Michel Rocard, de l’autogestion au Médef : « Patronat de tous les pays, unissez-vous ! »

par Serge ULESKI
lundi 4 juillet 2016

 L'ancien Premier ministre Michel Rocard est décédé samedi 2 juin 2016 à l'âge de 85 ans.

 

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"Patronat de tous les pays, unissez-vous !"

Michel Rocard, toute honte bue à l'invitation du Medef. C'était en 2010.

 

 

 Tenez-le-vous pour dit ! Après le PSU, l'auto-gestion à la yougoslave, le socialisme et son parti, la boucle bouclée avec François Hollande à l’Elysée, Michel Rocard y fait un nœud supplémentaire avec une conviction que l'on ne lui connaissait plus, tel un évangéliste sûr de son fait et de sa foi en déclarant en 2010 à l'Université du Medef qu'il faut remettre le monopole de l'interprétation du monde, de sa réalité et de sa conduite entre les mains du Patronat car, désormais, seuls les milieux d'affaires sont compétents en la matière : ICI

Dont acte.

 

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  Au crépuscule de ce qui fut une longue, et sans doute, beaucoup trop longue carrière, des années 50 à aujourd’hui... le plus pathétique dans cette prestation de Rocard face au Medef, c'est que les patrons présents ce jour-là ne lui en demandaient peut-être pas tant !

En effet, il se pourrait bien que tout ce beau petit monde ait attendu de lui un autre type d'analyse, sans doute dans la mémoire de ses engagements passés, à gauche puis au centre-gauche ; petit monde constitué de patrons et d’entreprises eux-mêmes malmenés par un système économique qui ne se reconnait ni honneur ni loyauté.

Aussi... confrontés à une telle débauche de soumission aussi obscène et avilissante qu’inutile, fruit d'un orgueil imbécile (vous êtes puissants, vous m'avez invité... j'en suis flatté ; je demeure votre obligé !) au soir d'une carrière politique bavarde et décevante tel un soufflet... si tôt levé, si tôt retombé, couché... qui aurait osé alors demander à Michel Rocard de se retirer et d'aller cultiver son jardin ? Fruits et légumes à volonté !

Pas grand monde, hélas !
 

 Courtisé par les journalistes d'une presse aux ordres de la finance et de l'économie - il fallait avoir interviewé Rocard au moins une fois dans sa vie -, Michel Rocard était leur chouchou à tous ; il faisait l'unanimité.

Son plus grand défaut, impardonnable pour un Rocard qui se disait à gauche et de gauche, c'est bien de n'avoir jamais déplu à qui que ce soit : les syndicats, les patrons, le "camp opposé" appréciaient sa compagnie ; tous ne s'y sont pas trompés : faut dire que Michel Rocard leur est très vite apparu comme un homme de consensus qui, comme de juste, a commencé sa carrière à gauche – anticolonialisme et pouvoir aux ouvriers ! -, et l'a finie au Medef, sûr de lui et tranquille en conseiller des Princes, petits et moyens, hexagonaux de surcroît.

 « Rocard », c’est plus qu'un homme, plus qu'un être humain tout compte fait et en comptant bien ; Michel Rocard, c'est un concept qui aura fait "flop" ou « pschitt » à la moindre validation : une eau gazeuse.

A Matignon, quatre années durant, à l'heure où le PS avait tourné casaque en remerciant Pierre Mauroy et en accueillant Fabius, Michel Rocard aura été sans imagination, recherchant sans cesse le consensus... mou en l'occurrence ; hors Matignon, il aura été bavard, et pour un peu, on se serait laissé prendre à rêver d'un grand soir réformateur, radical et futuriste.

Mais alors, que lui manquait-il à ce Rocard ? Sans doute le courage de déplaire contrairement à Mitterrand qui, tout en n'étant pas "un honnête homme", savait déplaire pour son seul profit hélas : sa longévité à l'Elysée.

C'est donc une France malchanceuse qui aura vu ces deux hommes s’affronter alors qu’ils occupaient l’un l’Elysée, l’autre Matignon, deux lieux de non-pouvoirs destinés à ceux dont le parcours politique doit tout à leur ennui ; cet ennui mortel dont il faut fuir les affres : en premier lieu, le sentiment d’inutilité.

 

 Initiateur de la "deuxième gauche" au congrès socialiste de Nantes en 1977, qui sonnera le glas de la première six ans avant son enterrement définitif en 1983, une gauche seulement à l'aise à droite, une gauche du renoncement et de l'adaptation à la loi du plus fort, le néo-libéralisme, Rocard aimait se payer de mots ; il n'en était pas avare, c'est sûr ! Sans doute a-t-il rêvé sa vie politique plus qu'il ne l'a vécue ; quant à l’action, Rocard accordait manifestement plus d'importance à la pensée, une pensée le plus souvent abstraite, sommaire ou générique, une non-pensée finalement qui n’encourage pas à l’action, de ces actions qui marquent un homme, une carrière, un parcours et toute une époque... peut-être même l'Histoire.

Rocard ne fera donc pas date.

 

 Canonisé par les médias... de son vivant, maintenant qu'il n'est plus de ce monde, a fortiori de notre monde qu'il avait quitté il y a longtemps déjà, des voix se sont élevées au PS ainsi qu'à la droite de l'échiquier politique : Michel Rocard mériterait une place au Panthéon.

Fichtre ! Est-ce que tous ces gens réalisent que Michel Rocard... c'est pas Jean Moulin non plus ? Un Jean Moulin mort sous la torture dans une cave de la gestapo de Lyon, alors que l'on peut être assurés que jamais Michel Rocard n'aurait donné sa vie pour la Gauche, la vraie, celle qui mérite une résistance acharnée contre les forces de la maximisation de l'exploitation humaine.

Pour sûr, le Panthéon devra l'attendre longtemps, longtemps encore !

 

 Gestionnaire scrupuleux qui connaissait bien ses dossiers, besogneux, chez lui, seuls la fonction, les diplômes importaient, et les honneurs ; éthique, travail bien fait et soif de reconnaissance ; Michel Rocard avait donc finalement tout d’un rond-de-cuir, honnête et serviable pantouflard à faux-semblant.

D'aucuns aujourd'hui voient tantôt Valls comme héritier légitime, tantôt Macron : une compagnie de CRS, le Medef et des salariés qui n’ont qu’un droit : s’estimer heureux d’avoir un emploi.

 Quand on vous dit qu’il y a bien quelque chose de pourri au PS.

 

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Pour prolonger, cliquez : Il faut que le PS meure pour qu'une alternative politique renaisse

 


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