Mise en garde aux collectionneurs de munitions & prospecteurs
par Desmaretz Gérard
lundi 25 juin 2018
Le 26 mai 2018, un collectionneur de munitions est décédé dans l'explosion d'un des quatre obus de 75 mm qu'il manipulait dans son garage à Damelevières (Meurthe et Moselle), achetés lors d'un vide-grenier. Certains lieux de notre territoire regorgent d'obus datant de la Première Guerre mondiale. Sur un milliard d’obus, bombes utilisés lors de la Guerre de 14-18, un quart est resté inexplosé ! La Première Guerre mondiale terminée, le « désobusage » (à ne pas confondre avec le débombage ni avec le déminage qui posent des problèmes différents, et encore moins avec les EEI qui ne respectent aucun « standard ») visait à débarrasser le sol et les champs de bataille d'obus inexplosés et des stocks d'obus pour rendre de nouveau les lieux sûrs à la circulation, à l'agriculture, ou à la construction.
« Au cours de ces trois guerres (1870-1871, 1914-1918, 1939-1945), toutes sortes de munitions ont été employées et de très nombreux engins de guerre, non explosés, subsistent encore. A l'époque, certaines munitions n'ont pas fonctionné, d'autres ont été abandonnées, cachées ou perdues. Encore de nos jours, ces engins représentent un risque de nature variable en fonction de leurs emplois d'origine et de leur état actuel. Les munitions de guerre se présentent sous la forme de cartouches, grenades, mortiers, roquettes, mines, obus, bombes d'avion, etc. De temps en temps, des engins de guerre reviennent à la surface sous l'effet de l'érosion naturelle ou sont retrouvés lors de travaux de terrassement. Parfois, on en découvre oubliés dans une cave, un grenier, une remise. En mauvais état apparent, dû à leur vieillissement, ces engins de guerre paraissent inoffensifs mais ils gardent toute leur dangerosité (service de déminage du haut-Rhin). »
« On désigne sous le nom de munitions tous les engins, y compris les pièces constitutives, contenant de la poudre ou des explosifs et destinés à la troupe ; les engins contenant des matières pyrotechniques ou chimiques destinés au combat ou à l'instruction ». Les obus sont classés d'après leur calibre. Selon son calibre, un obus (projectile lancé par une pièce d'artillerie) a une masse de quelques centaines de grammes jusqu'à une quinzaine de kilogrammes. Un obus de calibre moyen renferme une masse d'explosif d'environ 15 %.
Les projectiles peuvent comprendre : un dispositif de déclenchement (fusée) - une partie active (explosif et enveloppe) - une partie propulsive ( charge propulsive, propulseur) - un dispositif d'allumage (amorce, vis porte-feu) - dispositif de guidage (stabilisation par rotation, ailettes). Les fusées sont réparties selon leur système de fonctionnement : à percussion - à pression - à temps - à combustion - à traction. Chaque groupe principal de munitions est caractérisé par une couleur distinctive (gris, noir, bleu, vert, brun, jaune) et un numéro indicatif. Cette particularité informative, peut ne pas avoir résisté au temps..., et seules une ou deux croix frappées à froid sur la collerette de la fusée, visibles sur certains types d'obus, indiquent qu'il s'agit de gaz !
Si le désobusage (neutralisation) est « simple »..., il n'est jamais exempt de risques ; deux clefs à chaînes suffisent, l'une pour enserrer la fusée, l’autre le corps de la munition, et ensuite exercer deux couples de sens contraire. Si l’obus est trop rouillé, un tournevis ou un grattoir est utilisé pour ôter le maximum d’écailles avant d’injecter du dégrippant et le laisser agir quelques instants. La fusée séparée, il faut dévisser le cylindre contenant l’explosif primaire, une substance très sensible ! Attention ! il s’agit d’obus (celui-ci se distingue principalement d’une bombe par le dispositif d’allumage et de guidage) entreposés et non de ratés. « Les ratés sont des munitions ou des parties de munitions qui, après le départ du coup, le jet, ou le déclenchement du dispositif de propulsion, n'ont pas régulièrement fonctionné, quelles qu'en soient les raisons du non-fonctionnement. Les ratés sont éminemment dangereux. Un simple contact peut déclencher la mise à feu, mêmes après plusieurs années ». Les ratés sont généralement détruits par pétardement (pose d'une charge au contact du corps de la munition). Si les munitions peuvent être déplacées, elle sont placées dans un fourneau protégé par un tertre ou merlon de terre.
Si les artilleurs français vissaient les fusées d'ogives à la main en exerçant un serrage modéré, il n'en allait pas de même pour les obus étrangers ! Séparer la fusée d’une munition est susceptible d’en entraîner l’éclatement, ainsi que celles des munitions situées à proximité (effet d'influence ou détonation par sympathie). En présence d’humidité, des vapeurs d’azoture instables peuvent avoir migré dans le filetage (exsudation) ! L'explosion de l'explosif contenu dans l'obus en fragmente le corps (acier ou fonte) en éclats irréguliers de dimensions très diverses et aux arêtes aiguës. Lors de l'explosion d'un obus posé sur un établi, les éclats sont projetés perpendiculairement à la surface du projectile. La vitesse des éclats peut avoisiner les 1000 m/s, vitesse qui diminue cependant rapidement par suite de leur forme peu aérodynamique. L'énergie nécessaire à un éclat pour avoir une efficacité mortelle se situe aux environs de 10 Kgm (unité qui n'est plus guère utilisée, qui correspond à l'élévation d'une charge de 10 kg d'un mètre en une seconde, et qui figure dans les manuels). A une distance de 50 mètres du point d'éclatement, l'éclat d'un obus de 75 a encore une énergie suffisante pour avoir une efficacité mortelle, ce qui explique que les artificiers dépêchés sur place aient fait procéder à l'évacuation d'une quarantaine de maisons d'habitation situées dans un rayon de 100 mètres.
On retrouve des munitions dans certains plans d'eau jouxtant une route. De nombreuses armées (ennemies et alliées) se sont débarrassées de leurs stocks d'obus et de grenades en les jetant dans des étangs..., que des pêcheurs d'un genre spécial récupèrent à l'aide d'un aimant attaché à une ligne ! Si la goupille corrodée cède, la grenade vous saute à la g… ! Méfiance, s'il s'agit d'une munition ceinte de bandes de couleur, pas touche ! Il peut s’agir d’une munition chimique. Vous êtes confiant dans le code des couleurs utilisées pour identifier la nature de la « mun ». Gare ! certaines munitions piégées ont reçu un faux marquage pour tromper le service du déminage adverse.
Entre 1945 et 2000, les services de la sécurité civile ont découvert 660.000 bombes, 13 millions de mines et 24 millions d’obus ! Chaque année, ce sont plus de 600 tonnes d’explosifs et de munitions qui sont découvertes, dont une vingtaine d’obus chimiques ! Collectionneurs, prospecteurs ou amateurs de champignons, votre passion vaut-elle de risquer la vie de vos proches ? En cas de découverte d'une munition (obus ou bombe) inexplosée, mieux vaut prévenir les autorités (notez soigneusement l'endroit et l'aspect) qui s'assureront de leur état (dangerosité) et de leur neutralisation. Ne jamais surestimer ses connaissances..., entre les munitions : allemandes - américaines - anglaises - françaises - italiennes, ce qui représente plus de 600 modèles qui ont été en service, une confusion reste toujours possible. Il faut identifier le type de fusée, apprécier l'état de l'engin, estimer le risque et prendre les mesures de sécurité qui s'imposent avant d'en entreprendre la neutralisation. C'est un travail de professionnels et de passionnés.
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