Ma religion est faite !

par Philippe Bilger
mardi 6 novembre 2007

J’entends déjà la révolte gronder dans le camp de ceux qui attendent toujours mieux de moi. Ils sont mon aiguillon nécessaire.

J’aurais pu, il est vrai, pour demeurer sérieux, évoquer le livre d’entretiens du garde des Sceaux avec Claude Askolovitch ou celui, très touchant paraît-il, de Michel Drucker. Ce n’est pas moi qui oserais tourner en dérision ce dernier, comme Libération l’a fait, au motif qu’il nous annonce sa volonté de ne jamais partir à la retraite. Il est vrai qu’une telle perspective n’est guère enthousiasmante. Mais que de couches de gentillesse à venir !

J’aurais pu, pour rester grave, applaudir les artistes qui s’engagent, avec un courage inouï, auprès du Droit au logement (DAL) tandis que nous continuons, nous, à résider sans trop de mauvaise conscience entre nos quatre murs !

J’aurais pu et dû emprunter tant d’autres chemins mais bizarrement, aujourd’hui, je n’ai pas la tête au sombre. Au contraire.

Je n’irai pas jusqu’à me plaindre qu’on ne trouve plus Playboy dans les kiosques avec Juliette Binoche dans le plus simple appareil. Trop vulgaire, peut-être ?

Non, empli d’une douceur surprenante, j’ai envie de dire du bien de Catherine Deneuve et de me demander ce qui se passe avec Johnny Hallyday. Vous constaterez qu’il n’est pas absurde de réunir ces deux personnalités même si elles ne nous enseignent pas la même leçon.

La première, depuis quelques mois, est passée clairement du bon côté de l’opinion publique. La femme plus que l’actrice. Alors que d’aucuns la dénigraient pour son amour de l’argent et des cadeaux, parce qu’elle participait, rétribuée, à des festivités qui n’avaient aucun intérêt, elle a décidé, au lieu de jouer la perfection outragée, de dire le vrai sur elle-même en admettant ses faiblesses et les contraintes de son existence. Bien sûr, elle a su relativiser celles-ci mais la franchise rare avec laquelle elle a avoué ses besoins considérables, et justifié, donc, ses appétits matériels, l’a rendue sympathique au lieu d’aggraver notre désillusion. La touche finale, elle la pose avec élégance dans Gala (selon TéléObs) en s’exprimant de la sorte : "Je n’ai jamais dit que j’étais la Vierge Marie. C’est toujours dangereux d’être considérée comme parfaite !" Le tour de force, c’est, pour l’actrice, de se recréer une virginité morale en se la déniant et de voir juste en dénonçant ce penchant pervers qui nous tient d’exiger la perfection chez ceux qui nous représentent ou nous illustrent. Tant d’autres people, devant un procès si contraire à l’image flatteuse qu’ils prétendent nous instiller, auraient adopté l’attitude contraire, dévastatrice. Plutôt que suivre la pente de ces banales turpitudes, ils auraient prétendu la remonter et auraient tout perdu à cause d’une bête arrogance ou susceptibilité. Au fond, et c’est la morale véritable de cette histoire, Catherine Deneuve est intelligente. Sachant lâcher du lest quand il convient, elle a grossi son capital d’adhésion auprès du public. Ce dernier préfère les icônes qui lucidement se détruisent aux statues sans cesse contredites par leur vie. La sincérité paie. C’est la revanche de l’existence sur la comédie.

Et Johnny dans tout cela, me direz-vous ? Lui, c’est le contraire. Là où Catherine Deneuve a fait du profane un nouveau sacré à notre mesure, fraternel et chaleureux, il a laissé se déliter le sacré admiratif de ses fans et de ses compagnons d’âge par une gestion erratique de ses choix. Je n’évoque pas le fait qu’il a traité récemment Thierry Ardisson de "sale con" dans Télé 7 jours. "Con" est redevenu à la mode mais ce n’est pas le plus grave pour Johnny !

Il me semble que depuis l’élection présidentielle, notre chanteur national ne sait plus trop comment et où donner de la voix, de l’opinion, du silence et de la parole : il part résider six mois par an en Suisse pour des raisons fiscales après avoir soutenu Nicolas Sarkozy, il ressort fortement imbibé de la soirée du Fouquet’s, il veut être belge puis ne veut plus l’être, au p’tit bonheur la nationalité ! Johnny a du plomb dans l’aile et c’est très dommage. Car, sans rire, la déception ostensible ou subtile qui naît depuis quelques mois à son sujet ne touche pas qu’un formidable artiste qui ferait de n’importe quoi un chant à retenir, mais une part de nous-mêmes. En tout cas pour ce qui me concerne, longtemps, en forçant le trait, j’ai pu placer Goldman et Johnny, quoiqu’aux antipodes, sur le même pied d’estime mais le premier a définitivement fait le trou ! Il faudrait qu’en dehors de son épouse, un tiers clairvoyant reprenne le destin de Johnny en main pour refaire de lui l’idole des jeunes... et des moins jeunes. Il y a du travail à accomplir. Car le chanteur demeure magnifique mais l’homme a perdu du crédit.

Pour rire, l’idéal serait que Catherine Deneuve s’occupe de la carrière de Johnny. Ma religion est faite : cela irait mieux pour lui.


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