McKinsey : service minimum
par Rémy Mahoudeaux
mercredi 4 mai 2022
La commission sénatoriale d’enquête sur le recours de l’état aux cabinets de conseil a révélé que l’une des entreprises les plus en vue, McKinsey, ne payait pas d’impôt sur les sociétés depuis 10 ans, malgré l’affirmation de l’un de ses dirigeants. Son mensonge serait constitutif d’un parjure.
L’exécutif, qui a tant usé et abusé de ses coûteux conseils, aurait-il tenté d’allumer un contre-feu de dernière minute en demandant à Bercy en décembre 2021 d’effectuer un contrôle fiscal, soit juste après que le Sénat ait ouvert cette commission d’enquête ? Bercy prétendra que c’est sur son initiative. Certains penseront que non. Et si tel est le cas, est-il opportun de supposer que le cabinet McKinsey France était préservé du risque de contrôle fiscal par une « protection », une sorte de joker d’immunité, trouvant son origine dans les excellentes relations entre ce cabinet et l’exécutif ? Cette protection serait bien sûr attentatoire à l’égalité des contribuables face à l’impôt … et une grande entreprise filiale d’un groupe américain qui ne réalise pas de profits taxables mais travaille beaucoup avec l’état sur une aussi longue période aurait pu attirer l’attention de services fiscaux diligents.
Le parquet national financier ni aucun parquet d’ailleurs ne peut être à l’initiative de poursuites en matière de fraude fiscale du fait du monopole en la matière des services fiscaux. C’est ce qu’on appelle le verrou de Bercy. Sous le feu des critiques après avoir biaisé l’élection de 2017 par un excès de zèle, le PNF s’est résolu à ouvrir a minima une enquête pour blanchiment de fraude fiscale. Ils auraient pu ajouter du recel et viser la société mère américaine.
Mais pour pasticher Cyrano, c’est un peu court, jeune homme …
Un esprit soupçonneux s’interrogerait sur l’éventuel pacte de corruption qui aurait permis à Emmanuel Macron de se faire élire en 2017. Il aurait été aidé par une quinzaine d’employés de McKinsey France travaillant « gratuitement » à sa campagne. Ne serait-ce pas là une contrepartie occulte des marchés futurs obtenus, et dont la Cour des comptes soulignait que les prestations fournies étaient indigentes ? Et si tel est le cas, cela n’impliquerait-il pas que ces salariés et les dirigeants de McKinsey auraient, vraisemblablement, outre la corruption active, commis un abus de bien social ? Une telle générosité ne serait-elle pas en outre constitutive d’un financement de campagne électorale par une personne morale autre qu’un parti politique, ce qui est rigoureusement interdit ? Et par conséquent les comptes de campagne de 2017 d’Emmanuel Macron ne seraient-ils pas frauduleux et ne dépasseraient-ils pas le plafond autorisé ? Il est un peu tard pour invalider cette élection de 2017, mais pas pour faire la vérité ! Et puis, si la fraude fiscale via des prix de transfert fictifs est avérée, les dirigeants auront présenté des faux bilans, et leurs commissaires aux comptes auront signé sans rien dire. Il faudrait en outre s’interroger sur la gestion des conflits d’intérêts au sein du cabinet global McKinsey, sur leurs éventuelles divulgations à leurs clients dont l'état, et sur le retrait effectif de toute mission où leur indépendance aurait pu être compromise … Il y a beaucoup de pistes pour des actions judiciaires possibles ! Pourquoi le PNF semble-t-il si timoré, lui si hardi en 2017 ?[1]
En fait, il serait bon, pour une fois, que les autorités judiciaires de ce pays piétinent la séparation des pouvoirs, suivent l’injonction d’Emmanuel Macron et « aillent au pénal » pour tous les motifs possibles et imaginables. Bien sûr, pour ça il faudrait qu’un parquet indépendant et courageux et libre de l’initiative de toutes poursuites puisse se saisir seul et agir sans rendre de compte. Ou que des juges indépendants de l’enquête déchargent définitivement le ministère public de cette responsabilité. La condition est nécessaire mais peut-être pas suffisante, tant les magistrats en France semblent rétifs à toute mise en cause agressive de l’exécutif. Et ce serait hélas un pas de plus vers une république des juges, mais le niveau de corruption en France ne requière-t-il pas une opération mains propres, au moins jusqu’au complet nettoyage des écuries d’Augias ?
(Cliché European Parliament CC BY 2.0)
[1] J’ajoute que je ne suis pas juriste et il y a peut-être des prescriptions qui pourraient rendre impunis certains de ces agissements délétères. Faut-il pour autant s’abstenir de chercher la vérité ?