Manifestations paysannes : la propagande des médias et de la FNSEA

par Mania35
vendredi 4 septembre 2015

Jeudi 3 septembre, des milliers d’agriculteurs se sont rendus à Paris pour faire connaître leurs revendications au Gouvernement. Bien que déjà largement subventionnés, ils réclamaient toujours plus d’argent aux pouvoirs publics. Pourquoi les contribuables devraient-ils subventionner des produits sans goût issus des élevages concentrationnaires de porcs et de poulets ? Car il ne faut pas s’y tromper : ce sont principalement les producteurs de « malbouffe » qui ont défilé.

Les manifestants se disent « écrasés par les charges », mais au Danemark les éleveurs produisent du porc industriel à moins de 1 € le kilo malgré des charges et des contraintes sanitaires au moins équivalentes, ce qui leur permet de rafler de nombreuses parts du marché international. Dans de telles conditions, quitte à produire plus cher, ne vaudrait-il pas, pour les éleveurs français, se tourner vers la production d’une viande de qualité ?

C’est la voie qu’ont choisie la plupart de ceux qui se sont désolidarisés de la manifestation parisienne. Ces éleveurs-là ont choisi de s’orienter vers la production de qualité – bio ou non –, et se sont regroupés pour commercialiser directement leurs produits. Entre la mise en place de circuits courts et les économies réalisées par la suppression des produits chimiques ou phytosanitaires, ils trouvent un débouché rentable qui leur permet de se rémunérer tout en commercialisant leurs produits à des prix raisonnables.

Il est choquant de constater que des céréaliers sont venus manifester à Paris avec les éleveurs. Quelle hypocrisie ! La récolte de cette année est en effet la meilleure depuis... 80 ans, et le revenu des céréaliers des plus confortables compte tenu des cours très élevés du blé. Or, c’est justement le coût très élevé des céréales destinées à l’alimentation du bétail qui entraîne les principales difficultés financières des éleveurs !

Que dire aussi de ces superbes et hyperpuissants tracteurs qui ont défilé ! Quiconque s’intéresse un tant soit peu à la question agricole sait que de très nombreux agriculteurs se sont considérablement endettés par l’achat de matériels et de bâtiments souvent surdimensionnés.

Que deviennent les PME, les commerçants ou les artisans qui gèrent mal leurs finances et continuent d’appliquer des vieilles recettes non adaptées à notre monde actuel ? L’état intervient-il en leur versant sans cesse des subventions par crainte de débordements ? Est-ce l’Etat qui fixe les prix de vente de leurs produits ?

Il y a quelques jours Xavier Bertrand s’est offusqué car des « gens du voyage » avaient bloqué l’autoroute A1 pendant quelques heures et provoqué quelques dégradations de la chaussée. C’est condamnable. Mais que dire des millions de dégâts, à la charge des contribuables, provoqués depuis 2 ans par des paysans ou des bonnets rouges sans qu’une seule personne ait été arrêtée et sans qu’un seul euro ait été remboursé par les responsables des dommages ?

 

Dans un excellent article, publié le 3 septembre dans le Huffington Post, Stéphane BRELIVETéleveur de porcs en Bretagne, membre du syndicat d’agriculteurs Confédération Paysanne, expose sans détour ce que lui inspire l’action des manifestants :

Crise de l'élevage : les 5 mensonges de la FNSEA

La crise de l'élevage donne lieu depuis plusieurs mois à des manifestations. Le syndicat du désespoir, la FNSEA, demande 3 milliards d'euros pour sortir de la crise et sauver l'élevage. Elle vous ment. Elle prend les éleveurs pour des ânes et les consommateurs pour des pigeons. Voici pourquoi en cinq points, à partir de l'exemple breton.

1- Les FDSEA de Bretagne défendent l'emploi. Faux, elles défendent la "productivité".

Elles ont présenté en 2014 le "Plan Lait Bretagne 2020", en se réjouissant de la baisse à venir du nombre d'élevages laitiers, de 13.000 à 9000 en 7 ans, et de la hausse de leur productivité. En août 2015, Xavier Beulin, avec l'assentiment des FDSEA de Bretagne, a demandé la même chose pour l'élevage en général. Pour sortir de la crise, il faut "organiser les regroupements d'exploitations afin qu'elles soient plus productives." La Bretagne perd déjà 600 emplois par an au niveau des fermes. Précisément, pour 1000 emplois familiaux détruits lors du regroupement d'exploitations, seulement 400 emplois de salariés sont créés. Pour la FNSEA, ce rythme de destruction d'emplois n'est pas assez rapide pour garantir la "productivité". Faut-il revenir au rythme du début des années 2000, 1800 emplois perdus chaque année au niveau des fermes bretonnes ?

Ce que demande la FNSEA, c'est que le tiers des manifestants d'aujourd'hui ne soient plus éleveurs en 2020.

2- Trois milliards sont nécessaires pour sauver l'élevage. Faux, donner trois milliards d'euros à la FNSEA pour sauver l'élevage, c'est donner de la confiture à des cochons.

Il y a 10% des éleveurs au bord de la faillite, et c'est dramatique, ils pourraient cesser leur activité dans les deux ans. Et qu'est ce que veut la FNSEA ? Regrouper les exploitations, pour n'en conserver que les deux tiers d'ici 2020. Eh bien, un tiers d'exploitations en moins d'ici 2020, c'est près de 5% d'élevages en moins par an, 10% en 2 ans.

3 milliards d'euros pour arriver au même résultat qu'en ne faisant rien, si ce n'est pas du gaspillage. À moins que les exploitations qui survivent ne soient pas celles que la FNSEA voudrait conserver... En effet, parmi les fermes qui sont tombées ou au bord du précipice, il y a beaucoup de gros élevages "productifs" tels que les défend la FNSEA. Le modèle qu'elle défend ne serait-il qu'un dogme appliqué partout indépendamment de la géographie ? Les fermes "productives" coûtent singulièrement cher en argent public.

En fait, ce que demande la FNSEA, c'est 3 milliards d'euros pour modifier les règles du jeu et tuer des exploitations qui survivraient sans cela et mettraient en péril le modèle qu'elle défend.

3- Les FDSEA de Bretagne défendent la qualité à la française pour nourrir les Français. Faux, elles veulent une diminution des normes pour développer leur "vocation exportatrice".

Pour ce qui est de la qualité des produits, les FDSEA de Bretagne ne perdent pas une occasion de ressortir leur leitmotiv : "moins de normes", pas de "diarrhée réglementaire", "et que l'on ne nous parle pas de diversification ! Et que l'État arrête de parler de changement". En d'autres mots, les FDSEA de Bretagne veulent que les produits d'élevage de demain soient moins exigeants à produire que ceux d'aujourd'hui.

"Achetez français pour nous sauver !", qu'ils nous exhortent. Comment faire ? Un exemple : la demande nationale croissante en porc de qualité, une production plus rémunératrice, n'est même pas satisfaite ! Le silence des FDSEA de Bretagne sur le sujet est assourdissant. Au lieu de s'inquiéter de l'autosuffisance dans les produits que veulent acheter les Français, elles disent : "Achetez ce que nous produisons, même si c'est du minerai et si cela ne correspond pas à vos attentes. Point barre." En traduisant : "Payez plus cher pour que nous puissions produire plus et vendre le reste moins cher sur le marché mondial". Attention, ne prenons pas nos clients les plus naturels et les plus solvables pour des pigeons.

4- Les FDSEA de Bretagne basent leurs demandes sur une analyse de marché. Faux, elles répètent les même demandes depuis les années 1970, comme si le monde n'avait pas changé depuis.

Les FDSEA de Bretagne se voient "à la tête du monde". Leur analyse économique : la demande mondiale est en hausse, nous allons produire plus pour la satisfaire. C'est de l'économie du 19e siècle. La demande mondiale en porc et en lait est effectivement en hausse. Mais quel prix ces nouveaux consommateurs sont-ils prêts à payer et qui sont nos concurrents pour les satisfaire ? Ces questions, pourtant parmi les premières de tout business plan, ne sont pas posées. En lait comme en porc, il y a des concurrents sur le marché mondial capables de produire 10% moins cher que nous sur la durée, et pas seulement à cause des "normes" et des "charges", mais aussi et surtout parce que leur géographie est plus favorable que la nôtre.

Si les FDSEA de Bretagne l'ignorent, ce sont des bisounours de la libéralisation. Si elles le savent et le cachent aux éleveurs, alors elles sont manipulatrices. Si c'est les deux, alors ce sont des bisounours manipulateurs.

En ce moment, la FNSEA fait miroiter aux éleveurs son pouvoir sur le marché alors qu'elle disait encore en 2014 : "Ne perdons jamais de vue que les prix sont le résultats des marchés. Les décideurs des prix mondiaux n'existent pas." Tant que personne ne conteste, la FNSEA soutient l'ouverture des marchés. Quand les agriculteurs se rebiffent, elle leur ment le temps que les choses se calment...

5- Il n'y a pas d'alternative. Faux, donner la priorité à l'emploi agricole et à l'autosuffisance alimentaire permettrait de ne pas retomber dans la crise dans quelques années.

Peu le savent mais sans la Confédération paysanne (Conf'), beaucoup des éleveurs qui manifestent aujourd'hui n'existeraient déjà plus. En effet, l'échec de la libéralisation de l'agriculture mondiale, qui nous aurait mis en concurrence avec tous les pays à bas coûts, est le fait de Via Campesina. Ce regroupement mondial de syndicats agricoles, auquel appartient la Conf', est de loin le plus grand mouvement international de la société civile. En tant que tel, il a du pouvoir. Plus que d'autres... La Confédération paysanne n'est pas contre l'élevage standard et ses membres savent défendre les éleveurs contre certaines dérives écologistes. Les jeunes de la Conf' du Finistère ont, par exemple, agi sur les réseaux sociaux lorsqu'un élevage breton de lapins a été attaqué avec des méthodes lamentables par l'association vegan L214, en 2014. Quand la Conf' dit qu'elle défend 95% des agriculteurs, ce n'est pas un vain mot.

Et notre position est basée sur une vraie analyse de marché. La solution pour sauver les éleveurs, c'est la défense avant tout de la souveraineté alimentaire. Le marché européen suffit à rémunérer tous les éleveurs de 2015, inutile de dépenser 3 milliards pour le plan social le plus cher de l'histoire de France ! S'il y a 3 milliards à dépenser pour l'élevage en France, que ces sommes soient dirigées avant tout vers les premiers litres et les premiers animaux produits par actif. La priorité absolue doit être l'emploi. L'export hors Union Européenne peut évidemment exister mais il ne doit pas devenir indispensable pour des produits sur lequel il existe des concurrents plus forts que nous. Sinon, c'est le drame au moindre accroc, comme aujourd'hui.

C'est avant tout en écoutant et en analysant la demande que l'on gagne des clients prêts à nous payer nos produits à un niveau qui couvre nos prix de revient. L'économie du 21e siècle, c'est cela.

Asseyons-nous sur le désespoir et retrouvons l'espoir, l'avenir peut être radieux pour l'élevage

La FNSEA et les FDSEA de Bretagne sont le syndicat du désespoir. Elles sont responsables de la situation actuelle. C'est pour cela qu'aucune solution de long terme n'est proposée, un pompier pyromane ne peut pas jouer ce rôle.

Le futur ? Il y aura encore des crises si elles sont suivies, car ce qu'elles défendent, c'est la disparition du tiers des éleveurs d'ici 2020, sans doute de la moitié d'entre eux d'ici 2025. Comme les éleveurs ne se laisseront pas faire, il y aura encore des manifestations, avec ce que cela coûte d'argent public pour éteindre le feu.

C'est dommage car il y a des solutions de long terme et l'avenir pourrait être radieux pour tous les éleveurs. Pour remédier à la crise, il est temps d'écouter ceux qui travaillent pour 95% des éleveurs, pas seulement pour la moitié d'entre eux. Le syndicat de l'espoir et de la qualité à la française pour nourrir les Français, c'est la Confédération paysanne.

Point subsidiaire - La FNSEA représente les éleveurs. Cela se discute.

La Confédération paysanne du Finistère a demandé en 2015 à avoir une page d'expression dans le magazine de la Chambre d'agriculture, magazine financé par la chambre, donc par et pour tous les agriculteurs. Réponse : pas question. Ce n'est que le dernier exemple en date parmi beaucoup d'autres : la FNSEA noyaute toutes les institutions et tous les financements agricoles.

Cela s'apparente au fonctionnement d'une dictature. Dans une dictature, le dirigeant obtient entre 80 et 99% des voix. La FNSEA atteint péniblement 50%.

La Coordination rurale est dans la même situation que la Confédération paysanne.

Comme indiqué plus haut, l’auteur de cet article est un éleveur de porcs breton. Il sait de quoi il parle, infiniment mieux que tous ceux qui, emportés par le romantisme qui entoure la nostalgie de la paysannerie d’antan, se laissent abuser par les spectaculaires mais trompeuses mises en scène estampillées FNSEA.


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