Mais qu’est-ce qu’attend Donald Trump pour soutenir Julian Assange ?

par Florian Mazé
samedi 1er juin 2019

L’affaire Assange cache une affaire Donald Trump. Ce dernier, juste avant de gagner les élections américaines faisait l’éloge de WikiLeaks, un organisme qui tapait très fort sur le camp démocrate (Hillary Clinton), contribuant de facto aux succès électoraux de Big Donald. Mais Trump se désintéresse finalement de l’affaire et feint de n’avoir jamais entendu parler – ou presque – de WikiLeaks, laissant le malheureux Julian Assange, déjà bien affaibli, croupir dans les geôles britanniques. Le problème, c’est que Trump, ce faisant, renie une valeur pourtant fondamentale chez les populistes : la virilité. Et pour remporter les prochaines élections américaines, la virilité, ça compte…

https://www.courrierinternational.com/dessin/le-dessin-du-jour-donald-trump-na-jamais-entendu-parler-de-wikileaks

 

La seule position qui pourrait avantager Trump et lui valoir un estime renforcée de son peuple, serait, à mon avis de jouer franc jeu. Il est assez malsain de lâcher des gens qui vous ont rendu service, c’est un péché, si on est religieux, et c’est aussi une faute politique, un sacrée tache dans l’image de marque.

La voie virile consisterait à dire :

« Bon, les mecs, on arrête de tortiller du cul devant les rosbifs, même si on parle la même langue qu’eux (avec un accent dégueulasse, mais on s’en fout). On exige l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis. On alpague le lanceur d’alerte à peine sorti de l’avion et on lui propose un deal. »

Imaginons. Big Donald expose le discours qu’il faut tenir à Julian Assange :

« Mon petit Assange, t’es un informaticien de renom et sans doute un good guy. On a besoin de types comme toi, qui ont une paire de couilles de deux kilos chacune. Les États européens (qui sont souvent gouvernés par des tapettes) t’accusent de plein de trucs plus ou moins bizarres, y compris des agressions contre des meufs. Nous, on n’y croit qu’à demi, ça sent le coup monté, et de toute manière, c’est pas nos oignons, it’s none of our bloody business. En gros, on s’en tape. Par contre, on n’est pas des balances. Et on dit merci aux types qui ont fait du bon job avant les élections, rapport au fait qu’on a de l’éducation et qu’on sait vivre, contrairement à ce que dégoisent les branquignols démocrates. Donc, bref : oui, tu commences à piger, c’est bien. On prononce une grâce présidentielle de la mort qui tue pour tous tes petits péchés mignons (réels ou supposés), on te file un appart de fonction et un bureau tout près de la Maison Blanche, avec un salaire mensuel de secrétaire d’État, et tout plein d’avantages en nature, et même du whisky, des cigares et des gonzesses, si t’as, comme qui dirait, des bourgeons de printemps au niveau du calbut. »

 

Et Big Donald pourrait continuer ainsi :

« Par contre, mon p’tit Assange, y a un truc qui tourne pas rond. On sait pas trop de quel bord que t’es. T’es quoi au juste ? Un anarchiste, un altermondialiste, un néo-trotsko, un extrémiste du centre, un vegan, un sur-mec de droite, un sous-mec de gauche, un désaxé du bulbe, un philosophe de comptoir, un geek obsédé sexuel, un onaniste de l’écran plasma, un fictivo-scientifique, un alerteur de lance, un chevalier Bayard ? Enfin, bref : nous qu’on n’est pas, comme qui dirait, des intellos, on pige pas tout. Mais, même ça, on s’en tape. Avec moi, mon Julien, le deal est très clair, donnant-donnant, fifty-fifty mon pote, c’est comme le pari de Pascal (ouiche mon gros bêta, le philosophe qui jouait au tiercé ; révise tes classiques) : t’as rien à perdre et tout à gagner. Et pis, arrête de me regarder avec les lampions au clignotant ! T’affole pas, j’explique. »

 

Big Donald conclurait :

« Tes opinions politiques antécédentes, on s’en bat les ronflons. T’as plus qu’un truc à faire : tu soutiens Big Donald, tu déjeunes de temps en temps avec Le Pen ou Salvini, t’organises des strip pokers avec Orban, tu fréquentes des suprémacistes, tu soutiens les LGTB-Cis-genres à condition que les minets se fringuent en Jeanne d’Arc, tu couches qu’avec des petites Russes mais pas des Chinoises, rapport au fait que les Citrons, ils nous les brisent sévère en ce moment. Et, bien sûr, t’évite quand même de te convertir à l’islam, ça fait mauvais effet. Sinon ? Ah, oui, ton job ? — Du velours, mon pote ! Un petit piratage informatique de temps en temps, pour ce qu’on se foute bien de la gueule des Démocrates. Toute façon, ils ont plus de casseroles au cul qu’une multinationale de la quincaillerie pourrait en refourguer. Voilà, Juju. Tu bosses pour nous, tu penses comme nous, tu roules avec nous. C’est quand même mieux que finir ta vie dans les prisons de Sa Majesté La Vioque, non ? Réfléchis bien, mon Juju. Comme dit ma cuisinière : l’Histoire ne repasse pas les plats. »

Je gage qu’un tel discours consoliderait Donald Trump, Julian Assange, et le virilisme national-populiste par la même occasion.

L’affaire est d’autant plus facile que Donald Trump a déjà clairement soutenu Assange en 2017.

https://www.lesoleil.com/actualite/monde/trump-rabroue-les-services-americains-et-soutient-julian-assange-4a78ed96550186422d4c24f886dd2f43

Et, à l’occasion : que les principaux intéressés me disent ce qu’ils en pensent…

 

Illustration de l’article : dessin du jour, source : Courrier international

https://www.courrierinternational.com/dessin/le-dessin-du-jour-donald-trump-na-jamais-entendu-parler-de-wikileaks


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