Massacre à Marioupol : l’Europe exulte !

par Jean-Michel Vernochet
jeudi 29 janvier 2015

Nous vivons dans un monde déconcertant et affligeant à la fois où la fabrique du consensus tourne à plein régime. Car tandis que l’Europe fête la victoire de la gauche de la Gauche en Grèce, les médias ont farouchement passé sous silence le bombardement de Marioupol cette fin de semaine. Il a fallu attendre lundi matin, le 26, pour que la très officielle RFI nous fournissent un bilan humain (7morts)… soit uniquement les pertes des troupes gouvernementales lors de l’offensive des séparatistes sur Marioupol, port de 500.000 habitants situé au bord de la mer d'Azov, entre Russie et Crimée. Pourtant quarante-huit heures plus tôt, le 24, des tirs d'artillerie avaient fait quelques 30 victimes dont au moins deux enfants… des morts sans valeur ajoutée médiatique vite oubliés, tôt passés par pertes et profits de l’arrimage ukrainien à l’Union européenne salvatrice en son principe.

Dire que la « situation dégénère » au Donbass en dépit du Protocole de Minsk (accord de cessez-le-feu du 5 sept. 2014) est assurément un cruel euphémisme. Sachant que les commentateurs ont attendu près de dix mois pour admettre qu’une guerre, une vraie, sans demies mesures, faisait rage aux portes de l’Union. Le quotidien Le Monde ignore lui aussi les pertes civiles pour ne parler que d’un « regain de violence  ». Glissons sur le voile d’omission – la forme première du mensonge - qui a enveloppé l’arrêt du transit du gaz russe à travers le territoire ukrainien. Ce qui a eu pour conséquence de réduire vraisemblablement de 60% les approvisionnements de l’est européen. Six pays ont signalé la cessation des exportations russes via l’Ukraine : Bulgarie, Grèce, Macédoine, Roumanie, Croatie et Turquie*. Bref, au cœur de l’hiver, une nouvelle et brutale escalade dans la confrontation économique et énergétique entre Moscou et l’Otan.

Le 19 déjà, à Moscou le ministère des Affaires étrangères de Russie épinglait sévèrement la chaîne Euronews quant à sa présentation honteusement partiale des événements. Singulièrement des pertes civiles presque totalement escamotées telles les douze morts dues à un tir d’une roquette le 13 janvier sur un autobus près de Volnovakha. Ceci à l’heure où la France nombriliste découvrait estomaquée l’ampleur du mal qui la ronge. Une semaine plus tard, le 22 c’est un trolleybus qui est pris pour cible à Donetsk, treize civils sont tués. Un crime, selon Kiev « perpétré par les terroristes russes  ». Lesquels, comme de bien entendu, trouvent judicieux d’expédier ad patres leurs propres concitoyens ! Un non événement vite zappé dans les bulletins d’information, ceux-ci faisant preuve d’un touchant unanimisme lorsqu’il s’agit de minorer les affrontements du Donbass et d’évacuer les responsabilités du camp européiste.

À New-York siège des Nations Unies, parallèlement le ton monte entre Américains et Russes. Samantha Power, ambassadrice des É-U au Conseil de Sécurité dénonce pour sa part un « plan russe d’occupation de l’Est ukrainien  ». À l’Ouest, les dirigeants s’affolent parce qu’ils sont en première ligne et que la perspective d’un conflit ouvert avec la Russie se précise. À Paris M. Hollande, en marge du scrutin grec, le 25, multipliait les consultations avec le président du Conseil européen Donald Tusk, la Chancelière Merkel ainsi qu’avec ses homologues, Porochenko et Poutine. Là également pas de surprise, les gens Bruxelles doivent s’attendre à récolter le blé amer ce qu’ils ont savamment semé.

Le 21 décembre dernier, l’Ukraine en pleine déconfiture financière prévoyait de consacrer 5% de son budget, soit 4,5 mds d'€ pour l’équipement de son armée. Est-ce la meilleure façon d’emprunter le chemin de la paix ? Négocier de bonne foi ne serait-il pas plus avisé que de poursuivre des combats sans issue assurée ? Alexandre Zakhartchenko, chef de la République Populaire de Donetsk affirme qu’il n’a aucunement « l’intention de prendre Marioupol d’assaut  »… en attendant quelque 8 000 soldats ukrainiens se trouveraient quasiment encerclés à Debaltsevo. L’escalade se poursuit.

*Voir le Daily Mail du 7 janvier.


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