Liposuccion pour la Grèce
par olivier cabanel
jeudi 6 mai 2010
Ca y est, les Grecs savent maintenant à quelle sauce ils vont être mangés.
Ils vont devoir rembourser 110 milliards d’euros que l’Europe et le FMI leur prête, à un taux de 5%.
Mais il faut y regarder de plus près.
Les premiers intéressés sont l’Allemagne et la France, dont les banques ont prêté déjà plusieurs milliards à la Grèce, et qui voudraient bien récupérer ces dettes.
D’après la BRI (Banque des règlements internationaux) les banques françaises sont exposées pour 79 milliards d’euros, et les banques allemandes pour 43 milliards. lien
Or, laisser la Grèce dans l’impasse, plongeait celle-ci dans une quasi faillite, signifiant que les banques françaises et allemandes pouvaient faire une croix sur l’argent prêté.
En accordant ce prêt à la Grèce, les banques françaises et allemandes espèrent donc pouvoir récupérer leurs prêts antérieurs.
Pourtant la messe n’est pas dite, et le peuple grec ne semble pas prêt à se laisser punir si cruellement pour des fautes dont seuls des politiques et des banquiers se sont rendus coupables. Lien
Ils sont déjà trois citoyens à avoir payé de leur vie la contestation qu’ils font du plan d’austérité qu’on leur propose.
D’autant que le taux de 5% qui est imposé à la Grèce manque de fraternité, lorsque l’on sait que pour prêter ces milliards, la France a emprunté à un taux de 2%. lien
Elle espère faire donc une bonne affaire sur le dos de la détresse grecque, ce qui est d’une moralité discutable.
Certains économistes pensent que la meilleure solution serait pour la Grèce de quitter la zone euro, de retourner à leur monnaie initiale, de la dévaluer et de revenir éventuellement au sein de l’Europe lorsque la situation sera normalisée.
Sortir donc de l’euro serait une solution bien moins pénalisante, pour les Grecs d’autant qu’une dévaluation de la monnaie nationale pourrait être de nature à relancer la croissance, rendant le pays plus compétitif, mais cela ne permet plus à la Grèce de rembourser ses dettes.
Comme la France est le pays le plus exposé, cette nouvelle perte (79 milliards) serait de nature à porter le coup de grâce à notre pays, qui serait à son tour pris dans la tourmente.
Comme l’a rappelé Nicolas Baverez, la France n’est pas en bonne position. lien
Il rappelle : « un taux de chômage supérieur à 10%, une perte de contrôle des finances publiques qui fait de la France le premier emprunteur d’Europe, en 2010, avec 454 milliards d’euros, devant l’Italie (393 milliards) l’Allemagne (386 milliards) et le Royaume uni (279 milliards) » lien
Malgré les tentatives gouvernementales qui tentent depuis la fin de l’année de faire croire à une embellie pour 2010, la réalité est beaucoup moins affriolante alors que nous approchons la moitié de 2010. lien
La dette française est beaucoup plus importante que la dette espagnole.
Pour la Grèce la date butoir est le 19 mai, date à laquelle elle doit rembourser 8,8 milliards d’euros.
Beaucoup ont tenté de minimiser la situation de la Grèce, puisque dans le fond, elle n’est que 3% du PIB de la zone euro.
Comme le fait judicieusement remarquer l’anthropologue, sociologue, et économiste Paul Jorion, on avait fait de même pour les « subprimes ». lien
Paul Jorion est l’auteur d’un livre (la crise du capitalisme américain 2004) dans laquelle il annonçait déjà la crise des « subprimes ».
On connait la suite, et la profonde crise qui en est née.
Paul Jorion rappelle que tout est parti des agences de notations privées, dont on peut discuter l’impartialité.
On peut découvrir son analyse sur cette vidéo.
Sa conclusion faite le 10 avril était sans appel :
« C’est trop tard pour la Grèce : les gens qui nous dirigent ne prennent pas les décisions qu’il faut, et en tout cas ils ne les prennent pas dans les temps ou il faudrait qu’ils interviennent ».
Paul Jorion affirme que ce jour là (le 10 avril) il fallait réagir dans les 48 heures pour espérer sortir de la crise.
Or, il a fallu près d’un mois pour qu’une décision soit enfin prise.
Pour Jorion, c’est trop tard.
Or, si par hasard, le peuple grec refuse l’aide européenne, et provoque la démission du gouvernement, c’est la France, l’Espagne, le Portugal, et l’Italie qui se trouveront directement dans la ligne de mire, provoquant à terme l’éclatement possible de la zone euro.
Sommes-nous déjà au milieu d’un jeu de dominos qui s’écroulent les uns après les autres ?
Bien malin qui pourra le prédire, car comme disait mon vieil ami africain :
« Avec quoi pourrons nous laver l’eau sale ? »