McKinsey : le maillon qui manquait

par Marcel MONIN
mercredi 23 mars 2022

 

McKinsey : le maillon qui manquait.

 

Dans le sillage des découvertes de journalistes d’investigation (1) , les sénateurs ont mis à jour des informations, (probablement sans en mesurer la portée pour la plupart d’entre eux (2) , qui manquaient à la compréhension et à la description, par les chercheurs en science politique et par les constitutionnalistes, de la nature et du fonctionnement actuel des institutions.

Il est donc établi qu’une ou plusieurs sociétés privées de conseil (McKinsey et autres) étaient associées, depuis un certain temps, mais sans qu’on le sache, aux gens du pouvoir « officiel » (celui qui figure dans la constitution) en vue du gouvernement des citoyens. Cette société de conseil pouvant être demain une organisation du type « forum de Davos ». Signant un banal contrat (3) avec les titulaires des charges publiques, recrutés comme il est rappelé ci-dessous.

 

Ce qui fait qu’on se trouve exactement dans la logique du « gouvernement mondial » appliquée à ce qui est encore le territoire national : les détenteurs du pouvoir économico-financier arrêtent la ligne devant être suivie en étant aidés par des gens efficaces ; de leur côté, les populations sont heureuses et tranquilles. On trouve l’origine de cette philosophie politique dans des déclarations de gens en vue aux USA.

Les détenteurs du pouvoir économique et financier (souvent désignés par le terme « l’oligarchie ») ont déjà réussi à obtenir que les règles qui les intéressent soient mises dans des textes hors de porté des organes décisionnels des Etats. Donc hors de la portée ( indirecte) des citoyens ( … qui n’en sont plus).

C’est ce qui a commencé à être inscrit dans des premiers traités ( « marché commun » …) après que la rédaction ait été faite par des agents américains - dans les années 50 - pour une petite partie l’Europe de l’Ouest. Ce qui a été renforcé et étendu avec le traité de Maastricht -1992- et les traités qui ont été rédigés et acceptés à l’initiative de certains personnages politiques, soit naïfs, soit cyniques.

 

Les collaborateurs ( v. ci-dessus) de cette « oligarchie » sont astucieusement recrutés par voie de l’élection.

Parce que l’élection est un système de désignation qui est lié au concept de « démocratie ». Et parce que, traditionnellement, l’élection confère à l’élu une légitimité de principe. Et donne une autre légitimité, cette fois-ci aux décisions qu’il prend. Légitimité qui rend illégitimes les désaccords et leur expression.

Election, évidemment parce que ce mode de désignation des « collaborateurs » n’est pas « dangereux » pour l’oligarchie et les intérêts de cette dernière. Oligarchie qui sait depuis longtemps, et comme tout le monde, qu’il n’est pas bien difficile d’obtenir que suffisamment de gens (pas besoin de forts pourcentages) votent dans le sens qu’il faut (4). Jadis en jouant sur la carte électorale et le droit de vote. Aujourd’hui en jouant des médias comme instruments de manipulation 24h sur 24 et 7 jours sur 7. (Regarder pendant quelques heures les programmes de certaines chaines de TV dites « d’information » en continu).

 

Les candidats collaborateurs auront alors (exactement comme les candidats aux concours qui se préparent à dire au jury ce qu’il faut, comme il le faut), à séduire les recruteurs (5). Cette préparation vaut le coup d’être faite, puisqu’elle ouvre de belles perspectives de vie. Une fois acceptés ou fabriqués en vue de faire le job, les impétrants reçoivent des moyens financiers, bénéficient de la couverture médiatique de leur candidature ( et plus tard de ce qu’ils font), donc - soit dit autrement - de la manipulation des électeurs. Pour que sorte des urnes le résultat qu’on attendait qu’il en sorte.

 

Un fois en place, le titulaire de la charge publique, qui est le seul visible, utilise les compétences qu’il tient des lois de la République pour décider dans le sens prévu.

Le peuple est certes embarqué dans cette aventure. Mais il n’est plus concerné (depuis belle lurette - 1992 - ) ni par le choix de la destination, ni par celui de l’itinéraire.

En souvenir de la démocratie et de ses débats, quelques spécimens de citoyens (triés) sont invités à participer à des réunions dans lesquelles ils sont, en guise de « débat », autorisés à exposer leurs malheurs ou leurs difficultés. Et dans lesquelles le président de la République leur dit qu’il les comprend, qu’il a déjà beaucoup fait, et qu’il ne manquera pas de faire plus encore. Et l’on s’esbaudit de cette pratique présentée comme la quintessence de la démocratie. 

Lorsque cette « gouvernance » ne rend, contrairement aux prévisions du dogme, ni heureux ni béat, et lorsque des citoyens manifestent leur désespoir ou leur désaccord dans les rues, les « visibles » passent à des médecines moins douces pour l’obtention de la soumission : - la police à qui ils font éborgner (au nom du maintien de l’ordre), - les juges à qui ils donnent à condamner (au nom du peuple français).

Chacun sera donc reconnaissant aux journalistes et aux sénateurs d’avoir fourni les derniers éléments qui ouvrent (en dehors des chercheurs et de spécialistes de ces question comme il a été dit ci-dessus) à ceux des politiques qui s’y intéresseraient, un champ intéressant de réflexion sur le question de savoir s’il faut conserver la démocratie ou s’il faut aider au changement de régime en cours.

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des Universités

constitutionnaliste

 

 

(1) V. la bibliographie sur internet. Journalistes d’investigation, qui, comme souvent, sont plus efficaces que des centaines de parlementaires et des milliers de fonctionnaires et de juges

(2) analyser leurs conclusions : limitées pour l’essentiel à la question de la passation des marchés publics, à celle d’éventuelles infractions pénales, ou à celle de la compétence des fonctionnaires en poste dans les administrations.

(3) Ce qui met un terme aux interrogations qui portaient sur le point de savoir comment le régime « démocratique » traditionnel, laisserait la place à la « gouvernance » d’un nouveau genre.

(4) Pour, en raccourci, que l’usage du droit de vote permette de reproduire, sous forme politique, les inégalités économiques et sociales (formule transposée de celle de Bourdieu et Passeron utilisée par eux dans leur étude connue sur l’enseignement) . En 1848 déjà … Tocqueville disait que l’on pouvait donner sans crainte le droit de vote aux pauvres ( suffrage dit universel) au motif que ces derniers « voteront comme on leur dira ».

(5) les études (v. la bibliographie sur internet) qui y sont consacrées, montrent que la trajectoire d’E. Macron est idéale-typique à cet égard.

 

 


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