Niqab : L’os et la substantifique moelle

par Michel Koutouzis
jeudi 20 mai 2010

Un referendum pour la burqa ? Il y a un proverbe en Grèce, encore un : le monde s’écroule et le con se rase. Prévert disait : Quand vous citez un texte con, n’oubliez pas le contexte. Or, ce qui converge au sein de cette histoire de faux culs, c’est bien la géographie du corps et son approche anthropologique. Que l’on habite Paris ou Islamabad on n’est pas moins attiré par le corps féminin (si on est un homme) et vice versa (si on ne l’est pas). Tant que l’on ne voudra pas pénétrer cette réalité existentielle, on ne pourra pas, non plus, dévoiler l’armature sociétale ancestrale et commune qui vise à rendre (partout) le corps invisible. Il n’y a pas que les voies du seigneur qui sont impénétrables. La ville ou le désert, le vallon ou le port, l’autoroute ou la sente sculptent, avec le temps et les chemins idéologiques, le concept lui - même de l’inexistence de l’évidence du corps. Con et seins, cuisses et fesses, hanches et épaules sont effacés par le voile du trop ou pas assez vu. A chacun sa manière d’embastiller le corps, de discourir sur la dignité ou le respect des profondeurs féminines, à nier sexe et désir.
 
Restent les yeux. Œdipe déclare qu’ils ne suffisent pas à voir les choses et, dépité, s’aveugle pour mieux sentir la réalité. Le mythe moderne de Matrix ne dit pas autre chose : hélas, nous pouvons désormais réussir là ou l’Inquisition a échoué et proposer une réalité d’opulence et de certitudes à la place des ruines qui nous entourent. C’est là qu’intervient la géographie de l’œil et les contradictions environnementales. Il y aura toujours un regard pour habiller un corps nu afin de le rendre désirable ici, et là, un œil lubrique, malicieux et imaginatif pour dévoiler un corps nié par le voile. D’ores et déjà, et c’est sans doute le sens de mon obstination de parler de la burqa, à Paris, le chemin visant à nier l’évidence par le voile mène à une impasse. Si ce voile avait comme but de rendre la femme invisible à force d’être semblable et cachée, et bien, c’est raté. On ne voit que le niqab. Même si il est rare, exceptionnel, marginal. A Paris, pour rendre une femme invisible, mieux vaux la déshabiller. Mieux encore : l’œil occidental blasé de rondeurs exhibées commence à fantasmer sur le possible unique qui s’y cache. Encore quelques remarques du ministre de l’intérieur (et des cultes) et le désir remplacera l’anxiété. Que les barbus s’en méfient : à force de vélums, leurs meufs, on les mate. A Riad, les femmes occidentales faussement voilées par des règles et des lois de l’inquisition musulmane connaissent (par ce qu’elles n’en pensent pas moins) le même sort. Elles sont, en tant que telles, désirables et fantasmées, mouches dans un ver de lait au lieu de se fondre dans la foule anonyme. La femme est partout, et quoi que l’on fasse, désirable et insurrectionnelle. Prenez donc un jour la ligne Téhéran - Londres. Une fois l’espace aérien iranien derrière, les tchadors, l’un après l’autre, disparaissent dans une mue qui vaut son pesant de rimmel. Sous le tchador, la plage, les attraits les plus criards de West Ham, les fripes les plus folles de Piccadilly Circus.

Pierre Gentelle, dans les lettres de Cassandre, disait en 2006 : « le corps humain est un objet de plaisir pour chaque humain et le plaisir sexuel envahit le corps dans son entier, sans rester cantonné au sexe lui-même. La pulsion sexuelle est constitutive de l’identité : personne n’y échappe, moralistes et adversaires du sexe inclus ». Ces derniers devraient lire Ilya Prigogine : en voulant cacher l’évidence ils ne font qu’ajouter attributs et jeux à nos désirs. Ils créent de l’exceptionnel là où ils croient produire de la banalité et de l’uniformité.

Pour revenir, plus politiquement, aux faux culs : Allez donc dire aux banlieues en insurrection de sens, qu’une loi anticonstitutionnelle sera votée par ce que les députés n’iront pas demander sa conformité, de peur d’être sanctionnés sur le fond (Conseil Constitutionnel) et sur les faits (bulletin de vote). Si je comprends bien, pour vivre malheureux et enchaînés, vivons cachés…

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