Mes chroniques italiennes 9

par Françoise Beck
samedi 25 mai 2019

Juste après celles du Japon, les femmes italiennes sont celles qui se sentent les moins estimées. Quand on connait la réalité machiste du pays du Soleil levant, on est un peu ébahi de cette proximité de la sociologie italienne dans ce domaine.

Selon mon bon principe que l'Italie n'existe pas, il faut envisager les réalités nettement diverses allant du Nord au Sud. Sans doute l'importance essentielle donnée à la femme, dans tout le pays, par rapport à son éventuel role de mère, contribue-t-elle à la reléguer dans cette sphère.

Très clairement, l'accès aux postes à responsabilité, surtout dans le privé, est loin d'être égalitaire entre hommes et femmes, quasiment dans toute l'Europe, même si des initiatives européennes ont été prises. 6,3% des managers italiens sont des femmes. La Commission européenne indique qu'environ 90% des membres des conseils d'administration des entreprises cotées en bourses sont des hommes ! Et pourtant, les femmes sont plus nombreuses à être diplomées de haut niveau. Au contraire, les hommes universitaires gagnent plus de 30% de plus que les femmes à formation égale.

Des chiffres : 

U.E. = les femmes gagnent entre 11,6% et 16,2% en moins que les hommes (2016).

Si la moindre administration communale crie à chaque occasion à la parité des genres, il s'agit à nouveau de paroles. L'égalité est loin d'être réelle. Bien beau d'avoir un nombre égal d'échevins hommes et femmes, mais les coulisses, une nouvelle fois, sont bien moins idylliques. On se fait une belle conscience avec les discours enflammés (paroles) pour la Journée des Droits de la Femme. Il en reste que le chomage, les violences représentent le quotidien de nombreuses femmes.

L'élan politique et idéologique des années '70 a donné aux femmes l'illusion d'une place au soleil. Mais, sociologiquement, la péninsule était-elle prête ? Des exceptions, fermement revendicatrices de leur émancipation, aidées souvent par une famille aisée et progressiste, comme le professeur Rita Levi-Montalcini, existent. Des exceptions car, comme je l'ai lu, meme à la fin des années 1970, en Italie, "l'Histoire des femmes" est restée "totalement en-dehors de l'Université et de la communauté scientifique". En 1979 a été créé le "Centro Virginia Woolf - Università delle donne", à Rome, avec des cours dispensés uniquement aux femmes autour de la philosophie, l'Histoire, la psychanalyse, l'histoire de l'art et les sciences exactes. De nombreux travaux, hors universités, ont ainsi été suscités pour donner la parole aux femmes, peu à peu sur la construction de l'identité et de l'auto-représentation. Nous sommes donc en plein argument de cet écrit. 

Si, au début des annés '80, la revue "Quaderni Storici" a décidé de publier un numéro spécial, elle l'a néanmoins consacré à la grossesse, l'accouchement, l'allaittement dans des cultures qui vont de l'Italie médiévale et moderne à l'Afrique et l'Inde. En 1981, on passe enfin aux femmes dans la littérature, la psychanalyse, la sociologie et on fonde la revue Memoria, Rivista di Storia e delle donne. 1982 et 1983 sont même des années de fondations de cours sur l'histoire des femmes dans trois universités.

Cet article n'est qu'un prétexte à l'ouverture de pistes de réflexion. L'une d'elles ne peut qu'être celle de la lourde présence de l'Eglise catholique dans la péninsule. Avec le culte de la Vierge, reconnue, mais soumise, mère par excellence, dénuée de tout désir, toute d'humilité, avec la pyramide ecclésiale laissant aux femmes des roles secondaires, asexués sauf pour être mères, comment la femme italienne peut-elle, sans une personnalité combattante, la culture et l'intelligence indispensables, obtenir la reconnaissance qu'elle mérite ?

Françoise Beck

Sources : www.cairn.info


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