Mais qui a cassé « Piss Christ » ?

par Ornithorynque
mercredi 20 avril 2011

Un vrai "miracle" pour relancer l'exposition "je crois aux miracles" ?

Depuis deux jours, alors que l’enquête n’a pas pour l’instant su retrouver aucune piste des auteurs de la destruction du tirage photographique « Piss Christ » exposé à la collection Lambert d’Avignon tous les journaux (plus de 250 articles sur Google) dénoncent cet attentat culturel commis par des « intégristes catholiques », attentat qui révèle évidemment l’obscurantisme religieux, et témoigne du danger que fait planer l’Eglise Catholique sur la Société en général, et les artistes en particulier.

Pour couronner le tout, Eric Mézil, directeur de la Collection Lambert a affirmé hier qu’il avait reçu des « menaces de mort » s’il maintenait l’exposition "Je crois aux Miracles". Il les a balayé. L'artpasse avant sa vie.

Mais voilà, il s’agit d’Art Contemporain. Et la conjonction de ces évènements coïncide de façon tellement caricaturale au fonctionnement du marché de l’Art Contemporain (contextualisation, provocation, valorisation), qu’il faut, je pense, se poser quelques questions utiles avant de brandir le chiffon rouge d’un prétendu fanatisme religieux qui serait à l’origine tant des menaces de mort que du vandalisme stupide…

Remettons les évènements en perspective, cela fait du bien, et cela aide à comprendre.

1 – La collection Lambert organise à Avignon une exposition d’art contemporain incluant des œuvres de Andres Serrano,

2 – Pour faire de la publicité (oui, cela s’appelle de la « publicité », car la collection Lambert, c’est d’abord du Business), Eric Mézil choisit pour l’affiche de l’exposition, une reproduction de l’œuvre « Piss Christ », qui représente banalement un crucifix trempé dans l’urine. Il en profite pour signer l’affiche de prestigieux sponsors (à qui, on verra, il n’a demandé aucune autorisation, mais c’est certainement un oubli…)

3- pour faire de » l’évènementiel » Eric Mézil fait tirer l’affiche « Piss Christ » sur une bache géante devant l’Hôtel particulier de la fondation Lambert au cœur d’Avignon.

Bon. Là, des Catholiques, qui considèrent que l’on a déjà suffisamment maltraité leur Dieu il y a 2000 ans (Ridiculisé, fouetté, humilié, et pour finir, torturé à mort sur l’instrument de supplice le plus dégradant de l’époque), pour qu’ils restent sans rien dire. C’était une provocation, et c’est réussi. Ils sont agacés

4- En quelques jours ils recueillent environ 100 000 signatures sur internet, dans une lettre qui réclame finalement 3 choses en rapport avec :

- La Publicité : ils aimeraient que l’on arrête d’afficher cette image partout.

- La laïcité ; ils aimeraient que la Mairie et l’Etat ne financent pas ce qu’ils perçoivent comme une provocation. (Sachant que le même Etat, 2 semaine plus tôt, a requis contre un autre artiste contemporain mais Alsacien, et pour une provocation tout aussi artistiquement urinaire sur le coran, 1000 € d’amende, et 2 Mois de prison avec sursis).

- Le Marketing : Ils demandent à LVMH de retirer son soutien à cette affiche.

En tout cas, rien qui ait quoi que ce soit à voir avec la liberté de l’artiste. Ils s’attaquent juste à la liberté du marchand, du directeur marketing, et du distributeur de subventions publiques

5 – Et ils réussissent ! La Mairie s’aperçoit qu’elle a fait une bêtise politique, et retire son soutien à l’affiche. Le responsable Mécénat de La marque LVMH exige par écrit que l’on retire son nom des documents publicitaires ayant trait à l’exposition… et ce d’autant plus qu’elle ne l’a pas sponsorisé, et que visiblement Eric Mézil a fait rajouter des « LVMH » partout pour faire style…

6 – La collection Lambert accepte samedi de décrocher la bâche géante, et interrompt la campagne d’affichage.

7 – Sans violence ni tapage (Samedi, il n’y avait que 20 articles sur Google sur le sujet "piss christ"), ni aucun moyen de pression autre que leur mobilisation, les « cathos » ont obtenu gain de cause.

Il fallait faire quelque chose.

 La Collection Lambert ne pouvait en rester là : 20 articles sur Google seulement, et un non-évènement : une capitulation pas très glorieuse pour notre ami Eric Mézil.

Mais il y a plus grave : sans scandale, la cote d’Andres Serrano risque de tomber, il va passer pour un has been.

Or le métier de Eric Mézil, c’est de faire du Buzz, de créer la confrontation, d’interpeler, d’interroger, de provoquer la société ! Pas de capituler. L’art contemporain, c’est d’abord un marché coco !

Et là... divine surprise... DImanche matin, 4 gars viennent faire un attentat contre l’art. A la masse.
Enfin !

Eric Mézil sauve son exposition.

Eric Mézil sauve son Job. Mais l’idéal serait une menace de mort style Fatwa, pour montrer combien son travail a questionné la société !

Et là, entre Lundi et Mardi, vlouf ! Il en reçoit plein des menaces de mort. Par téléphone !

Il en pleurerait de joie : 250 Articles dans l’actu Google lundi soir, la première page de Libé, son nom dans les journaux d’art du monde entier.

Dès Mardi après midi, 40 enfants des écoles étaient guidés à l’Exposition. Et la cote de Serrano est repartie pour au moins 10 ans de hausse !

C'est un Miracle !

Voilà. Les auteurs de l’attentat artistique seront peut être retrouvés. Mais ça m’étonnerait.

Alors Eric Mézil, merci qui ?


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