Librairie fermée, caviste ouvert ; l’absurde et le vélo, au temps du confinement !

par velosolex
lundi 13 avril 2020

 Qu’est-ce qui est important, nécessaire ou superflu ? L’attestation de déplacement dérogatoire, à remplir, en ces temps de coronavirus nous ramène à la philosophie d’Epicure, relative aux besoins et aux désirs. Reste que dans la pratique, les autorisations sélectives d’ouverture des magasins s’y rapportant laissent dubitatif. La notion d’achat « de première nécessité », laisse une grande part à l’interprétation

 

      Les cavistes ont le droit d’ouvrir pour vendre leur pinard, mais les libraires sont priés de fermer boutique. Acheter du vin en France relève donc de la nécessité, et s’instruire ou se distraire relève du superflu.

   Si l’imaginaire est notre seul possibilité de partir en voyage, alors il est grand temps donner au libraires le même droit qu’aux cavistes ! Et de nous permettre de lire pour échapper aux inconvénients du confinement, tout en le respectant.

     Peu à peu, au fil des semaines, on parvient à donner une identité et une substance à ce confinement à géométrie variable. Et autant des intentions du gouvernement. N’y aurait-il pas là l’occasion de surjouer les manquements graves à l’anticipation de l’arrivée de la pandémie ?

     Confiné. Le Larousse nous donne le choix entre un sens qui définit un enfermement volontaire, ou un autre, causé par un tiers.

      Le mot revient en force à chaque épidémie. On l’avait oublié. Une analyse de texte le mettrait maintenant sans doute dans les tous premiers mots utilisés dans un article de presse. Le monde entier se confine. « To confine » en anglais. Du pareil au même ?.. Peut-être pas tout à fait !. D’un pays à l’autre, le registre de l’application se modifie.

   S’il paraît logique d’interdire les rendez vous festifs, et les apéros de rue, ou autres réunions de schtroumphs bleus, en vue de battre un record de participation, on peut se demander pour quelle raison on interdit à un cycliste solitaire de pratiquer son sport ! La distance réglementaire de distanciation avec une voiture est déjà en temps ordinaire d’1 mètre en ville, et d’1,50 m à la campagne. Largement dans les clous de la législation actuelle. Aucun covid n’a le temps de sauter sur votre porte bagages, à plus forte raison quand vous possédez un vélo de course.

      C’est un sujet qui me va droit au cœur, comme tant d’autres fous pédalant, privés de leur bécane et de leurs visions. Le vélo devrait être distingué par le prix Nobel de la paix. On l’a donné à des personnalités plus que litigieuses. Kissinger, par exemple, et cette soi-disant grande dame de la paix : Aung San Suu Kyi, cette Birmane qui s’est distinguée dans la répression des Rohingyas.

   La bicyclette ne décevra pas les Nobel !. Elle s’inspire trop du cercle et de ses rayons ! Comme la brouette, sa parente à une seule roue, dans la famille « simple et utile », elle vous redonne au centuple l’effort que vous fournissez. Aucune action en bourse, même celles des fonds de pensions Américain investissant dans des EHPAD en France ne peut garantir un tel bénéfice, après investissement corporel !

      Si l’on retient que l’on roule sur des pneumatiques remplis d’air compressé, le vélo est le premier modèle d’avion sans ailes, resté fidèle à son idée première : Économique à l’achat, et permettant de vous déplacer plus vite qu’un cheval, sans manger d'avoine et de foin.

     Il a permis aux femmes d’affirmer leur indépendance et leur autonomie, en ne permettant pas qu’on les force à adopter une position « à l’amazone » soi-disant conforme à leur féminité.

     Il faut aller en Belgique, en Hollande ou en Allemagne, pour avoir le droit de pédaler, .. Les allemands l’encouragent même, comme activité essentielle, utile autant au moral qu’au physique. Étrange ! Ce pays n’a pourtant pas la réputation de faire n’importe quoi, et se distingue même pour combattre efficacement le virus.

     Cela souligne un peu plus l’incohérence de l’interdit en France. Risquerait-on de surcharger les urgences en cas de chute ? Alors il faut interdire aussi les supermarchés, de peur que les boites de conserve tombent sur la tête des clients !. De plus, contrairement à ce qu’on avait craint, les services d’urgence sont loin d’être surbooké, et sont victimes même d’une désaffection, tout comme les cabinets des médecins généralistes, les patients préférant différer leur venue.

     La cohérence sécuritaire n’existe donc pas ! Il faut aller chercher ailleurs. Le confinement serait-il une forme de pénitence ? Celle de ne plus travailler, et de prendre du plaisir à la paresse. Voyez donc la perversion.... Prière de mettre les mains sur les couvertures !…

     Mais devrait on expier une sorte de péché originel, comme naguère dans la religion catholique, toute forme de plaisir était mis à l’index ? Il est vrai que le vélo était critiqué aux temps anciens pour son activité masturbatoire, la selle étant en contact étroit avec le périnée. Chez les femmes, les spécialistes mettaient en garde contre les risques gynécologiques, les risques de stérilité.

     Il semble que toute image d’un provincial perdu dans un désert français et montant une côte en danseuse, à plus d’un kilomètre de chez lui est susceptible de foutre le moral en l’air des confinés parisiens. Il faut que tout le pays vive le même carême, la même misère, porte la même croix. Du moins dans les apparences télévisuelles. 

 Les solutions proposées par les radios et les chaînes de télé ne sont pas des plaisirs, mais des exercices de sous mariniers afin de se maintenir à flot : Gymnastique devant un tutoriel, petits plats vous faisant gagner des kilos plus vite qu’un poulet de Loué, ne vivant même pas en liberté. A la fin de l’émission, un spot publicitaire surréaliste, vous conseille de faire de l’exercice et de vous bouger, pour ne pas prendre de poids, un objectif de santé mental et physique. Veulent-ils induire l’idée que la sexualité combat le cholestérol ?.

    La sexualité débridée est devenue une injonction, débarrassée des lois anciennes du genre. Elle est souvent teintée de performance et d’hystérisation, loin du secret et du confinement auquel on aspirait, jadis, avant de la mettre en pratique, dans une alcôve. De nos jours ce n'est plus souvent qu'une activité sportive comme une autre, en lien avec la fédération française d'aviron.. Des coachs donnent des conseils aussi sur le zen, et le débouchage d’un évier. . Voilà comment passent les journées, autour des mêmes rituels jamais transgressifs, tant on s'est débarassé des tabous, comme autant de gadgets inutiles.. A vingt heures, s'il est au top de son programme, le confiné de base sort sur son balcon pour applaudir les légions de soignants partant sur le front.  

    Il n’a plus ensuite qu’a regarder le journal du soir, s’attaquant aux statistiques morbides des victimes du coronavirus.. Les compteurs attachés à chaque pays, nous ramènent de façon impudique, aux souvenirs de notre enfance, quand nous regardions « Jeux sans frontières » et ses sympathiques concurrents, coursés par une vachette dans une arène.

     « Covid » ne sera pas sans rappeler pour les anciens, l’abominable « Gègène » surgit en 1968 sur les écrans, dans « Les shadoks  ». Curieuse année, curieuse série que ces Shadoks, qui indignèrent une moitié de la France, et en ravirent l’autre moitié ! l’affreux « Gégène » https://bit.ly/2Xvgkyk tout petit mais faisant le maximum, terrorisa tellement shadoks et gibis que tous n’eurent plus qu’une idée : Quitter la terre au plus vite, grâce à l’aide du professeur Shadoko !

     Ainsi nous apprîmes que l’espoir même s’il est stupide, nous maintient en vie, jusqu’au jour d’après ! ( Comment rafistoler les shadoks : https://bit.ly/3b3pC8B

   Le professeur Raoult, et sa potion magique est-il le joker de la France, qui va lui permettre de doubler ses points et revenir sur l’Allemagne ? On a du s’endormir un moment, on ne suit plus la série qui s'enlise. La différence entre le sommeil et la mort n’apparaît plus flagrante ! On baille devant les cercueils et les EHPAD confinés.

     L’horreur d’hier devient déjà le banal du jour.. Il faut se faire une raison. Ca ne sert plus à rien de regarder l'heure qui fait du surplace. Il semble bien qu’on ne partira plus jamais en vacances ! En tout cas on remettra à plus tard le mardi gras à des lustres, faute de masques. Par contre, ça sera Halloween tous les jours !

     La météo bleue se fout de notre gueule de confiné. Grand anticyclone du printemps ! C’est à croire qu’il y a un dieu farceur caché quelque part dans le grand dessein de l’univers. Passe l’hiver, en robe de chambre. Mais au printemps, en slip, chaussons, et marcel, on se sent con et triste.

    Ce temps béni reviendra-t-il, celui où nous pouvions gueuler dans les stades, où les pervers parvenaient à profiter de la promiscuité des entassés du métro parisien ?...Bien sûr il y a d’autres façons de s’évader que nez au vent sur un vélo !. Chacun son truc. Beaucoup de conseils de lectures il est vrai aussi. J’en ai donné, j’en donne encore. J'ai plein de héros dormant dans des cartons au grenier. Il n'y a qu'à se servir, s'accrocher aux pages et aux lianes, pour sortir de ce foutu confinement qui sent le marécage.

    A qui ai-je filé tous ces bouquins que je cherche parfois sous le lit ? J’irais bien en apporter à des amis encore mais j’ai pas le droit. Je ne vous apprends rien. 

 Que lire quand on a relu les aventures confinées de Proust, et rêvé des jeunes filles en fleurs ?..

    .Le lecteur sans bouche d'aération est vite en manque, pour suivre la suite des aventures du petit Marcel, de Miss Marple, de Tintin, de Bob Morane, On voudrait bien se ravitailler en produits frais. On serait prudent, montrant patte blanche comme la couleur de la série de Gallimard. Le libraire serait ravi, nous conseillerait derrière son masque une série noire. Un chance unique pour la lecture, tant les conditons optimales sont présentes.

    Nous vivons une époque historique, un pied dans le drame, l'autre dans la science fiction, avec un scénario politique à venir qui va sans doute changer nos vies... Nous aurions bien besoin de guides, l'aide des grands auteurs, pour prendre un peu de recul, tout à notre confinement.. Mais sur l’attestation de déplacement dérogatoire, Il n’y a pas de case spécifique à cocher : Sortie pour assouvir un besoin irrépressible de lecture. 

     C’est bête, tout de même d’avoir tout ce temps autour de soi, un espace idéal que l’on attendait plus, et ne plus savoir quoi en faire ! Un jour se disait-on, quand j’aurai le temps, je lirai tous ces grands livres, ces pays par lesquels sont passés tant de générations. J’en sortirai plus autonome, le regard pur, capable de balayer d’un regard critique tous les mensonges qu’on nous fait gober, à la façon d’un poisson rouge dans son bocal !

    Le temps est arrivé. Qu’on espérait plus ! Cet an 01 où l’on est invité à réfléchir, après que tout se soit arrêté. Las ! Vous vous êtes cogné à la grille de la petite librairie, qui faisait l’angle de la rue ! 

    Par contre, le marchand de pinard vous sourit, installé affable devant sa boutique. Il vient de faire l’arrivage de quelques dizaines de caisses, qui sont parties comme des petits pains.

   Il faudra aller chercher dans une bouteille de « Côtes du Rhône » , les grands espaces de « Guerre et paix » ou dans un trois quart de « Moulin à vent » la critique du système économique actuel, proposé par Thomas Piketty, https://bit.ly/3eihdzU l’auteur de « Capital et idéologie » qui nous montre comment les inégalités s’accroissent vertigineusement, au risque de nous envoyer dans le mur.

    Ah, bon, me dites vous, c’est arrivé !

    Le vin, en ces temps obscurs, a retrouvé grâce à une qualité qu’on avait oublié depuis l’après guerre. Il était considéré comme une nourriture, indispensable à tout homme, et conseillé même aux enfants de plus de dix ans. Voilà que ces vieilles vues archaïques semblent légitimer « l’achat de première nécessité ». Voilà comment on rentre dans les cases, en forçant sur le bouchon !

      Attention aux piquettes. A la propagande, aux lobbys, qui veulent vous pousser comme des veaux vers les marchés qu’il faut rouvrir, absolument, comme le murmure la FNSEA à l’oreille des dirigeants.

      Ne vous faites pas avoir par l’étiquette de la bouteille, ou par la jaquette du livre !

      Et continuez à pédaler dans votre tête, afin de ne pas trop ressembler à un poulet de Loué à la sortie du confinement.

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Les shadoks ont 50 ans et pompent toujours énormément  : https://bit.ly/2K16uvT


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