Macron prétend qu’en l’élisant, les Français ont approuvé le recul de l’âge de la retraite

par Alain Alain
jeudi 12 janvier 2023

Il compte sur la désinformation, le désintérêt, la résignation, l’angoisse et l’incertitude ambiantes pour asséner “ sa ” réforme des retraites, celle qu’il rejetait pourtant rageusement en 2019.

 Emmanuel Macron parie qu’en ces temps difficiles, nous serons peu nombreux à nous mobiliser contre sa réforme.
Il parie que vous n’êtes pas ni en état psychique ni en capacité intellectuelle de mesurer les vrais enjeux.
Il parie que vous préfèrerez feindre de gober ses arguments mystificateurs pour ne pas avoir à lutter pour vous défendre, les temps étant trop durs pour perdre de l’argent.

Il voulait une réforme systémique, révolutionnaire, la retraite à points et surtout pas le recul de l’âge de départ à la retraite.
Rappelons-le.
Emmanuel Macron s’était fermement opposé à tout recul de l’âge de départ à la retraite, le 25 avril 2019 en conférence de presse :
« Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage (des plus de 55 ans au moins) dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal de la retraite.
Quand, aujourd’hui, on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans ! C’est ça la réalité de notre pays.
Alors, on va dire : “ Non, maintenant il faut aller à 64 ans ! ” Vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans. Les gens vous disent : “ Les emplois ne sont plus bon pour vous. ” C’est ça la réalité.
C’est le combat qu’on mène. On doit d’abord gagner ce combat avant d’aller expliquer aux gens : “Mes bons amis, travaillez plus longtemps. C’est le délai légal ! ” Ce serait hypocrite. »
Dans Le choix du chômage, mars 2021, de Benoît Collombat et Damien Cuvillier, p 243, signalé par Challenges, le 14 janvier 2020 et rappelé par Libération, le 30 septembre 2022.

 Aujourd’hui, 2 ans plus tard seulement, contre vents et marées, il veut sans délai imposer ce même recul !
Il n’en a rien à faire de la retraite et des retraités. Ce qu’il veut c’est une réforme à son nom qu’on prétendra grande. Laquelle ? Ça n’a pas d’importance.

Sachant qu’il ne sera plus là en 2027, ce Macron ose tout.
« Le 14 octobre dernier, au micro de France Inter, le Président a fait cette déclaration passée inaperçue : “ Là où je suis le plus utile, c’est de mener un travail diplomatique. Et, la diplomatie, c’est de parler avec les gens avec lesquels on n’est pas d’accord et d’essayer de réduire ces écarts et de faire œuvre utile. ”
Une tirade qui a inspiré à l’un de ses proches conseillers ce commentaire : “ La politique intérieure n’intéresse plus vraiment Macron. La gestion de sa majorité relative l’a lassé très vite. Du coup, il s’investit beaucoup plus dans la politique étrangère, car il s’est mis dans la tête de viser le prix Nobel de la paix en apparaissant comme le seul chef d’État d’une grande puissance qui peut parler à tous et faire avancer la cause de la paix. ” » 
Source, Le Canard enchainé, 16 novembre 2022.
Ma chronique pourrait s’arrêter là.

La première ministre a affirmé : “ cette réforme est plus juste ! ”

Généralement les plus hauts salaires commencent à travailler à bac + 3, soit à 21 ans au moins, puis 22, 23...
21 ans plus 43 ans de cotisation, ça fait bien un départ à la retraite pas avant 64 ans sinon plus encore. Donc pour eux la réforme ne change rien.
En général, avec la réforme ce sera départ à 64 ans aussi pour tous les autres.
C’est plus juste !

On sait qu’un pourcentage substantiel de travailleurs est décédé avant 62 ans. (Combien ? Je ne sais pas. On entend 12 à 25 % selon les sources.)
Tous ces morts n’ont pas eu accès à leur retraite.
Avec la réforme, tous les travailleurs qui décéderont entre 62 et 64 ans, non plus.
C’est plus juste !

Avec la réforme l’État fera de 13 à 20 milliards d’économie, les experts ne savent pas bien combien exactement encore :

- avec le recul de l’âge de départ à 64 ans il y aura provisoirement moins de nouveaux retraités et donc moins de pensions à payer ;

- moins à payer mais plus de cotisations à percevoir de ceux qui resteront en activité et qui continuerons à cotiser sans nécessité pour eux même ;

- moins de surcote à payer à ceux qui travaillaient encore après 62 ans en ayant déjà tous leurs trimestres ;

- avec les 43 années de cotisation, plus nombreux seront ceux qui n’ayant pas tous leurs trimestres n’auront pas une pension complète et paieront une décote en plus ;

- etc.

Et qui va payer tout ça ?
Tous ceux qui auront commencé à travailler avant 21 ans. Donc pas les plus hauts salaires qui de toute façon devaient rester au moins jusqu’à 64 ans.

Ce sera pareil pour ceux qui pourront encore partir avant, à 62 ans. Ils subiront le même recul de 2 ans, de 60 ans actuellement à 62 ans avec la réforme.
Donc tous les salariés les moins bien rémunérés qui souvent exercent les métiers les plus difficiles supporteront très majoritairement le poids des économies générées par cette nouvelle réforme. En plus, à terme, ils perdront quasiment tous deux ans de retraite.

Dernière injustice entre petits et gros : tout le monde cotise à hauteur de
6,90 % du brut pour les retraites sauf que ceux qui gagnent plus de 3 428 euros par mois ne paient plus que 0,40 % à partir de ce plafond. Donc ceux-là sont exonérés sur une partie de leur salaire. Et même les très hauts salaires profitent d’une importante exonération.

C’est la sixième réforme des retraites depuis 1993, avec allongement de la durée de cotisation et/ou report de l’âge de départ.
Et le problème n’est jamais réglé.
Et tous les retraités voient le montant de leur pension baisser au fur et à mesure. Des baisses aggravées par une absence d’indexation et même des périodes sans augmentation, des hausses de la CSG et des mutuelles.

C’est bientôt fini mais le pire c’est maintenant.

Tout ce qui précède n’est valable que si le salarié a ses 172 trimestres pour 43 ans à temps complet !!!
Quand on n’a pas 43 ans de cotisation on ne touche pas sa pension complète et en plus on en perd une part supplémentaire appelée décote.
On n’a pas non plus de pension, de base et complémentaire comprise, à 1 200 euros brut ; pension qui de toute façon sera soumise à tant de conditions (comme les revenus du couple semble-t-il), que rares seront ceux qui y auront vraiment droit.
Combien de travailleurs pourront totaliser cette durée de cotisation même parmi les cadres et pourront avoir leur pleine retraite ?
Combien d’autres seront sans emploi pendant leurs dernières années avant la retraite ? Indemnité chômage, RSA, puis pension de retraite réduite.
On les plaint beaucoup nos séniors virés de leur boîte et on s’épouvante devant leur sort.
Mais les séniors de demain, c’est nous !

J’irai manifester, avant tout pour mes enfants. Même sans vous.


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