Mouammar Kadhafi met la Suisse dans tous ses états

par Allain Jules
lundi 14 juin 2010

La libération jeudi en Libye de Max Göldi, s’est poursuivie avec son arrivée à Zurich, tôt ce matin. Il était accompagné à sa descente d’avion, de la Conseillère fédérale chargée des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey. Malgré l’issue favorable, la Suisse est en émoi. Derrière les joies de ses proches, se cachent une amertume à peine voilée des autorités, de la presse et du commun des mortels. L’otage comme le nomme la presse est soulagé mais, sa libération laisse un goût amer.

Mouammar Khadafi, autoproclamé roi des rois d’Afrique, est-il finalement devenu roi des rois du Monde ? Sa colère, après l’arrestation musclée de son fils Hannibal en 2008 chez les helvètes, avait vu la Suisse traitée comme le dernier pays au Monde. C’est vrai que d’un autre côté, en brutalisant le fils d’un chef d’Etat étranger, sans toutefois pardonner ses forfaits, et qui pouvait être arrêté avec certains égards, le procédé a tourné au fiasco judiciaire, économique et diplomatique pour la Suisse. C’est une grande première de voir un pays africain faire plier une nation européenne...
 
Derrière les bourdes de la presse suisse, avec notamment la publication par la Tribune de Genève du fac-similé des photos d’identité judiciaire d’Hannibal Khadafi, le leader libyen, furax, avait fait savoir qu’il agira avec la dernière énergie, surtout que les tribunaux exigeaient que ces dernières soient rapidement retirées. Mais, où le bât blesse, c’est le déploiement diplomatique vu ce week-end en Libye. De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu autant de personnalités pour un accord signé sous la tente du père du livre vert. 
 
Max Göldi, s’est retrouvé dans un jeu diplomatique qui le dépasse. Sorti de sa prison libyenne depuis jeudi, après avoir purgé une peine de quatre mois pour « séjour illégal », son retour laisse pantois tous les observateurs, aucunement habitués à voir ça. Un « plan d’action » mis en place par l’Espagne, l’Allemagne puis la Suisse, a vu l’intrusion inopinée de Silvio Berlusconi, président du Conseil italien, et grand adorateur du leader libyen alors que tout ou presque était fait pour Max Göldi.
 
Tripoli a vu tour à tour, l’arrivée de Micheline Calmy-Rey, du chef de la diplomatie espagnol Miguel Angel Moratinos, tous deux reçus sur le tarmac de l’aéroport de Tripoli par le vice-ministre libyen aux Affaires étrangères, Khaled Kaïm (même pas le ministre Moussa Koussa), et de Silvio Berlusconi. Le bédouin le plus célèbre au monde qui plante sa tente partout, a donc démontré qu’il fallait compter sur lui. La semaine dernière déjà, il avait accusé la FIFA (Fédération internationale du football association), qui ne va que vers les pays riches pour organiser la Coupe du Monde, en disant qu’elle était "une mafia mondiale et une organisation corrompue" !Faut-il rappeler que la Libye était candidate pour l’organisation du Mondial 2010, remporté par l’Afrique du Sud ?
 
Derrière cet imbroglio diplomatique, la Libye semble gagner au change, mais la Suisse aussi. La publication des photos d’identité judiciaire du fils Kadhafi aurait été indemnisée à hauteur de 1,5 millions d’euros. A part cette humiliation, la Suisse a présenté benoîtement ses excuses selon Tripoli qui attend les résultats de l’enquête pénale, pour la publication illégale de ces photos d’Hannibal Kadhafi dans la Tribune de Genève et ultime châtiment, le gouvernement genevois « déplore la publication de ces photos et reconnaît sa responsabilité » selon la formule consacrée.
 
La Suisse espère enfin que Swiss, sa compagnie aérienne suspendue de vol en terre libyenne, reprendra son trafic aérien vers la Grande Jamahiriya arabe libyenne. C’est un espoir non voilée. Dans le même ordre d’idée, plusieurs entreprises suisses espèrent ne pas attendre très longtemps, la fin de l’enquête du tribunal arbitral, avant de reprendre leurs activités juteuses vers la Libye. La Libye et son "Guide" suprême, Mouammar Kadhafi, sortent grands triomphateurs, avec notamment les concessions voulues : tribunal arbitral, excuses, promesse de dédommagement, tous contenus dans l’accord signé hier par Micheline Calmy-Rey. 
 
Il faut néanmoins saluer la transparence des autorités suisses sur ce domaine, malgré l’humiliation. Que dire de cette diplomatie de pacotille menée par la France dans les dossiers Clotilde Reis, Florence Cassez ou les zozos de l’Arche de Zoé ? A l’image d’un citoyen français abandonné en Israël, en l’occurrence Salah Hamouri, la Suisse au moins ne laisse pas ses ressortissants, puisque l’autre Suisse emprisonné en Libye, Rachid Hamdani, avait été libéré en catimini en février dernier.
 
>>> Allain Jules
 
>>> Sur le Net : j’étais invité, le 11 juin dernier, sur la Radio Suisse Romande
 
 

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