Ma banlieue ne doit pas craquer !
par Jean Claude BENARD
mercredi 18 octobre 2006


Vous connaissez cette phrase : "Quand on a des idées en forme de marteau, on finit par voir tous les problèmes sous forme de clous." ?
Ce type de comportement est à rapprocher des nombreuses déclarations concernant les récentes agressions de policiers dans des cités de l’Ile-de-France. Si les attaques commises sur des policiers sont à condamner sans réserve, il est notoire que le "tout répressif" inauguré par Nicolas Sarkozy lors de son arrivée au ministère de l’Intérieur n’a pas arrangé les choses.
Nous apprêtons-nous à revivre le scénario de 2002 lorsque les faits divers, du plus crapuleux au plus insignifiant, dans le domaine de la sécurité, étaient monté en épingle par les médias ?
Le savant cocktail qui a réuni très récemment les télévisions et la police pour assister à une arrestation médiatique donne à penser que les bonnes recettes de la précédente campagne présidentielle pourraient revenir à la mode.
Cité de façon permanente, il est à craindre que le 93 soit la mèche de la poudrière qui pourrait permettre à certains candidats à la présidence de la République de monter à nouveau dans les intentions de vote.
Confronté directement aux dernières émeutes des banlieues, le maire de Bondy vient d’écrire une lettre ouverte à Jacques Chirac, qu’il publie sur son blog, où il ne mâche pas ses mots.
Extraits :
« J’accuse le ministre de l’Intérieur d’avoir délibérément cherché à déstabiliser nos quartiers populaires.
J’accuse le ministre de l’Intérieur de souffler des braises sur nos banlieues et sur mon département en particulier.
J’accuse le même ministre de gesticuler devant les caméras pour masquer ses incompétences.
J’accuse le ministre de l’Intérieur de vouloir en fait faire régner la peur et avec celle-ci de capter les extrêmes.
J’accuse le ministre de l’Intérieur d’opposer Justice et Police, citoyens et jeunes, jeunes et institutions !
J’accuse le ministre de l’Intérieur de diviser la France et d’éloigner chaque jour un peu plus les jeunes de notre idéal républicain... »
De son côté, le Syndicat national des officiers de police (SNOP) demande des renforts dans le département de Seine-Saint-Denis, affirmant (sans préciser sur quelles sources il s’appuie) que les jeunes des cités s’apprêtent à fêter violemment les émeutes de l’automne 2005.
Le maire de Bondy donne un compte précis des forces de l’ordre pour sa ville : « Quelques données chiffrées pour vous éclairer : le commissariat chez moi a comme circonscription les villes de Bondy (54 700 habitants) et Les Pavillons-sous-bois (20 500 habitants), soit 75 200 habitants.
75 200 habitants et un effectif pour tout cela de 104 policiers,
douze collèges et lycées, et deux inspecteurs pour la brigade des mineurs à disposition de 9h à 19h... »
Cette réalité des chiffres montre bien à quel point il y a un monde entre les déclarations tonitruantes et le terrain.
L’UMP du 93, par la voix d’Eric Raoult, maire du Raincy, propose aux syndicats de policiers une rencontre départementale et lance une opération Population Police Solidarité pour montrer son soutien réel et concret aux policiers du département.
L’UMP n’est-elle pas en train de regretter amèrement la police de proximité tant décriée par le président de son mouvement ?
En attendant, il est anormal, tant pour la société que pour les policiers, de voir les forces de l’ordre promues au rôle de « hussards de la République », à l’image des enseignants au début du XXe siècle.
Le mot insécurité recouvre aujourd’hui beaucoup plus de cas de figure que le seul banditisme, et il est dangereux de faire croire que la police puisse servir de rempart à des problèmes de logement, d’illettrisme ou de chômage endémique. Le faire croire revient à exposer ces forces de l’ordre à des situations qu’elles ne sont pas à même de maîtriser.
Nul n’a le droit de jouer avec le sujet de la sécurité, à moins d’avoir une vocation de pyromane. Ne retenir que le sujet de la sécurité en occultant tous les autres problèmes revient à isoler et à stigmatiser un peu plus des populations, sans pour cela apporter la moindre ébauche de solution.
Dans ce contexte, il est essentiel que ministres comme élus locaux mettent leurs drapeaux dans leur poche pour éviter toute dérive. Les Français sont en attente d’autre chose qu’un simple croque-mitaine comme chef de l’Etat !