Merci Monsieur Geremek

par Décryptages
vendredi 27 avril 2007

C’est un fait grave qui est en train de se dérouler en Europe et c’est en Pologne que ça se passe. » C’est François Bayrou qui le dit et il a raison. Pour n’avoir pas obéi à une nouvelle loi polonaise inique sur la « décommunisation », une loi décidée par les deux sinistres jumeaux qui dirigent aujourd’hui le pays, Bronislaw Geremek, un des grands démocrates européens, ancien chef de la diplomatie polonaise, grande figure de l’opposition anticommuniste et du syndicat Solidarité, va perdre son mandat de député européen.

Geremek est le seul des cinquante et un eurodéputés polonais à ne pas avoir déclaré s’il avait ou non collaboré avec les anciens services secrets communistes, comme la nouvelle loi lui en faisait l’obligation. Une chasse aux sorcières sordide qui en dit long sur l’état de suspicion que le gouvernement polonais est en train d’imposer à son pays. La création d’une sorte de « ministère de la Vérité » indigne d’un pays membre de l’Union européenne.

Il faut écouter Bronislaw Geremek parler de l’Europe, parler de son pays, dans un français parfait. Son intelligence, son humanité, une certaine forme de sagesse forgée par des décennies de combats politiques transparaissent à travers ses mots.

Il faut aussi se souvenir de l’hypocrisie des grands mouvements politiques européens qui ont empêché Geremek de devenir le président du Parlement européen en 2004. Il avait été battu par le socialiste espagnol Josep Borrel, par 388 voix contre 208, battu par une alliance de circonstances des communistes d’une part et de l’alliance contre nature des conservateurs et des socialistes, bien décidés à se partager les postes et le pouvoir. Cette élection, qui aurait pu avoir valeur de symbole, s’est transformée en petit arrangement politicien.

Il faut relire enfin le magnifique texte de François Bayrou dans le journal Le Monde, le 20 juillet 2004, à la lumière de l’élection présidentielle française de 2007 et à l’ombre des ennuis de Geremek dans la Pologne d’aujourd’hui.

« Bronislaw Geremek sera candidat demain à la présidence du Parlement européen. Cette phrase est toute simple. Elle n’a l’air de rien. On dirait de la politique. Pourtant il ne s’agit pas de politique, il s’agit d’histoire. Il s’agit pour l’Europe, en élisant le président de son Parlement, de dire ce qu’elle veut être, de le dire à elle-même, et de le dire au monde. »

« Tout cela est d’une telle force qu’à la vérité, c’est à l’unanimité que le premier Parlement de l’Europe libre aurait dû élire Geremek. Pourtant, on hésite à le dire, les appareils partisans, la droite européenne du PPE et les socialistes européens du PSE ont décidé de changer ce jour historique en un jour de médiocre politique. »

« Et voilà que la première décision que les socialistes européens et la droite européenne ont prise dans l’ombre des couloirs de Bruxelles, c’est de s’entendre pour verrouiller le Parlement et pour se partager la présidence moitié-moitié ! Les socialistes, particulièrement les socialistes français, ont accepté sous la table l’accord avec la droite honnie, pourvu que le candidat socialiste soit élu pour la première partie du mandat ! Et la droite, particulièrement la droite française, s’apprête à voter socialiste, contre Geremek, pourvu qu’elle en soit récompensée en obtenant la deuxième partie du mandat ! Et après cette dérision, ils viendront nous parler de démocratie, avec des trémolos... »

Contre une bipolarité de façade, une opposition factice, un déni de démocratie, une hypocrisie politique portée à son paroxysme, Bayrou, déjà en 2004, oppose sa liberté de choix, sa vision différente de l’Europe, son sens de l’Histoire, sa façon de penser la politique. Tout y est.

Que se serait-il passé si Geremek était aujourd’hui président du Parlement européen ? Les inquiétants siamois de Varsovie se permettraient-ils la même désinvolture ? Il est peut-être un peu tard pour s’offusquer, messieurs les députés socialistes et conservateurs de Strasbourg. L’occasion était belle. C’est votre échec qui revient aujourd’hui comme un boomerang.

Signons la pétition de soutien à Bronislaw Geremek.


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