Nabilla, héroïne orwellienne

par Jean-Paul Foscarvel
jeudi 18 juillet 2013

Nabilla, la labile inhabile, siliconée sous cellophane, n'est-elle pas le symbole ultime de notre monde déstructuré, dévalorisé, et finalement un des vecteurs de cette même déstructuration ?

"La bêtise, c'est l'intelligence" .

"la vulgarité, c'est l'élégance".

Voici notre monde contemporain.

Obama pourrait ajouter : "la surveillance, c'est la liberté".

Comment ne pas y voir un rapprochement, entre Snowden, le juste, le connaissant, le porteur de vérité, traqué universellement ; et Nabilla, l'inculte, l'ignare, la fabriquée, portée aux nues par les médias eux-mêmes ?

Car ce sont les mêmes qui abhorrent Snowden et adorent Nabilla.

Nul n'est innocent, et l'égérie douteuse du monde médiatique n'en est que plus coupable, par son ignorance même. Elle représente le point nodal où la démocratie se transforme en mascarade, mais où ceux qui sont élus ne font plus rire à force de nous enfoncer dans le marécage. Comme un accident mathématique, elle est le moment de rupture du monde civilisé qu'elle ferme.

Puisque tout est permis, plus rien n'est possible.

Le talent devient inutile, la culture un boulet que l'on traîne péniblement jusqu'à la mort, la connaissance un défaut désapprouvé par tous que l'on doit cacher au plus profond de soi au risque de se voir exclu définitivement de la scène sociale, l'altruisme une malédiction, l'authenticité un vice de conception.

Par contre, l'ignorance, la bêtise, l'inculture, deviennent des atouts maîtres qui porteront leurs fruits dans un monde qui ne se sait.

Et les hommes politiques pourraient ajouter "l'escroquerie, c'est la probité".

De Tapie à Cahuzac en passant par Rajoy en Espagne et Berlusconi ou Schettino en Italie, les mensonges les plus abracadabrants deviennent vérités intangibles. De tous ces noms, il est d'ailleurs à noter que le seul à ne pas sortir vainqueur de tous les naufrages est le capitaine, le seul à ne pas être voué à la politique, profession du mensonge permanent.

"Le mensonge, c'est la vérité".

C'est ce slogan sous-jacent que nous assènent à longueur d'antenne les médias, afin de nous faire oublier de réfléchir, afin que nous ne sachions plus déterminer le discours du réel, notre intérêt profond de celui qui nous est présenté comme souhaitable, nos désirs de leurs désirs de nous faire désirer leurs chimères.

"La laideur, c'est la beauté".

Un monde sans amour ni rêve, n'est-ce pas ce qu'ils voudraient nous vendre à prix d'or ? Un monde où "le bruit, c'est la musique", où l'élévation se prend les pieds dans le caniveau, où nos sens, nos yeux, nos oreilles, notre pensée, sont limités par le pragmatique d'un réel de pacotille, purement commercial, sans qu'une altérité transcendante ne nous touche au plus profond ?

Des films, des bandes sons, des images, uniquement portés vers l'immédiat, le corps reptilien, et non vers l'imagination, la pureté d'une harmonie au coin des oreilles, l'éblouissement des yeux, la surprise des sens. Car dans tout ce qui nous est offert par la médiature, il n'y a rien, que la répétition du même, et un vide sidéral.

Et nous serions tenté de répliquer : "la négation, c'est l'affirmation".

Car s'affirmer, être indépendant, être libre, c'est refuser de se faire enfermer dans un carcan d'où toute pensée est abolie.

Mais ce serait renouveler d'un "double bind" où celui qui est soumis à l'injonction ne peut que vaciller d'un pôle à l'autre sans trouver de repos.

Non, plutôt qu'un slogan fermé sur lui-même, nous pouvons échapper par le haut, l'imaginaire, la recherche éperdue de l'inaccessible, la quête de ce que nous savons ne jamais pouvoir trouver, tout en ne cessant d'y tendre.

Amour, joie et beauté, par delà les vicissitudes d'une vie que d'aucun voudraient nous rendre plus difficile.

Comme un film de Tarkovski qui nous élèverait vers le sublime.

 


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