M. Mélenchon ou les tribulations d’une pensée malhonnête

par hans lefebvre
mardi 13 mai 2008

Il a réussi à faire "le buzz", notre sénateur, grâce à un sujet fort sensible en tenant une position indéfendable car non médiane. En effet, chacun pourra retrouver aisément le billet qu’il a consacré au problème sino-tibétain, faisant fi de tout esprit serein, alimentant une pensée instrumentalisée qui tient plus du sophisme que de l’approche argumentée à la lumière des connaissances actuelles.

Pour revenir à votre argumentaire en bonne et due forme, cher M. Mélenchon, je dois avouer que vous avez pris le temps de vous documenter et, en bon politicien polémiste que vous faites, savez instrumentaliser un discours dans le but d’attirer vers vous tous les regards ! Sur ce point-là, l’objectif est atteint, il n’est qu’à voir le bond prodigieux des commentaires sur votre blog.

Mais revenons au fond du problème, épineux et fort complexe, s’il en est. Certes, au regard de nos propres valeurs occidentales, “la charte des Tibétains en exil” n’obéit pas aux grands principes posés par nos éminents penseurs parmi lesquels le regretté Montesquieu - d’ailleurs, il sera toujours important de rappeler au bon souvenir de chacun les positions fondamentalement racistes défendues, en leur temps, par nombre philosophes des Lumières à l’endroit des gens de couleur* !

Pour autant, et vous en conviendrez, le Dalaï-Lama ne ressemble en rien à un Duce, un Führer ou bien même un Staline, accompagnés chacun de leurs responsables respectifs (n’oublions pas le vénérable Mao, ce serait là injustice que lui faire) ! Dès lors, il est incontestable qu’au palmarès des dictatures, l’Europe n’a malheureusement rien à envier à quiconque et a su largement apporter sa pierre à l’édifice en matière d’horreurs innommables, mais là je sais ne vous apprendre rien !


En outre, concernant vos arguments sur l’ethnicisation du discours du Dalaï-Lama, c’est un comble ! Les Chinois seraient donc les futures victimes du gouvernement tibétain en exil dont chacun sait qu’il devrait parvenir prochainement au pouvoir avec le soutien des “droits de l’hommistes” de tous poils ! La colonisation chinoise, selon vous, n’est en fait qu’œuvre civilisatrice à l’endroit de ces indigènes bouddhistes aux croyances dignes de “nos bons sauvages” à qui, en outre, nous n’avons eu que le bon goût d’apprendre nos bonnes manières, comme chacun le sait ! En termes d’inversion du stigmate, avouons-le vous avez fait une bien belle performance, qui, je l’espère, vous vaudra une médaille olympique.

De fait, je me demande, M. Mélenchon, si votre position ne peut être rapprochée d’une forme de négationnisme dans la mesure où, dans votre billet, vous ne faites aucunement allusion aux incontestables horreurs pratiquées par les régimes successifs de Pékin à l’encontre du peuple tibétain et, plus particulièrement, celui ayant porté la révolution culturelle !

En effet, je crois savoir que, sur ce point, un certain consensus des historiens spécialistes de cet endroit du monde ne fait aucun doute, il existe même nombre de documents fixés sur pellicules que vous pourrez retrouver sur Arte. Alors, je vous renvoie vers tous les travaux incontestables en la matière - en premier lieu ceux de vos honorables collègues sénateurs - qu’il vous sera bien aisé de retrouver, si toutefois vous déniez en prendre connaissance !

Mais, ne nous y trompons pas, il ne s’agit aucunement de dénigrer le peuple chinois, pour une grande partie victime tout autant du régime autocrate, mais plutôt d’argumenter afin de ne point laisser la propagande du régime de Pékin se répandre insidieusement.

La Chine, même s’il est incontestable qu’elle change, ne prendra pas le chemin le plus équitable à l’endroit des revendications tibétaines. Alors, il est sain que s’élèvent de nombreuses voix militantes et politiques objectives.

Enfin, toute affaire cessante, il est grandement recommandé de lire le travail de synthèse remarquable produit par Françoise Aubin, Ecrits récents sur le Tibet et les Tibétains, bibliographie commentée. Dès lors, une approche objectivée du sujet sera envisageable. C’est, ici, une vision parfaitement scientifique et sage, non instrumentalisée, et encore moins idéologique, dépourvue de tout parti pris, une démarche de connaissance, donc tout à fait à l’inverse de l’analyse incriminée que vous proposez.

*NB : sur ce sujet, s’empresser de lire le monumental travail de Marc Ferro, Le Livre noir du colonialisme, aux éditions Pluriel, 2004.


Lire l'article complet, et les commentaires