Merci, Jean-Luc Mélenchon !

par Ariane Walter
samedi 21 avril 2012

Merci pour cette campagne fulgurante. Merci pour ce moment d’histoire dont nous avons conscience. Il sera étudié, on le dit déjà, comme le modèle d’une rencontre, d’un éveil, d’une cavalcade irrésistible à partir du moment où les esprits et les cœurs ont reçu une vérité dont ils ne peuvent plus se passer.

Photo Stéphane Burlot. Place au peuple. Meeting de Paris.

Merci pour la fin des mensonges. Nous savions que nos medias, eux qui devraient être formateurs, n’étaient que propagande. Nous savions que leurs vedettes n’étaient plus des journalistes, nom précieux qu’ils ne méritent pas, mais des valets. Face à vous les perroquets, les menteurs, les provocateurs ont été mis à poil en deux répliques. Les lumières ont révélé leurs tics, leur médiocrité, leur suffisance, leurs limites, leur malhonnêteté, leur psittacisme puisqu’ils ne savent que répéter les mêmes questions, effondrés, les yeux ronds devant votre talent, votre conviction, eux qui ne reçoivent que des ordres. Vous les avez offerts à d’autres qui, comme vous, maintenant, les renversent. Définitivement ridicules.

Merci pour votre colère. Ah ! Au début, enfants bien élevés que nous sommes, habitués à nous taire, même devant les abus, nous trouvions vos sorties un peu too much. « De la tenue que diable ! » on nous avait appris ça. Mais le courage de la colère, la colère juste, est une vertu . Dans un monde policé et décadent vous avez été comme cet homme, qui, entrant dans un temple et y trouvant des marchands, les a jetés dehors dans un fracas dont l’histoire se souvient. On nous dit qu’il était fils de Dieu. Je le préfère fils d’un homme juste, juste lui aussi et cherchant cet équilibre juste qui permet le bonheur de tous. Votre colère a pour racine l’injustice.

Merci pour votre stratégie. Là aussi, vos sorties virulentes contre Marine le Pen posaient question par leur virulence même. Ne fallait-il pas plus d’urbanité ? Le résultat de votre action est clair. Ce que personne n’avait réussi à faire, détrôner cette peste raciste qui rampait dans notre pays et trouvait couronne sur d’autres, cette malade de notre siècle perclus dans sa lâcheté, vous, vous l’avez fait. Ceux qui, pour des raisons électoralistes, et la droite et la gauche menteuse, la mettent à nouveau en première page, sont des traîtres. Vous aviez gagné une bataille. Ils vont rechercher l’ennemi pour lui donner des armes. Ce sont des fautes de guerre qui se jugeaient autrefois au pied d’un mur. 

Merci pour l’honneur rendu. Nous étions la France de Sarkozy. La France de Talonnette et Bling-Bling. La France du « Casse-toi pauvre con ». La France des amours à la Disneyland, la France des scandales, des passe-droits, de la servilité aux banques, la France des valets de l’impérialisme américain. Nous étions aussi la France de DSK, de l’amoralité, de l’impunité que cette classe supérieure s’accorde. Nous sommes maintenant la France de Mélenchon. Celle que découvre l’étranger, pris de passion comme l’est le peuple Français, pour votre discrétion, votre attitude modeste, votre rectitude dans vos engagements, votre énergie, votre volonté non pas de vouloir le pouvoir pour vous mais pour le donner à tous. Quelle fierté vous nous avez rendue !

Merci pour l’héroïsme. Oui, votre modestie dût-elle en souffrir, vous évoquez les héros des anciennes légendes qui, leurs peuples à terre, prennent le flambeau, réveillent les consciences et les courages et les font courir de nuit, dans les villes, pour ouvrir les portes à la liberté. Vous êtes le David qui affront Goliath Sachs, vous êtes Ulysse face au cyclope le Pen, Jason, chassant la règle d’or, porté par ses millions d’argonautes. Votre tâche est tout aussi immense que du temps des écuries d’Augias. Votre parole est tout aussi vibrante que celle des grands orateurs. Cicéron : « Carthago delenda est ! » « Financia delenda est ! », Démosthène face à la mer violette haranguant les Athéniens et leur demandant de prendre les armes contre le tyran de Macédoine. Vous évoquez ces trois cents qui, au pied des Thermopyles, ont préféré mourir pour simplement freiner l’avancée de l’ennemi. Nous vivons dans un monde où nous n’étions plus des citoyens mais des ombres de caddie, des machines à produire, et soudain, nous avons le sens de notre grandeur, cette grandeur qui a travers les siècles a créé ces résistants qui ont rendu sa liberté à la France. Résistance contre les guerres, Résistance contre la domination des puissants. Résistance ! Nous étions décapités. Vous êtes à nouveau cette tête, qui, comme un chef d’orchestre, donne le la et accorde l’harmonie de toutes les notes. On nous met en garde contre le culte de la personnalité. Mais parce qu’il ya eu des Staline, il ne faut plus de Gandhi ? Il ne faut plus de Nelson Mandela ? Il ne faut plus de Martin Luther King ? I

Merci pour le modèle moral. C’est une notion défunte. On croit que l’idéal du Bien et du Beau n’est pas nécessaire. Que l’éducation et la morale doivent céder devant le laisser-aller des intérêts particuliers, des plaisirs faciles, des plaisirs destructeurs, les vices chassant la vertu. « Raison » est un mot rébarbatif. On ne sait pas que c’est le temple de toute action. Que le juste milieu, la juste voie doivent guider toutes les politiques. Qu’en un temps où notre planète disparaît, assassinée par une absence de politique commune, il faut fonder la loi et le droit. Les enseigner. Les imposer.

Merci pour les fêtes, merci pour les grandes heures. Merci pour ces meetings dans la nuit de l’hiver où retrouvant le jour, sur les grandes places de nos villes, là où nous mesurions nos forces. Merci pour Nantes, Rouen, Villeurbanne, Montpellier, Grigny, Clermont, La Bastille, Toulouse, Marseille, Paris et tous les autres ! Merci pour ces silences d’immenses foules, ces mers de drapeaux agitées pour que l’avenir prenne le large. Merci pour ces leçons et ces devoirs, ces missions et cette conquête de nous-mêmes, nous révélant à ce que nous sommes : non pas des individus mais des citoyens. Les acteurs d’un monde à sauver et à créer. La politique ce n’est plus « tous pourris » mais « tous unis. »

Merci pour votre talent. La puissance d’une voix qui est celle d’un peuple. La force d’un homme qui appelle tous les hommes à l’imiter. L’intelligence d’une pensée. Le don de soi à tous les autres au-delà des blessures et de la fatigue.

Merci pour la joie, l’immense joie de la Bastille quand la foule montait jusqu’au ciel du Génie, quand nous avons frémi et pleuré entendant pour la première fois, « nous sommes cent vingt mille ! », quand nous avons su que ce jour-là était inscrit dans l’histoire, quand nous avons entendu votre rire et cette phrase, la plus belle de tout ce temps : « Nous nous étions perdus, nous nous sommes retrouvés ! Merci pour les frémissements et nos coeurs bondissants.

Merci pour les larmes. Les nôtres arrachées aux défaites silencieuses, à l’espoir froissé, à la peur d’un avenir dont on n’ose même pas parler et soudain à leur sel sur nos joues et jusqu’à nos lèvres parce que nous étions à nouveau vivants, baptême de la parole. Merci pour vos larmes. Celles qui embuaient vos yeux, quand à Marseille, chantant la Marseillaise, vous ne pouviez les contenir ne croyant vous-même à ce que vous voyiez, à ce que vous aviez réussi. Vous-même étranger à vous-même, abandonné à la voix des autres.

Merci pour la fraternité. Merci de nous arracher à la haine ordinaire, à cette peur de l’étranger qui vient de nos corps qui rejettent toute greffe. Merci de mettre de l’intelligence dans l’instinct. Merci pour cette phrase : « La guerre est finie. Nous nous aimons tous ! » Merci pour l’incroyable facilité avec laquelle nous nous sommes abandonnés à ce coup de sabre, qui, comme celui d’Alexandre, a tranché la malédiction du noeud Gordien, l’inextricable entrelacs de toutes les contradictions. Merci pour L’Amour. Merci pour l’Amour universel.

Merci pour l’Espoir. Comment pourrions-nous rentrer chez nous et ne pas sentir ce nouveau sang qui roule en nous ? Comment pourrions-nous reprendre nos vies d’autrefois ? Le chemin du travail quotidien qui nourrit à peine. La soumission qui interdit l’honneur. Comment pourrions-nous, à nouveau, entendre la parole publique qui nous dit de nous taire ?

Merci pour l’humanité. Merci pour cet écho qui, venu de chez nous, roule vers tous les pays du monde, vers tous les Indignés, vers tous les martyres de Fukushima abandonnés à leur destin parce que les sauver coûte trop cher. Votre discours de Paris s’écoute en Amérique du Sud ! France révolutionnaire, tu retrouves le temps des révolutions !

 Merci pour la poésie. Elle est dans les mots, dans les regards, dans le silence, dans l’éblouissement, dans l’abandon. Les enfants l’apprennent à l’école. Elle s’imprime dans leurs mémoires et les rend fils de la beauté. Nous sommes à nouveau la France de Hugo et d’Eluard. La France souveraine des plus belles pensées. Des plus belles inspirations.

Permettez un cadeau pour vous.

Le plus à même de vous toucher.

De la part de tous.

Un poème.

Il parle de vous. De cette solitude qui vous est nécessaire pour vous ressourcer, de cette enfance inépuisable qui est la vôtre et la nôtre, de cette harmonie avec la vie dont nous sommes, vous et nous, assoiffés :

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensées, comme les alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Baudelaire : Les Fleurs de mal, III

 

Merci pour la victoire !

Oui, nous avons gagné !

Nous sommes les armées victorieuses de la conscience d’un nouveau monde, d’un nouveau temps et partout se lèvent les drapeaux de ceux qui veulent nous suivre !

 

Merci pour demain, M.Mélenchon.

On continue !

On ne lâche rien !

Nous nous étions perdus, nous nous sommes retrouvés !


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