Mariage homosexuel, de quoi je me mêle ?

par MUSAVULI
mercredi 15 août 2012

Il faut accepter de vivre avec son temps. C’est le message qui devrait être martelé à l’attention de l’Eglise catholique engagée dans une opposition surréaliste contre le projet de loi annoncé pour légaliser le mariage homosexuel. Un combat d’arrière-garde qui ne devrait pas bénéficier d’une telle complaisance au niveau des relais médiatiques, ne serait-ce qu’au nom de la laïcité.

Ainsi, à l’appel de l’Eglise, dans un pays laïc, des millions de gens vont se réunir pour prier Dieu… Pour que le Tout Puissant empêche des autorités démocratiquement élues d’adopter une loi figurant dans les promesses de campagne. On croit rêver. La manifestation, entre malédiction et fatwa, renvoie bizarrement aux réactions hystériques qu’on déplore dans certains pays musulmans où l’activisme religieux entrave le fonctionnement des pouvoirs publics. L’occasion de rappeler que cette initiative de l’Eglise devrait plutôt être découragée pour au moins deux raisons.

 

La première est qu’il s’agit du mariage civil, c’est-à-dire célébré devant une autorité publique. En aucun cas le mariage religieux, célébré dans des lieux de culte, n’est concerné par le texte législatif à venir. Le mariage religieux restera toujours le sacrement engageant un homme et une femme. C’est rien de rappeler cette précision, mais elle permet de souligner l’attitude assez extravagante d’une Eglise qui tente d’entraver une décision du pouvoir étatique alors qu’il ne viendrait à l’idée d’aucun dirigeant français de légiférer sur le fonctionnement interne de l’Eglise.

 

Le deuxième motif d’inquiétude est le risque des excès qu’une telle manifestation de passion est susceptible d’engendrer. On se souvient des dérapages qui avaient émaillé le débat sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse) lorsque la foi religieuse fut utilisée comme un argument politique. Des mots terribles comme « four crématoire » avaient fusé pour accabler une rescapée de la shoah, Madame Simone Veil, alors que celle-ci essayait simplement de faire adopter une loi qui s’inscrivait dans le sens de l’histoire. Trente-sept ans plus tard, tout le monde peut se rendre compte que ces excès de langage et l’intrusion de la religion dans ce genre de débat n’avaient pas lieu d’être.

 

Il en est de même pour la loi annoncée concernant le mariage homosexuel. Comme en témoigne l’état actuel de la législation dans de nombreux pays qui nous entourent, cette loi ne fera que prendre acte d’une réalité profonde de nos sociétés qui ne reviendront plus en arrière. C’est ce que les 65% des Français ont parfaitement compris en se prononçant favorablement au mariage homosexuel.

 

Plus terre à terre, il y a quelque chose de profondément incompréhensible dans cette levée de bouclier qui dépasse d’ailleurs le cadre de l’Eglise. Les homosexuels qui veulent se marier veulent se marier « entre eux ». Personne ne viendra « emmerder » les hétérosexuels, encore moins les obliger à changer d’orientation sexuelle. Qu’est-ce qu’on en a à faire que des gens qu’on ne connaît même pas décident de se marier entre eux, surtout qu’ils vivent déjà depuis des années ensemble ?

 

On entend des arguments toujours plus délirants les uns que les autres. Le mariage homosexuel mettrait en péril l’espèce humaine qui ne pourra plus procréer. Non seulement l’homosexualité est un comportement durablement ancré dans la société, mais surtout la famille ne se réduit pas à la « mission » de procréation. Autrement, on devrait interdire le mariage entre un homme et une femme âgée, puisque passé un certain âge, la femme n’a plus la maternité dans ses projets. Ce qui n’enlève rien à ses qualités d’épouse.

 

Et que dire de l’argument selon lequel un enfant doit évoluer dans un environnement familial composé nécessairement d’un « père » et d’une « mère ». Une ignorance crasse de l’état actuel des familles. Les mères seules s’en sortent globalement bien et on ne va pas les pousser à avoir des « messieurs » dans leur entourage, surtout après une ou plusieurs expériences décevantes. Il en est de même des « pères seuls », moins nombreux, mais tout aussi bons parents que dans une famille « classique ». Une liste à laquelle il convient d’ajouter les familles recomposées dans lesquelles plusieurs parents interagissent, sans nécessairement perturber l’équilibre psychologique des petits français.

 

L’environnement familial en France est donc divers et parfois complexe. Le législateur n’y peut rien. Il s’adapte et prend acte de l’état réel de la société, un exercice face auquel l’Eglise catholique ne devrait pas se dérober si elle tient à vivre avec son temps. Un effort d’autant plus indispensable que les autres cultes attendent au tournant. Car l’opposition au mariage entre personnes de même sexe fait l’unanimité dans tous les cultes. Les prélats catholiques auraient ainsi pu être précédés par les imams de France ou les rabbins sur ce terrain de l’hostilité au mariage homosexuel qu’ils prennent tous pour une abomination. Reste qu’on parle bien de « mariage civil ». Les couples homosexuels ne viendront pas vous embêter dans les églises, les mosquées, les synagogues. 

 

Alors, sincèrement, de quoi je me mêle ?


Boniface MUSAVULI


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