Nicolas Sarkozy ou l’archaïsme d’une gouvernance

par Neptune
lundi 25 octobre 2010

Ca y est, jusqu’au bout, le gouvernement n’aura pas fléchi : la réforme des retraites a été adoptée par le sénat hier soir. Elle sera entérinée par le parlement mercredi.
 

Après un mois et demi de bras de fer entre des millions de manifestants et le gouvernement, après un mouvement social allant croissant et bloquant une partie de la France, Sarkozy impose de force sa réforme des retraites.

De force car, comme il l’avait répété lui même il y a deux ans, les francais n’avaient pas élu Sarkozy pour cela. Il n’était pas mandaté pour cela. Il y a encore deux ans, il répétait qu’il ne toucherait pas à la retraite à soixante ans, quitte pour cela à déplaire à Laurence Parisot et au Medef... ce dernier, comme l’a dénoncé souvent Ségolène Royal, est resté étrangement silencieux pendant toute cette agitation...
Nul doute, dans ce quinquennat si décevant où la côte de popularité de Sarkozy s’effondre de mois en mois malgré toutes ses gesticulations, nul doute, oui, que sarkozy veut faire de cette réforme des retraites l’étendard de son quinquennat. Mais aussi garder dans son giron toutes les entreprises du Cac40, tout un milieu d’affaires qui l’a appuyé, qui a porté sa candidature et son succès et qui entendent bien être servis à leur tour...

De nombreuses publicités, en plein débat, ont commencé à germer pour des assurances privées de retraites, sans aucune décence. J’ajoute là une interview de Ségolène Royal que j’ai trouvée particulièrement choquante, tant la réaction des journalistes y est illégitime...
 


Mais au delà des conflits d’intérêt, ce qui semble le plus choquant est l’archaisme avec lequel la France, 5ème puissance mondiale, est gouverné. C’est affligeant...
Quelle démocratie moderne pratique encore ce type de gouvernance... ?
 
Un pays comme le nôtre devrait avoir honte de l’archaïsme de son dialogue social. Les pays nordiques sont depuis longtemps dans une logique de dialogue avec les partenaires sociaux. L’état, les entreprises, les syndicats - Tous les travailleurs, quasiment, y sont syndiqués et donc représentés dans leur quasi totalité par les syndicats au niveau national...ce qui leur évite de descendre dans la rue mais en France, seul le service public, quasiment, est syndiqué-. Ces trois "instances", donc, débattent entre elles, privilégient intelligemment la discussion, la négociation et trouvent un consensus national. La suède a mis 10 ans de discussions pour faire une réforme des retraites. Mais elle est viable, à long terme, et surtout, surtout, consentie par tous...sans conflit. Ce n’est plus depuis longtemps, comme en France, une logique d’ affrontement entre gouvernement et peuple, de gens qui sont obligés d’aller dans la rue, de bloquer le pays pour se faire entendre. On devrait en avoir honte, vraiment...Tant des casseurs qui trouvent là prétexte à violence que du gouvernement qui fait mine de ne pas voir les millions de gens non violents qui manifestent...
 
Ségolène Royal, et c’était pour moi sa différence essentielle par rapport à tous les autres candidats, croit depuis longtemps qu’une telle approche du pouvoir et de la gouvernance ne fonctionnent plus. Elle a répété souvent pendant sa présidentielle - et on le lui a reproché- qu’elle " mettrait autour de la table les partenaires sociaux" pour tel ou tel problème.
 
Bêtement, beaucoup ont préféré dire qu’elle n’avait rien à dire. Rien n’est plus faux et surtout, c’était une manière intelligente de raisonner, de ne pas s’attribuer une "omnipotence" sous prétexte qu’on est chef d’état... C’est la grande faiblesse de Nicolas sarkozy. Un président de la république doit avant tout être soucieux de rassembler tous les français, autant que faire se peut.
 
On ne vote pas une réforme comme celle ci, qui touche tout le monde, qui touche au bien commun des français - leurs retraites- avec 7 français sur 10 qui soutiennent les millions de gens dans la rue. La mobilisation, bien sûr, a été une surprise. Et les disputes de chiffres ont été aussi dérisoires que puériles : le mouvement social, sous fond de l’affaire Woerth- Bettencourt qui a exacerbé la révolte des gens, a été suivi et déterminé. Il l’est toujours. Le gouvernement a pensé que le mouvement s’essoufflerait et cela n’a pas été le cas, au contraire même. Des manifestations sont prévues le 28 octobre et le 6 novembre et la grogne des gens n’est pas altérée. Ce matin, 1 tiers des pompes à carburant sont vides dans l’ IDF et l’ouest de la France. un grand nombre de PME sont obligées de ralentir voire d’arrêter leur activité, alors que, fait éloquent, beaucoup soutiennent néanmoins le mouvement - 63% "encore ce matin, comprendraient une poursuite du mouvement, selon l’ IFOP-.
 
Ce matin, aussi, un sondage que nous livre le parisien " 48% des français ne seront pas influencés par l’adoption de la réforme des retraites pour l’élection présidentielle en 2012"...
 
même pas la moitié des français...C’est dire l’importance pour les gens que revêt cette réforme ?
 
Dans le fond, il y a un déficit de "méthode". Les gens sont surtout exaspérés d’être baladés comme ils le sont. Une fois qu’ils ont voté, ils n’ont plus le droit à la parole. La présidence Sarkozy a été émaillée de cela ; dès le début, Les blocages en Guadeloupe pendant plus de deux mois, ont souligné cette absence de communication, cette surdité avec les citoyens. Il a fallu, et au prix de quelle résistance !, que l’île soit complètement bloquée pour que le gouvernement daigne écouter les populations locales...Jamais on n’aurait laissé une province de métropole ainsi, bloquée pendant 2 mois comme l’a été la Guadeloupe. L’exemple de La tempête Xynthia a bien montré aussi - surtout depuis que le zonage a été réévalué, à la demande insistante des maires, des associations et de Ségolène Royal- une brutalité dans le dialogue avec les français. Et on ne compte plus les corps de métiers qui ont manifesté depuis Sarkozy : chercheurs, profs, juges, policiers...la liste est longue.
 
Barack Obama a réussi à faire adopter sa grande réforme - ambitieuse et courageuse- sur la santé, en s’appuyant sur l’élan populaire. Ce qu’il fait, n’en déplaise à certains, c’est de la démocratie participative. En d’autres termes, puisque celui ci est mis à caution, il s’appuie sur les américains pour gouverner. banal, à priori ? Ca devrait l’être, oui... Lula, au brésil, a fait pareil. Il a associé les brésiliens à toutes les questions, sondé leur préoccupations, notamment sur la sécurité. Il a gouverné en écoutant les gens, et de manière responsable. Le brésil ne s’est jamais aussi bien porté. Ce qu’a fait du Brésil ce monsieur, ouvrier au départ, est assez spectaculaire. 
 
On ne gouverne plus contre les peuples.
 
Royal prône depuis longtemps le référendum d’initiative populaire - qu’elle aurait bien appliqué pour faire un référendum sur les retraites-, les jurys populaires - que l’UMP est en train de lui piquer alors qu’ à droite, tout le monde trouvait cela dangereux en 2007... alors que ca existe dans d’autres pays, ce n’est pas Royal qui l’a inventé. Elle s’est inspirée de l’exemple de Berlin qui est sans doute la capitale européenne la plus créative-, etc.
 
Il ne fait aucun doute, dans mon esprit de gauche, qu’une plus grande place faite à la culture du dialogue, à l’écoute, à une pédagogie sans relâche aussi, rendraient certaines clés à notre démocratie bien malade. On ne peut faire la chasse à l’incivisme sans s’appliquer à soi-même, au sommet, des règles morales dignes de la fonction qu’on occupe.
 
J’entendais l’autre jour au JT un ouvrier qui travaillait dans les raffineries et qui disait " Sarkozy veut pas bouger d’un pouce ? très bien, nous ne bougerons pas d’un pouce non plus".
 
On peut bien critiquer le coté maternel de Ségolène Royal...Là, on a bien la preuve du type de réaction que provoque Sarkozy chez les français...la force, toujours la force du chef... Quelle efficacité, hein ?
 
En 2012, quel que soit celui ou celle qu’ils choisiront, je souhaite vraiment que les français, à gauche comme à droite, remettent en avant la priorité à la démocratie, qu’ils mettent leurs préjugés, leur influencabilité dans leur poche, qu’ils soient capables d’écouter les discours pour ce qu’ils sont et pas pour ce qu’ on donne à penser d’eux.
 
Mais retrouver de la dignité, y compris au plan international, nous ferait grand bien...La France est tirée vers le bas.
 
 

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