Mai 2050

par René Pichon-Costantini
mardi 6 janvier 2015

Après 33 ans d’occupation par l’armée russe, l’Ukraine se voit rattachée à la Russie comme partie intégrante.

Chez nous, après le rachat de la dette par la Banque de Chine et la banque des BRICS, le Club Méditerranée a pu racheter la province de France pour en faire un site de vacances de masses, dédié à la classe moyenne asiatique et moyen-orientale. Avec le concours de la même banque de Chine qui a racheté la Tour EIFFEL, son directeur général a été nommé à l’Elysée. Reconnaissant, il a nommé le fils d’un Emir au poste de 1er Ministre pour avoir contribué efficacement à l’abrogation de la déclaration des droits de l’homme. Le gouvernement a pris de suite deux mesures. La première permettra aux enfants nés en France d’interrompre leur scolarité et de travailler à partir de l’âge de 12 ans, uniquement en semaine. Leurs parents pourront poursuivre leur activité le dimanche. La deuxième est un décret autorisant l’euthanasie économique des retraités par le gel des pensions, afin de réguler la gestion des caisses de retraites en attendant leur suppression.

Que le lecteur me pardonne pour cette fiction apocalyptique.

Mais de quelle apocalypse cauchemardesque pourrait-on avoir peur ? E. TODD, aujourd’hui sur l’antenne France Info exprimait son désarroi et pour tenter d’imaginer l’avenir. J’ai cru comprendre qu’il en revenait assez obsessionnellement à imaginer le pire comme conséquence de la « lâcheté » de la classe politique. Et si E. TODD avait raison ?

L’absence de cohérence dans la politique du gouvernement révèle qu’elle est conduite sans vision pour l’avenir du pays.

Sans doute, imagine-t-il une implosion de notre modèle sous la pression des inégalités et la carence économique. La seule rémission serait exogène et due à la chute des cours du pétrole conjuguée à celle de l’euro. VALLS et HOLLANDE n’y sont pour rien !

Revenons sur les inégalités,

Le système repose sur la possession de 80% des richesses par une infime minorité et la tendance est de plus en plus forte. Imaginer donc que la seule issue pour les fabricants de misère serait, après s’être entre-tués, pour les vainqueurs, d’écraser progressivement la démocratie n’est pas complètement hérétique. Seule peut-être, la désertification agricole et le dérèglement climatique pourrait les stopper !

Les pays anciennement les plus riches le sont moins, les autres étendent leur influence économique.

D’où cette fiction du champ de ruine de la France, qui s’approprie des évènements actuels pour en faire une projection fantasmagorique !

1. « Les différences sociales sont-elles fondées par l’utilité commune ? »

Quelle réalité ?

Notre modèle économique est malade d’une croissance zéro. Elle révèle la réalité des inégalités chez nous, mais aussi avec d’autres pays. Il convient d’en comprendre la formation pour se projeter avec réalisme.

« Les différences sociales sont-elles fondées par l’utilité commune » comme exigé par l’article 1 des droits de l’homme ?

Non !

En janvier 2014, toutes catégories et territoires confondus, Pôle Emploi comptait 5 972 000 inscrits, auxquels il fallait ajouter les chômeurs anonymes dont une part importante des 2.2 millions des allocataires du RSA, les non-inscrits et les temps partiels imposés. Certains avancent même un chiffre officieux de 8 millions quand d’autres affirment que notre pays compterait déjà plus de 9 millions de demandeurs d’emploi. Bientôt 9 ooo ooo de français vivraient en dessous du seuil de pauvreté, 400 000 enfants pauvres, plus d’un français sur trois qui renonce à se soigner, 1,5 actif pour un retraité.

Ces inégalités existent avec la même rudesse entre les nations. Impitoyablement elles écrasent et sans doute, ont-elles commencé à tuer…

Pourquoi ?

Hors Europe, les continents sont engagés dans un rattrapage économique presque achevé. Ils sont même pour certains, technologiquement en avance sur la France.

Ce rééquilibrage économique mise sur des salaires faibles, la production d’ingénieurs et une monnaie sous-évaluée. Compétitifs à l’exportation, la mondialisation leur a permis d’accumuler des réserves de change et de faire évoluer la division internationale du travail à leur profit. Leur main d’œuvre est employable et leurs cadres sont des ingénieurs.

2. « Peut-être un jour, devrez-vous payer votre loyer à l’Emir du Qatar… »

Le taux de rendement du capital dépasse les taux de croissance de la production et du revenu. Par conséquent, il est le déterminant principal des inégalités, pas seulement mais il l’est…. Dans ce contexte, l’ascension sociale fondée sur la « méritocratie » disparait, les inégalités prospèrent.

Elles structurent des crispations sociales par des rapports de force et de domination entre les groupes sociaux. Les uns pour garder leurs privilèges, les autres pour survivre. La capacité de nuisance du premier groupe contribue par le fonctionnement des réseaux et par pression sur nos gouvernants, à réduire les réformes à quelques mesurettes sans effet autre que de maintenir les privilèges.

Un exemple du corollaire de cette croissance faible, proche de la déflation est la rareté de l’accès à la propriété pour les jeunes. Le niveau anormalement élevé des loyers promet aux détenteurs de l’immobilier urbain des grandes capitales et aux producteurs de pétrole, malgré la baisse des cours puisque leur enrichissement est antérieur (ce sont parfois les mêmes) une domination sociale de fait, et peut-être demain, la souveraineté ?

Comme le dit avec un humour grinçant, Thomas PIKETTY dans son dernier ouvrage : « après vous être installés dans les zones péri-urbaines, il vous reste la campagne et le vélo ».

Avant d’ajouter cruellement mais avec réalisme : « cela va prendre de nombreuses années, au point que les propriétaires des immeubles et du pétrole, ont accumulé un tel niveau de créances vis-à-vis du reste de la population qu’ ils vont finir par tout posséder de la campagne au vélo. »

« Peut-être un jour, devrez-vous payer votre loyer à l’Emir du Qatar… »

3. Les « valets » du système, à leur tour, sont gagnés par la peur

Le côtoiement des privilèges avec la paupérisation a remplacé l’ancien ordre social disparu. Les « valets » du système, à leur tour, sont gagnés par la peur de cette surpopulation de la pauvreté.

Des commandants de bord aux notaires, en passant par les pharmaciens, les dentistes et les médecins libéraux, les plus ou moins rentiers battent le pavé pour conserver leurs privilèges et ils obtiennent le plus souvent, gain de cause. Sans aucune honte, certaines professions libérales vont occuper la rue le 22 janvier. C’est la date de délibération au parlement, de la loi Macron. Il eut été plus judicieux de réagir avant, non ? Mais non, avant, ce sont les vacances d’hiver auxquelles ne participent pas les français les plus faibles tandis que le taux de départ en vacances (été hiver cumulés) serait de 86 % chez les… libéraux… Cette situation n’est que l’expression d’une agonie qui risque d’être longue jusqu’à l’implosion. M. VALLS l’a très bien compris. Il admet son impuissance en « vendant » quelques années de souffrance supplémentaire (déclaration de décembre 2014)

Le pessimisme n’est pas une arrogance ni une spécificité française comme nous le reprochent F. HOLLANDE et M. VALLS. C’est juste le signe d’une forte préoccupation et elle est fondée !

La question de la répartition des richesses est trop importante pour être laissée aux seuls intellectuels.

La démocratie doit résister à la République des experts de gauche et de droite et à leur presse. Au passage, méfions-nous tout autant d’Arthur pour nous divertir et de TF1 et BFM TV pour nous expliquer la crise.

Les pitoyables vœux de François HOLLANDE qui nous veut au 5e rang mondial sont pathétiques. Son agitation médiatique récente l’est tout autant. Il n’a rien à proposer, même pas de nouvelles réformes, il n’a aucune vison pour la France. Il a juste prévenu qu’il n’y aurait pas de nouvel impôt. Il est en effet difficile de tondre un œuf. Cela signifie donc qu’il les maintiendra au niveau indécent d’aujourd’hui.

Quelle est la réalité ? Oui ça va mal ! Non, nous ne sommes pas vraiment la 5e puissance mondiale ! Oui il faut peut-être s’inquiéter ! Ce n’est pas du french bashing, s’inquiéter est au contraire patriotique. Pourquoi ? Parce la « super puissance » ne résiste plus à certains chiffres :

- PIB par habitant ? Catastrophe, la France ne figure même pas dans le tableau des 20 premiers. Pire, 12 nations européennes nous devancent ! (source FMI)

- Et l’indice IDH de la qualité de vie ?

L’idée qui a présidé à la création de cet indice était que la croissance économique d’un pays ne pouvait constituer l’indicateur unique de prospérité. L'indice de développement humain (IDH) est un indicateur qui synthétise les niveaux atteints par un pays sur la longévité de la vie, la santé, l’acquisition de connaissances et le niveau de vie.

Où en sommes-nous en 2014 ? Là encore, en fait de 5ème rang, notre pays touche le fond à la 20ème place, 10 pays européens nous devancent. (Source OCDE)

- Dans quels pays, la scolarité est-elle la plus longue ? Qui sont les meilleurs en langues ou en maths ? La France n’offre pas une bonne espérance de vie scolaire par rapport aux autres pays occidentaux. En fait, avec 16,4 années, elle se place sous la moyenne des pays de l'OCDE et arrive même parmi les 5 derniers pays, sur les 32 états observés.

- Dans la foulée, où en sommes-nous par rapport aux autres dans le classement des dépenses par élève ?

Avec 7 788 dollars américains de dépenses, soit environ 6600 euros, la France se classe à la 12e position sur 24 pays analysés par l'OCDE.

Triste bilan, voyons si l’avenir nous réserve des prévisions plus réjouissantes ?

- Le classement 2013 des pays les plus innovants du monde place la Suisse, les USA, le Royaume Uni, les Pays bas et la Suède dans le groupe des cinq. La France est… au 20ème rang !

Désolons-nous de cette médiocre place alors que partout sur la planète, la tendance est de porter l’innovation comme politique nationale…

Evidemment, cette économie chancelante nous rapproche de la rupture du contrat social…

4. Amateurs, menteurs, innocents ?

Au sang, il va falloir rajouter les larmes. Et dans une insignifiance magistrale, notre Président a pitoyablement agité le fantasme de la 5ème puissance.

Amateurs, menteurs, innocents ? Il ne suffit surement pas d’affirmer qu’on veut maintenir la France au 5ème rang pour y être et rassurer les français !

Cela fait 40 ans que nous construisons un pays aux inégalités sociales les plus insupportables. Qui va payer ? Les rentiers ? bien sûr que non ! Les hauts revenus ? bien sûr que non ! La taxe à 75% est abrogée. Les super riches menaçaient de prendre la nationalité belge ou russe et les joueurs de foot de se mettre en grève. Cette fameuse taxe qui met de mauvaise humeur les « riches », elle serait donc superflue puisque comme le dit un Ministre : « le résultat de environ 400 millions € est anecdotique » oui mais voilà M. le Ministre, cette somme représente presque 70% de la dotation accordée aux moyens de l’enseignement scolaire, or la France est sur ce point, dans les mauvais élèves de l’OCDE. Ce qui n’est pas anodin M. le ministre de gauche, c’est de privilégier l’humeur des nantis au détriment des enfants de la République qui eux, vont affronter la compétition mondiale et non celle du championnat de France de football. Nos enfants sont plus importants que les impôts payés (ou pas payés) par Arthur ou les joueurs de foot !

"My government is pro-business"… pour M. VALLS et faire de la burqa, le socle d’une profession de foi pour N. SARKOZY situe le niveau où ces candidats de 2017 placent leur offre politique !

« Les enfants des riches d’aujourd’hui seront donc les riches de demain ! » (F. BAYROU)

5. l’absence d’investissements de haut niveau dans la formation de nos enfants et de nos salariés

Le monde prochain, sera-t-il le royaume paradisiaque des supers cadres, des traders, des détenteurs de patrimoines ou bien des pays pétroliers ou de la Banque de Chine ? Et tous d’une façon ou d’une autre, iront s’abriter dans les paradis fiscaux ou s’installera le Club Méditerranée ! Il serait irresponsable de ne pas se poser la question.  

D’une certaine manière, nous sommes en ce début de XXI e siècle dans la situation des « experts » du XIXe, nous assistons à de nombreuses transformations mais nous ne sommes pas capables d’imaginer où cela nous entraine ni comment va s’organiser la redistribution des richesses.

Sur la question des inégalités, les spécialistes comme T. PIKETTY s’accordent à considérer deux types de critères. Les uns contribuent à réduire les inégalités, les autres à les aggraver.

La convergence des forces de réduction des inégalités, ce sont la diffusion des connaissances et l’investissement dans la qualification et la formation. C’est ce qui nous redonnera du pouvoir face aux qataris, chinois et autres ressortissants des pays émergents. Le rattrapage des pays riches par ces pays en est la preuve. Mais c’est aussi une dimension où la France a pris un retard considérable qui nous éloigne du sidérant 5ème rang (PIB) où nous situe le Président !

Les forces de divergences, celles qui amplifient les inégalités. Comprenons-nous : l’absence d’investissements de haut niveau dans la formation de nos enfants et de nos salariés peut empêcher leurs groupes sociaux fragilisés par la crise, de bénéficier de la croissance. Ils risquent même de se faire déclasser par les ouvriers chinois, allemands ou autres d’ailleurs qui prennent, au sein de leur appareil de production national, la place des ouvriers français.

Or, la diffusion des connaissances n’est pas spontanée : elle dépend largement de la politique de l’éducation de Madame VALLAUD-BELKACEM.

Les forces de divergences sont inquiétantes. L’envolée des plus hautes rémunérations, le processus d’accumulation et de concentration du patrimoine dans un monde à croissance faible et un rendement élevé du capital constituent la principale menace pour la répartition des richesses. 

Dans les processus de divergence, il en est deux qui conduisent à des inégalités sans précédent :

La stabilisation des inégalités de la fin des années 40 à 1980 a cédé face à l’ampleur d’un retournement impressionnant.

- Ce retournement spectaculaire, c’est d’abord l’explosion des hauts salaires ! Les cadres dirigeants fixent presque toujours eux-mêmes leur rémunération. Contrairement aux « fausses barbes » en guise de justification par le MEDEF et le discours officiel de la classe politique, leur rémunération est souvent sans rapport avec la réalité de leur productivité, voire de leur compétence. Sur ce dernier point, il suffit d’apprécier l’état général de notre économie. Donc, qu’ils partent s’expatrier ne devrait causer aucun tort au pays, sauf à ce qu’ils soient des demi-dieux irremplaçables !

Dans tous les cas, contrairement à ce qu’affirme le MEDEF, ce n’est pas une élévation exceptionnelle de leur qualification ni de leur productivité qui peut justifier cette anomalie…

Et la tendance est de plus en plus forte…

- Une autre forte divergence est liée à la prospérité patrimoniale en Europe ; « cette valeur patrimoniale représente environ 17 années de revenu national » selon T. PIKETTY ! C’est sidérant ! Dans des sociétés à croissance faible, les patrimoines issus du passé prennent une importance indécente.

Evidemment si le taux de rendement du capital persiste durablement au-dessus du taux de croissance, la répartition des richesses, toujours plus importantes, ira directement dans les poches des maitres du monde et… de leurs valets français.

En France, Il suffira aux héritiers patrimoniaux (les valets), d’épargner une portion de leur revenu du capital pour que ce dernier progresse dans une économie atone. « Dans ces conditions, il est presque inévitable que les patrimoines hérités dominent largement les patrimoines constitués au cours d’une vie de travail. » (T. PIKETTY)

Cette concentration du capital patrimonial est en train d’atteindre des niveaux dangereux. C’est complètement incompatible avec les valeurs « méritocratiques » et les principes de justice sociale qui sont le fondement des démocraties modernes. Question oh combien d’actualité en Grèce, et qui va contraindre le FMI et Madame MERKEL à sortir du bois… 

En conclusion,

Un constat économique :

Les revenus de la propriété du capital et les inégalités salariales croissantes vont produire une concentration des revenus et des patrimoines jamais vue, entre les mains d’une minorité. La part des revenus laissée aux autres continuera à baisser. C’est une menace pour la classe moyenne patrimoniale dont les valeurs sont ébranlées par le déclassement et dont les revenus sont menacés. C’est dangereux, pourquoi ? Parce que sur fond de dépression, la démocratie est menacée.

Une solution politique :

En effet, la révolution fiscale à laquelle T. PIKETTY invite, s’impose d’urgence pour modérer la spirale infernale des inégalités. Bien sûr, ses vertus seront insuffisantes pour contrarier l'ordre mondial. Reste une voie de salut, celle qui consiste à imposer la refonte de l’Europe pour, cette fois-ci, se donner une chance de faire peur à la machine à écrabouiller !

Alors la visée nationaliste et europhobe est dans ce contexte, assez faible comme offre politique.

Cette situation à portée apocalyptique pour laquelle N. SARKOZY, M. LE PEN, F. HOLLANDE et M. VALLS, n’ont aucune vision, va créer un vide politique qui ne leur laisse peut-être pas les chances qu’ils espèrent pour 2017…

Nous allons vivre une campagne dans laquelle N. SARKOZY, F. HOLLANDE vont souffrir pour trouver leur place, face à M. LE PEN. Des initiatives, autrefois brocardées, vont se faire entendre de manière plus audible. Cette émergence pourrait constituer une pression inattendue pour construire une majorité…

Tout est possible, même que les français reprennent leur destin en main en 2017 sans pour autant le confier majoritairement à l’UMP, au PS ou au FN… Il y aura des alliances imposées.


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