Maryvonne, l’impudente octogénaire
par siatom
mercredi 6 mai 2015
Les vieux c’est un peu comme les cons des Tontons Flingueurs, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait. Avant, les vieux étaient raisonnables, ne faisaient pas d’heures supplémentaires et s’en allaient, le temps venu, sur la pointe des pieds de peur de réveiller les plus jeunes qui s’endormaient avec des rêves de biftons plein la tête. Ils faisaient preuve d’un savoir mourir exemplaire et s’éteignaient sans bruit comme des cierges de pâques.
La sécurité sociale pouvait équilibrer ses comptes, le marché immobilier se régulait naturellement, la flaccidité pénienne du sexagénaire libidineux n’était pas remise en question par la petite pilule bleue, le monde était bien rangé et il n’y avait nul besoin d’Aldous Huxley pour en imaginer un meilleur.
Hélas, ce temps est révolu, les vieux sont de plus en plus jeunes et on ne peut guère compter que sur les catastrophes climatiques pour faire un tri sélectif. L’histoire de Maryvonne que nous conte Ouest France cette semaine illustre à merveille l’outrecuidance des seniors, nouvelle appellation contrôlée, qui non contents de revendiquer les places assises dans les transports en commun veulent aussi revenir habiter à leurs domiciles.
Maryvonne, 83 ans avait rencontré un homme, il y a une quinzaine d’années et le couple, nous dit le quotidien, partageait son temps entre la maison rennaise de Maryvonne et la longère du compagnon à Saint Domineuc située à une trentaine de kilomètres sur l’axe Rennes-Saint Malo jusqu’à ce que le couple ne s’installe définitivement dans cette dernière bourgade.
Et comme souvent dans les histoires d’amour, la fin est triste, le compagnon meurt, les héritiers récupèrent la longère et Maryvonne n’a plus qu’a rejoindre sa maison rennaise et c’est là que ça se corse car contrairement à la maison bleue de San Francisco chantée par Le Forestier, ceux qui vivent là depuis 2013 n’ont pas perdu la clé qu’ils n’avaient pas mais ont changé les serrures.
L’octogénaire qui ne fait aucun effort pour apprécier la créativité artistique des nouveaux occupants se plaint « Depuis des jours, je ne mange plus, pleure Maryvonne. Comment peuvent-ils avoir tous les droits sur ma maison ? Quand je pense qu'ils ont tout cassé… ».
Décidément, Maryvonne qui ne se contente pas d’être vieille, n’aime pas non plus les jeunes, n’a-t-elle pas déclaré à Europe 1 « Sur la porte d'entrée, il y a la faucille et le marteau et ça sent le cannabis ». Pour un peu, elle se déclarerait anti communiste alors qu’il s’agit d’une espèce protégée et hostile à la culture biologique du cannabis.
Et pourtant les nouveaux habitants ont entrepris des travaux de rénovation et de décoration importants, le quotidien évoque la façade taguée, les arbres du jardin abattus, des cloisons détruites, la pose de tessons de bouteille sur un muret ce qui prouve l’envie des nouveaux occupants, de mettre en valeur et en sécurité leur nouveau patrimoine immobilier acquis sans doute à l’aide d’un pied de biche.
Nul n’est censé ignorer la loi, Maryvonne avait 48 heures après l’intrusion illicite pour faire constater le flagrant délit et demander l’expulsion immédiate par la police, passé ce délai, il faut entamer une procédure judiciaire ou au mieux administrative en invoquant l’article 38 de la loi Dalo du 5 mars 2007.
Les squatteurs eux, n’ignoraient rien du droit au logement ou de son interprétation puisqu’ils avaient placardé sur la porte d’entrée un document qui précisait ‘’Il ne peut y avoir d'expulsion sans décision exécutoire du tribunal". Par conséquent, le fils de Maryvonne venu à sa rescousse risquait en pénétrant dans la maison d’être accusé de violation de domicile.
Par son entêtement à vouloir récupérer son bien, elle a même fait perdre la boussole idéologique de ses interlocuteurs qui lui répondaient en empruntant le slogan des identitaires « On est chez nous », quand elle les priait de quitter les lieux.
Elle pousse même l’indélicatesse jusqu’à réclamer un relogement d’attente aux pouvoirs publics comme si elle se prénommait Léonarda, ou arrivait de Tchétchénie ou du Kossovo. Songera-t-elle seulement à dédommager les squatteurs pour les travaux d’embellissement effectués si la justice finit par lui donner raison ?
Ayons une pensée émue pour les législateurs qui à la fin du mandat de Jacques Chirac ont pondu cette loi humaniste tout en préservant les droits du propriétaire à qui ils consentent royalement un délai de 48 heures pour aller chercher le paquet de cigarettes au tabac du coin avant de constater l’abandon de domicile.