Marguerite

par Ariane Walter
jeudi 17 septembre 2015

 Disons tout de suite que je recommande ce film qui, malgré une fin qui me laisse sur ma faim, n’en est pas moins un spectacle rare, plaisant, prenant, drôle, émouvant, humain.

Je ne m’attarderai pas sur l’histoire : une femme riche a une voix de crécelle. Personne n’ose le lui dire, même pas son mari infidèle dont elle est follement amoureuse.

Parlons tout d’abord de Catherine Frot dans la douceur d’une image travaillée en mode ancien, le visage émouvant d’une femme d’un certain âge qui veut vivre dans l’éternelle jeunesse des passions. Son visage en gros plan est omniprésent et nous confronte à une étrange opposition. L’invraisemblable : comment est-il possible qu’elle continue à chanter en chantant si faux ? Et le vrai. Le vrai pour elle : elle est une cantatrice de talent.

Quel tumulte de questions se posent à nous dans cette fascination pour l’art, ce désir d’être aimé, qui est celui du créateur, ces moments angoissants où il se confronte au regard des autres et attend le verdict. Jamais heureux, même s’il est bon car le doute ronge toujours.

Pas toujours quand même.

Un jeune journaliste intéressé écrit un article dithyrambique et elle le lit à ses domestiques dans un pétillement de joie enfantine qui fait le charme de cette scène.

Catherine Frot incarne cet entêtement de l’enfance qui avance dans les désordres de la vie avec une conviction profonde et lumineuse. Elle veut être ce qu’elle pense qu’elle est. Et le miracle est déjà là.

Comme dans tout bon film, les rôles secondaires sont excellents.

Personnage de l’ombre et majordome amoureux de sa maitresse, allant jusqu’à faire livrer des voitures de fleurs pour la rendre heureuse, Denis Mpunga, incarne l’antithèse du mari accablé, volage, mais pieds et poings liés par le mensonge.

Quel beau portrait que celui du mari. Ayant épousé sa femme par intérêt, lui arrivant de la souhaiter morte, il n’en évolue pas moins vers la compréhension, la tendresse et nous livre une scène d’anthologie quand il décide enfin de lui dire la vérité.

Michel Fau, dans le rôle du professeur de chant qui va aider Marguerite à préparer son premier concert public a lui aussi droit à la même scène. Comment il s’en tire est d’une extrême drôlerie. Lorsqu’il entend chanter Marguerite pour la première fois, ses réactions qui se lisent sur un visage impavide sont un moment prodigieux.

Ce film, à mon sens présente trois grandes qualités.

La première, à côté de toutes les machines que l’on nous donne à voir, est d’être un film humain qui parle d’humanité et nous touche sans cesse.

La seconde est de nous faire réfléchir, sans même toucher le fond de nos réflexions sur nos vies, sur leurs blessures, sur leurs secrets. C’est un labyrinthe d’échos.

La troisième est de parler de l’amour sur un mode racinien car tous ont des amours qui se refusent. Le grand amour de Marguerite, qui est l’art lyrique, ne lui est-il pas pour toujours interdit ?

J’ai pensé à « Mort à Venise » et à l’insaisissable beauté qu’aucun créateur n’atteint.

Il y aurait mille autres choses à dire car le film pétille, glissant sur un album d’anciennes photos.

Le défaut à mon sens, et comme je le regrette a été de vouloir faire une fin théâtrale et non pas simplement humaine comme tout le reste.

Je me suis sentie un peu flouée.

Vous faites attendre la fin, M. Giannoli, comme le couronnement du suspense, et à mon sens, elle manque de simplicité.


Marguerite
Marguerite Bande-annonce VF

 


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