Michel Drucker noirci par son nègre et l’éditeur par ses misérables méthodes

par Paul Villach
vendredi 14 janvier 2011

Après PPDA (1), c’est au tour de Michel Drucker, maître d’hôtel à la télévision et à la radio, d’être noirci par son nègre ! Qu’il n’y ait pas de malentendu ! Un nègre d’édition est le rédacteur du livre qu’un autre signe à sa place. Mais l’Histoire qui, dit-on, ne manque pas d’ironie, a soigné cette fois la distribution des rôles : le nègre de M. Drucker est Calixthe Beyala, son ancienne compagne, d’origine camerounaise !

Celle-ci vient d’obtenir en appel sa condamnation. Dans un arrêt du 12 janvier 2011, la cour reconnaît qu’elle a « œuvré à la composition d’un manuscrit », en réponse aux 12 questions qu’avait posées l’enquêteur Régis Debray, chargé d’interviewer M. Drucker, dans le cadre d’un livre de commande aux éditions Albin-Michel. Or le présentateur de plateaux télévisés avait refusé de payer à C. Belaya les 200.000 euros qu’il lui avait promis. Il a été condamné par la cour à lui verser 30.000 euros de dommages et intérêts et 10.000 euros en remboursement de frais de justice ! (2)
De cette nouvelle affaire où s’illustre une maison édition plusieurs leçons peuvent être tirées. 
 
1- Première leçon : faire confiance à la Justice de son pays
 
Même si on est ravi pour elle, on est d’abord étonné que la plaignante ait pu gagner. C’était, en effet, mal parti.
- En première instance, en juin 2009, elle avait été déboutée et même condamnée à verser à son adversaire l’euro symbolique pour procédure abusive. Le tribunal n’avait voulu voir dans son travail qu’une collaboration technique qui ne justifiait pas qu’elle pût se prévaloir d’un droit d’auteur. Surtout, elle ne pouvait produire le moindre contrat entre elle et M. Drucker, en raison, disait-elle, de « la relation de concubinage qu’elle entretenait à l’époque avec (lui et qui) la plaçait dans l’impossibilité morale d’exiger de lui qu’il (formalisât) par écrit son engagement. »
 
Rejetant l’analyse du tribunal, la cour d’appel a estimé, au contraire, que Calixthe Beyala avait bien répondu aux 12 questions posées par l’enquêteur de service et était « fondée (...) à se prévaloir de l’exécution d’une prestation au profit  », de son ancien compagnon, sans exiger d’elle, pour « impossibilité morale  », la production d’un contrat entre eux, M. Drucker ayant reconnu sa « collaboration spontanée  ».
 
Il ne faut donc pas désespérer de la Justice de son pays même dans les cas d’espèce les plus désespérés.
 
2- Deuxième leçon : la tyrannie des actionnaires
 
Les autres leçons ont trait aux misérables usages en honneur dans l’édition.
Une fois de plus, même si pour finir celui-ci n’a pas été publié, un livre est rédigé par un rédacteur anonyme, appelé nègre, au profit d’une personnalité dont la notoriété promet un minimum de ventes et de rentes. il faut d’abord être connu pour espérer être publié par les grandes maisons d’édition parisiennes. La contrainte des ressources impose sa loi. La tyrannie du retour sur investissement exigé des actionnaires des grands groupes industriels qui les ont absorbées, - on parle d’un taux allant jusqu’à 15 % - les oblige à user de ce leurre pour appâter les clients : le leurre de l’argument d’autorité qu’est à elle seule une star, perçue comme prescriptrice, suscite le réflexe d’attirance jusqu’à l’identification.
 
3- Troisième leçon : le recours inévitable au nègre et à ses possibles dérives
 
Pour brillante qu’elle soit, cette face a un revers plus sombre. Le recours à des rédacteurs anonymes devient nécessaire.
1- Ces stars sont, en effet, trop occupées : outre leur activité principale, elles ne cessent de paraître et de promouvoir leur image qui leur assure la notoriété. Où trouver le temps non pas de taper sur un clavier mais de seulement réfléchir ?
 
2- Ensuite, selon la définition donnée par le héros, nègre lui-même, d’un excellent film de Laurent Tirard, « Trahisons et mensonges et plus si affinités  » (2004), un nègre d’édition est celui qui vient en aide à « des gens qui n’ont pas grand chose à dire mais qui ne savent pas trop comment le dire  ». Le contenu du produit qui résulte de cette collaboration, est forcément à la hauteur de la médiocrité des acteurs.
 
3- Dans le pire des cas, comme celui de PPDA (1), il peut arriver que des plagiats soient découverts sans qu’on sache toujours à qui les imputer. Des livres introuvables sont parfois copiés servilement. Si effort de création il y a, il porte alors sur les leurres qui tentent de dissimuler le vol de la propriété d’autrui : on change les temps, on use de synonymes, on pratique des inversions de mots, on fait des ajouts redondants, on commet tout de même quelques omissions bénignes, histoire de ne pas tout prendre à autrui ! On vient de l’observer sur trois des exemples du « livre de PPDA » publiés par Jérôme Dupuis dans L’Express (3). Il est amusant de rappeler que Calixthe Belaya, elle-même, a été par le passé accusée de plagiat pour certains de ses livres. (4)
 
4- Quatrième leçon : l’enquêteur peu scrupuleux
 
On découvre, ensuite, dans l’affaire Drucker/Beyala qu’un livre dit d’entretiens peut se passer de tout entretien ! L’enquêteur chargé d’interviewer M. Drucker n’était pourtant pas n’importe qui : c’est un expert en « médiologie », qui vient ces jours-ci d’entrer par cooptation au jury du Prix Goncourt !
 
Or, selon ce qui ressort de la procédure, M. Régis Debray avait soumis « 12 questions » écrites à M. Drucker. L’a-t-il même rencontré pour l’interroger en tête-à-tête ? On l’ignore, puisque c’est Calixthe Beyala, selon la Cour, qui a répondu aux questions, au point de la juger « fondée (...) à se prévaloir de l’exécution d’une prestation au profit » de Michel Drucker.
 
Que penser du travail d’un enquêteur qui ne se soucie même pas de savoir si les réponses à ses questions proviennent bien de la personne qu’il interroge ?
Ce « dialogue » surréaliste à l’aveugle entre un enquêteur étourdi et un nègre résume assez bien les méthodes comiques et répugnantes en honneur dans certaines maisons d’édition ! Qu’importe sans doute, puisqu’elles font vendre des livres, et l’ âme d’un éditeur en prime !
 
5- Cinquième leçon : la promesse d’un pactole pour la star et son nègre
 
La fabrication de ce genre de produits qu’on ose encore appeler livres, ne ravit pas seulement l’éditeur et ses actionnaires. La star y trouve aussi une importante source de revenu. La preuve ? Les 200.000 euros promis par M. Drucker à son nègre, qu’il ne lui a pas versés ! Au vu de cette rétribution, il est aisé d’imaginer la fortune attendue de la publication du produit. Présent sur une chaîne de radio comme à la télévision, M. Drucker est, en effet, a même d’être reçu dans tous les médias qu’il veut, selon "un plan-médias" d’enfer : il n’est que de voir comme ces gens des médias ne cessent pas de se recevoir dans leurs émissions ou leurs journaux pour promouvoir leur dernière production. 
 
 
L’affaire Drucker-Beyala montre quelles méthodes pitoyables emploient certaines maisons d’édition au service non pas de la pensée mais du profit maximal. Sous la tyrannie des actionnaires, la star qui n’a rien à dire devient auteur d’un livre qu’elle signe mais n’a pas écrit. Un nègre le rédige à sa place. Pour gagner du temps, la tentation du plagiat est grande, ou encore l’enquêteur chargé d’interviewer la star ne se soucie même pas de savoir si c’est elle qui a répondu à ses questions écrites. Qu’à cela ne tienne ! Il existe un public d’imbéciles suffisamment nombreux et conditionnés pour se jeter sur ce genre de publications par réflexe d’identification aux stars : le pactole est assuré autant que le crétinisme. De quoi se plaint-on ? Surtout pas d’un système qui est en train de s’autodétruire ! Paul Villach 
 
(1) Jérôme Dupuis, « Trois exemples du plagiat de PPDA  », L’Express, 4 janvier 2011.
http://www.lexpress.fr/culture/livre/le-plagiat-de-ppda_949676.html
 
(2) 24 heures / AFP, 13.01.2011.
 
(3) Paul Villach,
- Interview par Anouck Merz, "Les stratégies du plagiaire et les risques pour l'édition" "Médialogues", émission d'Alain Maillard et de Martine Galland, Radio Suisse Romande, vendredi 14 janvier 2001, 9h50/10h.
http://www.rsr.ch/#/la-1ere/programmes/medialogues/
 
- « PPDA et son Hemingway : le dur métier de plagiaire-maquilleur  », AgoraVox, 6 janvier 2011.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ppda-et-son-hemingway-le-dur-86807
- « PPDA blanchi par son « nègre » ? L’interview qui tue !  » AgoraVox, 8 janvier 2011.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ppda-blanchi-par-son-negre-l-86889
 
(4) Wikipédia,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Calixthe_Beyala

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