Nicolas Sarkozy s’explique... par anticipation

par Le bateleur
lundi 3 mars 2008

Désespérément, les journalistes de tous bords tentent (de trouver et) de donner un sens aux actions de Nicolas Sarkozy pour les inclure à un projet jugé comme destructeur pour la majorité des gens de gauche et comme réformateur pour ceux qui restent favorables à celui qu’ils ont élu.

A ce jour, aucun n’y est parvenu. Raison pour laquelle certains ont donné a ce qui est perçu comme incohérence absolue, un nom du domaine de la pathologie (Voir Mariane, ou Courrier International) .

Pourtant, la cohérence existe et c’est l’intéressé lui-même qui nous en donne les clés.

Nous sommes en 2005, au cours d’un entretien avec un bloggeur* .

Dépourvu des qualités nécessaires à ce rôle, sans suffisamment de consistance pour lui proposer de quoi jouer son jeu habituel (le contre, uniquement praticable si l’adversaire envoie des balles appuyées) Nicolas Sarkozy se laisse un peu aller et finit par donner les clés qui semblent manquer à tous ceux qui s’efforcent de trouver de la cohérence à ses gestes désordonnés réels, ou virtuels.

Il suffit de l’écouter, tout est clair.

On comprend en particulier que ce qui motive l’action du président que se sont choisis les Français, c’est l’Action elle-même.

Faire, prendre des décisions, voilà tout ce qui fonde, d’après N.S. lui-même, son agir au jour le jour.


Mais laissons le parler :

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NS : Tu sais, moi je ne me suis jamais posé la question de savoir si je devais faire de la politique puisque cela a toujours été naturel chez moi. J’ai voulu faire ce que je fais. Je ne t’explique pas que suis là par hasard. Je n’ai hérité de personne. Je ne suis pas né dans une famille où qui que ce soit faisait de la politique. Tout ce que j’ai, je l’ai construit par mon travail. J’ai choisi de faire de la politique et j’ai assumé ce choix. J‘ai payé cher pour le faire, mais voilà, aujourd’hui, je suis heureux de faire ce qui a été le rêve de mon adolescence. Parce que tu sais, la vie qu’est-ce que c’est ? On rêve dans l’adolescence, et on passe sa vie d’adulte à essayer de ressembler à celui qu’on rêvait. Le monde d’adulte, il rêve moins. Tes rêves, tu les arrêtes en sortant de l’adolescence. Et à ce moment-là, il ne faut plus rêver, il faut faire. L’adolescent rêve, l’adulte fait. Et le but de la vie, c’est une adéquation entre ce que rêvait l’adolescent et ce que fait l’adulte.

LLM : Alors quel est ce rêve, justement ? C’est, je n’imagine pas, un rêve de pouvoir ? C’est plus un rêve d’être au service de la France ?

(Note : N.S. ne prend même pas la perche que lui tend LLM.
il est en train de dialoguer avec lui-même.)

NS : Mais tu sais, le pouvoir, c’est quelque chose qui m’a toujours intéressé. J’aime faire ! Je dirai que j’aime plus faire, réaliser, changer, bousculer, réformer, que durer.
La phrase que j’aime le moins c’est : « J’ai le temps. » Parce que je pense que le temps est une denrée si rare que c’est très prétentieux de dire : « J’ai le temps. » Tu n’en sais rien, ça peut s’arrêter demain.
Donc moi, je crois que chaque minute doit être utilisée, et on doit faire quelque chose. J’aime faire  !

LLM : Mais vers ce rêve ?

NS : J’aime faire  ! Alors après, cela s’exprime dans la politique, je veux transformer la France... mais j’aime faire  ! Au fond, il y a des gens qui font, qui sont faits pour « faire  », et moi, c’est ce que je veux faire.

LLM : Donc, à la fin de ta carrière, c’est d’avoir « fait » qui sera probablement le plus important ?

NS : Ma carrière, je ne sais pas, moi. Ce qui me plaît, c’est, tous les jours, de devoir prendre des décisions, de réaliser des choses....



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Oui, c’est un peu décevant, et l’on n’en voudra pas aux journalistes, chaque jour, de tenter désespérément de trouver d’autres motifs à ces propositions, réalisations, ces prises de décisions, cet agir qui s’exprime en tous sens.

Un bon manager aurait ici une attitude pragmatique et s’appuierait sur ce « potentiel d’action » (lié à un pouvoir de persuasion réel).
Il profiterait de la puissance de l’outil et lui adjoindrait ce qui lui fait défaut, à savoir un pilote.

Mais n’est-ce pas précisément ce qui se dessine avec l’évolution du tandem présidentiel dans lequel progressivement le conducteur (Fillon) se retrouve positionné à sa place, ainsi que le moteur (Sarkozy), lui-même peu à peu régulé par des mécanismes se mettant spontanément en place (pression populaire, expression de l’opposition mais aussi et surtout régulation du parti dont Nicolas Sarkozy entendait demeurer le président virtuel)
le tout, enfin, au service de la France ?

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* Loic Le Meur


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