Macron s’y prend comme un pied
par Fergus
samedi 24 août 2024
Chacun en conviendra, les pieds sont bien pratiques pour se déplacer. Mais pas seulement. Dès lors, comment s’étonner qu’ils soient omniprésents dans le langage courant et dans les expressions populaires ? Illustration en forme d’actualité politique, encore qu’il ne soit pas nécessaire de prendre ce qui suit au pied de la lettre...
En décidant de dissoudre l’Assemblée Nationale le soir des Européennes, Macron – costume uni bleu marine (il déteste les tissus fantaisie, genre pied-de-poule et pied-de-coq) – a pris les caciques politiques de tous bords à contrepied. Ce faisant, il a également fait un beau pied de nez à son Premier ministre, le dénommé Attal, lequel comptait sur son ancrage durable à Matignon pour servir de marchepied à ses ambitions élyséennes, le président ayant renoncé à le mettre à pied bien qu’il ait osé empiéter sur ses prérogatives.
Nul doute que Jupiter, vêtu de pied en cap d’habits chics en son palais de monarque républicain, a pris son pied en voyant les mines déconfites de ses ministres et de ses députés le soir de son annonce de dissolution. Et cela d’autant plus qu’il prenait manifestement la plupart d’entre eux pour des pieds nickelés, quelques-uns pour des pieds-plats, et d’autres pour d’invétérés casse-pieds, qu’il prenait plaisir à piétiner de temps à autre d’un trait acéré. Vu le résultat des Législatives anticipées, Macron n’en est pas moins au pied du mur.
Et pour cause : les Français – excepté ceux qui vivent sur un grand pied – ont saisi l’occasion de ce scrutin pour mettre un coup de pied dans la fourmilière politique. Nombre de nos concitoyens ont même ponctué la déroute du parti présidentiel d’un réjoui « Ça lui fera les pieds ! » tandis que, du côté du Modem et d’Horizon, les alliés de Renaissance fulminaient sur le thème « Il y a des coups de pied au cul qui se perdent ! » D’aucuns vont même jusqu’à affirmer que le chef de l’État est « bête comme ses pieds ».
Le problème pour Macron – en apparence très décontracté dans le pied-à-terre varois de la République – réside dans la difficulté à former un gouvernement au pied levé. Et cela même lorsqu’on se croit capable, comme lui, de pouvoir faire les pieds au mur en toutes circonstances. Le chef de l’État a d’ailleurs beau faire du pied aux Républicains, ces derniers, bien qu’étant eux aussi des chantres décomplexés du néolibéralisme, traînent les pieds pour intégrer une alliance présidentielle. Leur credo : être aux pieds de Macron, non merci !
Macron trouvera-t-il chaussure à son pied ?
Or, comme il n’est pas question pour lui, bien qu’elle fasse des pieds et des mains pour obtenir le poste, de nommer Castets à Matignon, Macron fait le pied de grue dans une posture d’immobilisme contraint. Certes, il n’a pas encore perdu pied. Il compte même fermement repartir du bon pied, mais il semble encore loin d’avoir trouvé la personne au petit pied (pour ne pas lui faire de l’ombre) qui soit en même temps servile et capable de manœuvrer la piétaille – va-nu-pieds compris – en foulant aux pieds les principes d’équité.
Malgré tout, Castet, qui n’a pas les deux pieds dans le même sabot, ne joue pas battue. Bien au contraire, elle lutte pied à pied – on peut même dire d’arrache-pied – pour succéder à Attal. Pour ce faire, elle ne craint pas de mettre les pieds dans le plat en ciblant l’inconséquence de Macron jusque dans son palais. Pourra-t-elle prendre pied à Matignon pour autant ? La chose est improbable, Jupiter ayant, comme chacun sait, horreur qu’on lui marche sur les pieds, et plus encore qu’on tente de lui couper l’herbe sous le pied.
Qui sait ? Fût-ce en donnant un coup de pied aux idées reçues, Macron sortira peut-être de son chapeau une personnalité au profil de roue de secours. Une sorte de guimbarde haut-le-pied ayant toutefois gardé bon pied, bon œil, habile à éviter les croche-pieds, et possédant suffisamment le pied marin pour s’aventurer sur un navire macroniste promis à de belles séquences de roulis et de tangage avant naufrage. Au risque d’avoir pieds et poings liés par le cadrage présidentiel en violation de l’article 20 de la Constitution.
Une chose est sûre, cette personnalité sera attendue de pied ferme par tous les acteurs de la vie politique et ne pourra pas se prélasser, les doigts de pied en éventail. Elle devra mettre sur pied un programme politique crédible, et cela en ayant le pied au plancher, eu égard à l’urgence des enjeux, notamment budgétaires. Encore lui faudra-t-il être capable de mettre les pieds dans le plat malgré le feu des critiques, et savoir retomber sur ses pieds. Seule certitude : rien ne serait pire que de ne pas savoir sur quel pied danser !
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