurs partenaires l’anomalie des statuts de la BCE, elles peuvent seules corriger la terrible erreur du traité de Maastricht.

Les Allemands semblent conscients du problème, pas les Français.

La France est à l’origine du projet de traité constitutionnel, ce projet faisait l’impasse sur la question. Il reprenait tel quel les dispositions des traités existants sans aucune modification.

Le rejet par les Français et les Néerlandais de ce mauvais projet devrait permettre à l’Europe de comprendre l’importance de la réforme de la gouvernance économique.

La campagne des présidentielles ne peut faire l’impasse sur ce débat . A défaut, personne ne pourra faire rêver les Français en leur proposant entre 1 et 2% de croissance ou en comparant le coût des différents programmes. Cette arithmétique véhicule l’idée stupide selon laquelle le moins coûteux serait le meilleur.

La France a besoin d’ambition et l’ambition a un prix, un investissement public peut générer de la croissance et de la compétitivité. Un fonctionnaire n‘est pas obligatoirement un inutile.

Les pays qui réussissent utilisent la politique budgétaire, l’Etat n‘a pas disparu aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Europe du Nord.

François Bayrou a raison lorsqu’il entend maintenir les moyens pour l’Education nationale mais il cède à la démagogie en voulant interdire le déficit public.

Nicolas Sarkozy a raison lorsqu’il entend valoriser le travail, remettre en cause les régimes spéciaux, mais il cède à la démagogie en voulant ne remplacer qu’ un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

L’ un et l’autre auront-ils le courage de reprendre le discours volontariste du Chirac de 1995 et ensuite de passer aux actes ?

Resteront-ils prisonniers de la logique comptable de la pensée unique balladurienne ?

Il y avait entre les gaullistes et Jacques Chirac une vieille complicité, nous lui pardonnions beaucoup, même ses erreurs , même les engagements non tenus.

Cette dimension affective n‘existe plus pour les anciens ministres d’Edouard Balladur.

Le Tony Blair français sera celui qui convaincra les Français d’entrer dans une modernité européenne revisitée, celui qui leur rendra leur fierté.


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