Libanisation de la France : attention, danger imminent

par Guy Trolliet
samedi 6 mai 2023

Il y a deux ans, jour pour jour, je produisais une analyse sous le titre Libanisation de la France : ce qu’il faut vraiment voir derrière cette expression, dans laquelle je déclinais le parallèle entre une série d’évènements au Liban ayant conduit à son éclatement, et celle similaire en France, depuis les années 1970, qui laisse craindre le même sort à notre pays à l’horizon de 10-20 ans ou, à tout le moins, une situation de grave instabilité sociale, si la tendance n’est pas rapidement et drastiquement corrigée. Il est évident que même si les échelles de temps et d’espace ne sont pas les mêmes, et que la chronologie des évènements n’est pas respectée à l’identique, leur survenance mérite que l’on y consacre une attention particulière, d’autant que des indices, clignotant depuis comme autant de signaux d’alarme, s’étalent sous nos yeux pour confirmer la progression évidente vers cette libanisation de notre pays.

Ce qui conduit à la présente mise à jour teintée d’une préoccupation aggravée.

Mais avant de faire le lien avec l’actualité, il serait utile de préciser et compléter brièvement la tribune précédente. 

À l’origine du Liban, donc, une indépendance acquise en 1943, fondée sur un pacte national, ou « pacte de coexistence », définissant, pour l’essentiel, la répartition des fonctions publiques entre les trois communautés religieuses principales : les chrétiens maronites, les musulmans sunnites et chiites. Ce pacte a, en fait, scellé un vivre-ensemble communautaire dans le cadre d’un équilibre fragile qui sera ébranlé au fur et à mesure de l’arrivée dans le pays, dès 1947, d’un corps étranger qui deviendra facteur et instrument de son éclatement : les réfugiés palestiniens. Ceux-ci seront ghettoïsés dans des camps qui deviendront des bidonvilles autour de la capitale et autres villes du pays (plus tard on parlera de « ceinture de misère »), grossissant par vagues successives durant la trentaine d’années qui suivra, au rythme d’évènements régionaux comme la Guerre des six jours (1967) ou Septembre noir en Jordanie (1970). Ils finiront par se transformer en agitateurs, sur la base de revendications diverses (dont le détail importe peu), ralliant à leur cause au final la gauche libanaise essentiellement musulmane. Ainsi, à partir de la fin des années 1960, le pays connaitra des affrontements armés sporadiques entre des factions palestiniennes (aux velléités de conquête du territoire libanais, dira-t-on par la suite) et les forces de l’ordre libanaises dans un premier temps, avant que l’État ne cède le terrain, suite à des pressions extérieures de tous bords en faveur des palestiniens entretemps érigés en victimes. Doublé d’une culpabilisation du pays, toujours par l’extérieur, le recul militaire finira par affaiblir l’autorité publique, et le vivre-ensemble volera en éclat le 13 avril 1975 suite à un incident dramatique dans un quartier chrétien où les occupants palestiniens d’un bus passant devant une église dudit quartier seront tous tués dans des circonstances qui demeurent encore vagues à ce jour (NB : en février 1975, un député libanais fut assassiné lors de la manifestation de salariés dans une ville importante du sud). Le pays sombrera instantanément, et de manière irréversible, dans un chaos armé opposant d’abord les palestino-progressistes en majorité musulmans à la droite conservatrice en majorité chrétienne. Puis ce fut toutes les communautés confondues qui se firent la guerre, organisations palestiniennes, militaires et milices de tous bords (entrainées et armées pour la circonstance), sans parler des ingérences extérieures, armées ou pas. Pour illustrer, voici ce que rapportait L’Orient-Le Jour, le 29 mai 1976 : Le chef des Kataeb, M. Pierre Gemayel, reproche aux USA d’avoir empêché la Syrie de sauver le Liban. M. Gemayel déclare notamment : « Les États-Unis, sous une influence déterminée, ont œuvré pour geler l’initiative syrienne et se sont interposés pour empêcher l’opération de sauvetage qui aurait été effectuée par des moyens militaires pour arrêter les massacres. Ce qui nous étonne plus et nous peine, poursuit M. Gemayel, c’est l’attitude hésitante des États-Unis par rapport au sauvetage d’un pays ami…. Le pays ne se relèvera jamais de la quinzaine d’années d’affrontements armés, corruption et crise financière achevant son effondrement.

Ainsi, pour résumer, l’histoire du Liban est l’histoire malheureuse d’un peuple qui s’est divisé contre lui-même à partir du moment où un agent extérieur, qui s’y était greffé, réveillera et cristallisera des antagonismes menant à une guerre civile, les hommes et partis politiques ayant été incapables (ou n’ayant pas voulu ?), pour diverses raisons, d’enrayer l’engrenage dramatique qui y conduit.

Voilà pour le Liban.

S’agissant de la France, j’exposais que l’équivalent du corps étranger introduit dans le pays est la population immigrée, majoritairement arabo-africaine et musulmane, qui s’y est installée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, contribuant pour une part importante à la main d’œuvre qui reconstruira le pays durant les Trente glorieuses. Cette immigration croitra constamment par la suite, à l’occasion notamment du regroupement familial des années 1970 puis plus récemment en raison, entre autres, des guerres et conflits en Afrique et au Moyen-Orient. Comme au Liban, elle sera ghettoïsée, vivant dans des quartiers devenus ZUS (zones urbaines sensibles), accueillant de plus en plus d’immigrants (clandestins parfois), hébergeant des zones de non-droit où trafics illégaux et radicalisation islamiste finiront par fricoter ensemble au point que, après avoir parlé de « territoires perdus de la République », on en est venu à voter en 2021 une loi dite « contre le séparatisme ». Dans lesdites zones, les services et autorité publiques ont quasiment disparu, et quand la police s’y aventure, elle doit souvent subir une violence inouïe et gratuite, sans pouvoir riposter afin d’éviter d’aggraver la situation (NB : ce recul de l’autorité publique est le point commun le plus significatif entre les deux pays). Heureusement qu’à ce jour, il n’y a pas à déplorer d’incident grave qui pourrait mettre le feu aux poudres comme ce fut le cas lors des émeutes de 2005 (il faut saluer là le dévouement, le comportement et le professionnalisme de la police). Toujours est-il que les populations vivant dans ces quartiers sont devenues les victimes tant de ceux qui agressent la police que de l’État qui était supposé leur offrir les moyens d’une intégration réussie, ce qui est évidemment loin d’être le cas (quant à l’assimilation, n’en parlons pas !).

La victimisation de ladite population, à majorité musulmane, et ainsi par ricochet de l’islam, par différents acteurs et agitateurs tant internes qu’externes, a conduit, comme au Liban, à une division de l’opinion publique sur le sujet avec, à la clé, une récupération politique : on parle ainsi aujourd’hui en France d’un islamo-gauchisme opposé à une droite identitaire, une cristallisation d’antagonismes latents.

Cela rappelé, qu’est-ce qui, depuis deux ans, impose cette mise à jour encore plus alarmiste ?

Tout d’abord, la politique migratoire.

Elle se caractérise par les trois points suivants :

1) l’accroissement de la part de l’immigration dans la population, surtout si l’on y intègre les descendants de deuxième et troisième générations, au point que 82% des Français sont favorables à une loi sur l'immigration facilitant les expulsions et que 69% estiment qu’« il y a trop d’immigrés en France aujourd’hui », avec deux thématiques négatives citées en premier comme liées à l’immigration : l’insécurité et l’islamisme ; la pression visuelle de plus en plus évidente exercée par l’islam sous diverses formes n’est certainement pas étrangère à ce sentiment de « trop d’immigrés » ; il y a toutefois un point positif en l’occurrence : une majorité de citoyens partage une position commune sur l’immigration alors qu’il n’existe pas de convergence similaire sur l’échiquier politique, ce qui, d’un autre côté, reste préoccupant

2) toujours s’agissant d’immigration : l’intention déclarée du ministre de l’Intérieur de régulariser les sans-papiers, celle du président de la République de vouloir « saupoudrer » les campagnes françaises d’immigrés, ainsi que le report de la loi sur l’immigration (annoncée à ce jour) ; on se rappellera les manifestations d’illégaux réclamant la régularisation de leur situation, soutenus par différentes organisations dont on a appris récemment du ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer même, qu’elles étaient largement financées par les fonds publics (plus de 750 millions d’euros en 2021) ; on pourrait ainsi craindre le maintien voire le renforcement de l’immigration, sans garantie d’intégration réussie de ces futures vagues…

3) … d’autant que l’Union Européenne a annoncé la préparation d’un Pacte asile et migration, signant, le cas échéant, l’abandon total de la souveraineté nationale en la matière, sans parler des positions de la CEDH et autres organisations pro-migrants

Vient ensuite la question des incursions confessionnelles dans la sphère politique, dont le point culminant a été atteint lors des élections de 2022, aussi bien présidentielle que législative, où l’on a vu des consignes de vote adressées par certaines instances religieuses, comme le grand rabbin de France ou la grande mosquée de Paris dont la conséquence fut 69% de musulmans votant pour le candidat Jean-Luc Mélenchon. L’on peut aussi s’interroger sur la pertinence d’une femme voilée sur une affiche de campagne : dans une République laïque, la situation interpelle car, si celle-ci doit rester à l’écart du religieux et de ses acteurs, l’inverse doit s’appliquer aussi.

Cette tendance fait suite à un clientélisme électoraliste de longue date, plus marqué à gauche de l’échiquier politique, compromis dans des opérations de favoritisme ou de défense communautaire, allant de la subvention déguisée à une association cultuelle (ce qui est interdit par la loi de 1905), au soutien de l’idéologie victimaire islamique comme la lutte contre l’islamophobie. La conséquence remarquable en est le renforcement du pôle islamo-gauchiste, enfermant cette « néo-gauche » dans ce que j’appelle la « nasse islamique », comme jadis fut enfermée la gauche libanaise dans la « nasse palestinienne ».

A ce stade, le pas est vite franchi pour aborder l’entrisme islamiste de plus en plus visible et opérant, tant en France qu’au niveau de l’Europe qui en est devenue une caisse de résonance ainsi qu’une caisse de financement. Les atteintes à la laïcité sont légion : à l’école, dans le sport, dans les piscines municipales, dans les entreprises, et j’en passe. Le courage politique peine (c’est peu dire) à endiguer le phénomène et les décisions récentes du ministre de l’Éducation nationale concernant le Conseil des sages de la laïcité, par exemple, ne laissent pas envisager d’amélioration d’autant que, selon de récentes enquêtes, les jeunes semblent aujourd'hui plus ouverts à une expression religieuse plus libre. Cette situation est indirectement soutenue par l’action de certaines associations, comme la Libre pensée, promptes à s’attaquer (sur la base d’un bienfondé juridique parfois) aux symboles touchant aux racines chrétiennes de la France, tout en témoignant une bienveillance à l’égard de l’islam. L’action islamiste, elle, s’inscrit dans une confrontation culturelle, identitaire et civilisationnelle : pour s’en convaincre, il suffit de lire le document Stratégie de l’action islamique culturelle à l’extérieur du monde islamique, établi par l’ISESCO, Organisation du monde islamique pour l'éducation, les sciences et la culture, une agence de l’OCI, Organisation de la conférence islamique, où manifestement « le monde islamique » considère que l’identité première du musulman est d’être musulman et d’appartenir à la oumma, la communauté des croyants, et de vivre selon la charia. Le lecteur pourra approfondir le sujet en se référant aux excellents ouvrages : Le Projet : La stratégie de conquête et d'infiltration des frères musulmans en France et dans le monde d’Alexandre del Valle et Emmanuel Razavi, ainsi que Le frérisme et ses réseaux - L'enquête, de Florence Bergeaud-Blackler qui a, depuis, subi une salve de critiques partisanes ainsi que des menaces de mort (voir aussi la vidéo de son interview à Front Populaire) … et nous sommes en France, en 2023 !!!

Pour finir, évoquons les influences, pour ne pas dire les ingérences, extérieures qui font l’objet d’une actualité renouvelée, quand elles sont identifiées, comme les écoutes américaines dénoncées il y a quelques jours par François Fillon, ou la condamnation tout aussi récente de notre pays par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, ou les appels de représentants politiques européens, à la dernière élection présidentielle, à voter pour tel candidat pour faire barrage à tel autre, ainsi que les appels exercés (plus discrètement ou pas) à travers l’islam consulaire.

Voilà quelques développements récents qui nous mettent résolument sur les rails d’un clivage de plus en plus marqué dans la société, avec une amplification palpable de l’agressivité, ainsi que l’émergence de nouvelles radicalités qui trouvent dans la violence leur mode d’expression légitimé, entretenant ainsi une boucle d’exaspérations et de colères : les manifestations liées à la loi sur la réforme des retraites en sont le théâtre manifeste et présentent un cadre propice à l’accentuation de la fragilisation interne certainement souhaitée par des adversaires, voire des ennemis, de notre pays.

Il est utile dès lors, et avant d’aborder la conclusion, de rappeler une donnée psychologique essentielle : l’être humain est sujet à des blessures narcissiques, ou archaïques, des blessures qu’il peut connaitre à tout âge. Les plus communément admises sont au nombre de six : l’abandon, le rejet, la trahison, l’humiliation, l’injustice, l’impuissance. Elles ont pour caractéristique d’engendrer surtout de la colère. Ainsi, si l’on examine le mouvement des gilets jaunes, il est évident que ses membres ont cumulé probablement toutes ces blessures. Et dans les quelques développements cités plus haut, on trouve le cocktail adéquat pour nourrir de tels ressentiments auprès de différentes franges de la population. Si l’on croise ce constat de tension sociale accrue avec le diagramme de polarisation des pays du baromètre de confiance 2023 de l’institut Edelman (classement des pays en fonction du couple fracture de la société/difficulté à régler la fracture) dans lequel la France, déjà dans la catégorie des pays polarisés, est proche de basculer dans celle de gravement polarisés, l’évidence surgit : il est temps de corriger les choses sinon plus le temps passe plus le prix de la correction sera élevé. L’avertissement est lancé, si tant est qu’il ne l’a pas déjà été dans le passé !

Conclusion :

Parler de libanisation de la France ne revient donc pas seulement à évoquer la communautarisation en cours. L’expression doit induire une prise de conscience de l’engrenage qui accentue la fragilisation rampante de la cohésion nationale au vu des évènements exposés, avec un glissement insidieux du pacte républicain laïque vers un pacte républicain confessionnel tacite, au moins dans son expression sociale, contexte favorable à la provocation, un jour, d’un incident majeur qui pourra signer, comme au Liban, l’entrée dans une ère de troubles difficile à dépeindre aujourd’hui, et à maitriser dès lors, mais tous les possibles restent envisageables.

En arriverons-nous là ? La réponse est entre les mains des politiques … et des citoyens.

« On entend le bruit du mur quand il s’écroule mais pas le bruit du lierre pendant qu’il l’envahissait »


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