Loi Avia : progrès et lacunes

par Marcel MONIN
vendredi 15 mai 2020

Loi Avia : progrès et lacunes (*)

 

Avec la loi Avia, les parlementaires qui respirent le même air que le président de la République, ont eu, comme ce dernier, le bon réflexe : marcher (selon le vocabulaire de la sphère présidentielle), dans le sens de l’histoire et dans le cadre de préoccupations toujours empruntes de réalisme. 

En effet, d’un côté, les médias majoritaires ont réussi à dire aux citoyens ce qu’il est opportun qu’ils sachent, ce qu’il leur faut comprendre et retenir d’un fait ou d’un propos ou d’une décision du président de la République ou d’autres chefs. Et ce qu’il faut penser de mal de la personne et en mal des propos d’un déviant invité à cette fin.

Médias fournissent aux citoyens, pour le reste du temps que ces derniers passent devant leurs écrans, les nourritures intellectuelles qui sont jugées suffisantes et nécessaires dans cette nouvelle phase de la société en marche : la publicité et les offres de vente en ligne, la météo, des émissions de téléréalité et de divertissement, ainsi que des séries.

Mais d’un autre côté, les informations qui sont occultées, et les argumentaires qui sont proscrits par les médias dominants, se trouvent circuler sur internet.

Il convenait donc d’y mettre bon ordre. Simplement. Pas plus.

Et non, évidemment, de censurer. D’ailleurs, la censure est d’habitude le fait du gouvernement. Depuis 2004 le tri de ce qui peut être dit ou pas, est, conformément au principe de l’économie libérale et libérée, « externalisé ». Comme ce sont les opérateurs de plateformes (privés) qui veillent à la correction de ce qui se dit sur internet, il n’y a pas de « censure ». (1).

Et puis, le tri est fait au nom de principes. Tout comme, d’ailleurs, l’occupation de certains pays dont le sous sol ou le sol présentent un intérêt ... Pas plus de censure, que de violation de la souveraineté.

 

A. Les avancées.

La loi de 2004 a commencé. La loi Avia en fait un peu plus, conformément aux méthodes de la bonne gouvernance, qui veulent que l’on ne fasse jamais une « réforme » en un seul coup. Pour que l’estomac citoyen qui ne l’aurait pas toléré en une seule prise, s’y habitue petit à petit.

Et comme il faudra peut-être que lesdits estomacs s’habituent par exemple, à ce que le « souverainisme » soit aussi traité, par exemple, comme une forme d’antisémitisme (2).

Le texte Avia ajoute la haine « tout court » à la haine pour les groupes de la loi de 2004.

Si l’on en croit le dictionnaire Larousse, la haine est le « sentiment qui porte une personne à souhaiter ou à faire du mal à une autre, ou à se réjouir de tout ce qui lui arrive de fâcheux ».

Or, beaucoup d’internautes rêvent qu’il arrive du mal à quelques dirigeants qu’ils ont fini par détester : - au président de la République qu’il ne soit pas réélu ou qu’il soit destitué ; - au Premier Ministre ou à tel(le) ministre de la santé, qu’ils soient durement condamnés par la Cour de Justice de la République, voire à beaucoup plus, par une juridiction ordinaire si la constitution le permettait un jour.

Ca, c’est de la haine dont il faut débarrasser les réseaux sociaux.

Mais il faut insister sur le fait que ce texte sur la haine tout court, et sur le déclenchement de la procédure étendu au gouvernement, n’empêche pas que les internautes s’expriment sur E. Macron ou sur E. Philippe….

… Pourvu qu’ils en disent du bien.

Ceux qui verraient là dedans de sombres desseins gouvernementaux de « tenir les citoyens » et de réduire les libertés, de ces derniers, seraient des « complotistes ». Au fait, puisque l’on parle de « complotisme » …

 

B. La lacune.

On se demande pourquoi les parlementaires signataires (ou les quelques malins rédacteurs) de la proposition de loi, n’ont pas pensé à ajouter le « complotisme » à la haine.

Surtout que le complotisme est, comme la haine, un concept à géométrie variable. Dont l’étendue est modifiable par les opérateurs, eux-mêmes soumis aux froncements de sourcils des politiques en place.

Un exemple concret parmi d’autres :

Quelques individus influents comme D. Rockefeller (banquier), J. Attali (conseiller d’un président de la République et co-fabriquant d’un autre) ont l’idée d’un « gouvernement mondial ». Constitué d’une élite - v. D. Rockefeller (3) - gouvernant les masses de telle manière que ces dernières seraient heureuses tout en se tenant tranquilles (3).

Ces individus ne sont pas des « complotistes », mais des personnes fort respectées.

Lorsque d’autres, prenant appui sur les déclarations de certains hommes politiques, sur les règles déjà mises en place ou sur les réformes annoncées, toutes s’inscrivant le cas échéant dans la logique ci-dessus, sont en revanche critiques … c’est du « complotisme » !

Ceux qui se réunissent pour discuter de la marche souhaitable du monde (Bildelberg, Trilatérale, Davos, …), et à huis clos, ne sont nullement des comploteurs.

Ceux qui y voient malice, en estimant que la politique doit être décidée non dans de grands hôtels (par des autoproclamés et cooptés), mais (par tout le monde) dans les bureaux de vote, sont en revanche des « complotistes ».

Que les animateurs militants de certaines chaines de télévision ( v. notre paragraphe introductif) et que certains politiciens puissent continuer (quand ils n’ont ni connaissances, ni argumentaires à opposer à leurs interlocuteurs mal triés), et sans rien risquer, à taxer ces derniers de « complotisme » pour les rendre inaudibles, est une chose .

Mais que ces étiquetés « complotistes » polluent internet en donnant aux citoyens matière à penser, est une autre affaire.

C’est la raison pour laquelle ajouter dans la loi, le « complotisme » à la haine, eut été probablement un excellent coup. Alors … patientons !

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités

(*) nous attendons avec intérêt les commentaires des lecteurs qui pratiquent la lecture au premier degré.

(1) Ces opérateurs privés, chargés de la gestion de ce « domaine public » particulier, pourraient (à l’image des « fermiers » qui perçoivent les droits de place sur les commerçants des marchés forains, et à l’image des sociétés qui gèrent désormais le stationnement payant), être autorisés à percevoir des droits sur les citoyens qui leur donnent des textes ou des vidéos à héberger sur leurs sites. Ces droits pourraient inclure les honoraires d’écrivains assermentés qui veilleraient à ce que la forme et le fond soient convenables. La somme revenant à l’Etat pourrait financer la promotion de l’image présidentielle et celle de la politique gouvernementale. (Encore une lacune de la loi Avia !)

(2) Site de Jacques Attali : http://www.attali.com/societe/derriere-le-souverainisme-se-cache-trop-souvent-la-haine-des-musulmans/

(3) v. des références dans les notes infra paginales de notre article : « Déjà … le gouvernement mondial » (Agoravox) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/deja-le-gouvernement-mondial-212449


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