Nobel ou cimetière ? D’abord sortir la science de l’impasse au 21ème siècle

par Bernard Dugué
vendredi 26 avril 2013

J’ai vécu l’impasse du système et j’ai cherché à sortir de l’impasse (voir précédemment). Maintenant, je m’interroge sur la possibilité de sortir la science de l’impasse où elle se situe. C’est donc le troisième volet et certainement le plus intéressant car l’ouverture des chemins et des voies est l’essence même du séjour de l’homme en société sur cette terre de civilisations.

En vérité, au stade précoce de ce cheminement au début des années 1990, je ne savais pas qu’il était question d’impasse mais maintenant que ma chouette de Minerve peut décoller, je vois les événements avec une acuité certaine. Déjà, en 1996, la situation s’était éclaircie après la soutenance de ma thèse de philo. Le milieu de la décennie 1990 a été un moment de flottement. A la fois dans les sciences et dans la philosophie sans compter la mélancolie idéologique post-communiste qui hanta les esprits. Les cafés philo ont échoué à donner du sens aux citoyens, dévoilant surtout le désarroi généralisé. Mais dieux merci, il s’est produit quelques ouvertures scientifiques très localisées. Neurones miroirs, décohérence, mécanique quantique du trou noir, principe holographique et je pense, les innovations contenues dans ma thèse mais qui sont restées inconnues parce qu’elles étaient trop en avance ; hors cadre conventionnel et en dehors des préoccupations du monde voué à la frénésie du pouvoir et de l’action. Un monde qui se produit en dévorant quelques uns de ses parties. Tout se transforme. La science devient un instrument au service des pouvoirs et des masses (mais a-t-elle été autre chose par le passé ?). La science reste au niveau où la maintiennent le pouvoir et les masses. Satisfaire les ambitions politiques et les désirs individuels. Il ne faut pas s’étonner des difficultés rencontrées par les authentiques chercheurs, les rares rescapés de ce système qui laisse périr les décalés, les marginaux et les génies. Parmi lesquels figure un grand penseur de cette époque largement ignoré en France ; Ken Wilber.

Le milieu des années 1990. C’est cette période que je retiens pour dater l’amorce d’un grand changement paradigmatique qui devrait bouleverser toutes les sciences, de la physique à l’esprit. En affectant surtout la biologie. Près de vingt ans après, il faut bien reconnaître que le nouveau paradigme en est encore au stade des fondations. Quelques pierres ont été façonnées mais pas de quoi laisser transparaître cette nouvelle cathédrale de la connaissance. En 2010, le philosophe des sciences Gennaro Auletta a laissé entendre que nous serions à peu près à mi-chemin du parcours conduisant vers un paradigme achevé ou du moins assez clair dans ses grandes lignes pour devenir un sujet de discussion puis éventuellement gagner les esprits et faire l’objet d’un consensus élargi. On peut penser que les savants qui réfléchissent traînent mais il faut aussi faire remarquer que le paradigme actuel fait l’objet d’un large consensus et surtout, qu’il sert de cadre formel pour élaborer des tests et réaliser des expériences permettant de publier et s’il y a lieu, de développer des applications censée être efficaces, tout particulièrement dans la sphère de la santé ainsi que des techniques agronomiques. Prenons la mécanique quantique. Quelques esprits curieux tentent de la déchiffrer et de comprendre ce qu’elle veut nous dire alors que la très grande majorité des physiciens apprécient son formalisme car il est efficace pour décrire et décoder les expériences microphysiques. Tout comme le paradigme mécaniste est très utile pour faire des statistiques et mesurer des corrélations en biologie et médecine. Autant dire qu’il faudra « mettre le paquet » pour faire du nouveau paradigme un sujet de débats scientifiques. Et surtout trouver quelques financements pour donner les moyens légitimes aux aventuriers de la science nouvelle du 21ème siècle.

Un tableau de nos sociétés se dessine à travers le cours de la science et du système productif. Cette mondialisation tant appréciée des uns et décriée par les observateurs critiques a pour principe la frénésie productiviste (symbolisée par la figure de la tête sur le guidon). Si bien que le marché et les Etats méconnaissent la nature de l’homme sauf la partie qui les intéresse car elle représente une ressource pour le système. Alors que la science ignore l’essence même de la vie, ses fondements cachés. Cette science qui sait très bien utiliser la nature sans en saisir l’essence. Peu importe la réalité se dit l’homme technicien du 21ème siècle, il suffit d’en faire son terrain de jeu et d’expérience. Face à ce système qui ensorcelle autant les puissants que les masses, le philosophe proche de la réalité continue à chercher la vérité mais il n’est pas entendu ni soutenu, sauf par quelques initiés. A l’ère consumériste, les puissants cherchent le pouvoir et le profit et les masses cherchent le confort, la sécurité et la satisfaction de leurs désirs. Voilà ce que je peux conclure de mon court passage en cette époque de doutes et d’égarements. Je sais par expérience que les puissants n’ont rien à cirer de la connaissance ni de l’éthique. Gagner au jeu du pouvoir est leur seul souci ; accompagné de plaisir et profit. Cela dit, j’aimerais aussi gagner la partie mais dans une priorité éthique authentique. Gagner pour faire émerger la connaissance et non pas satisfaire son ego. La joie doit aussi accompagner le chemin du philosophe. Spinoza et Nietzsche ne diraient pas le contraire.

Et ce nouveau paradigme, a quoi ressemblera-t-il ? Je donne juste quelques pistes et indications. Une nouvelle manière de considérer l’information permettra de comprendre les processus du vivant à partir d’une organisation cognitive des molécules, puis des cellules. Même chose au niveau de l’univers avec la nature holographique de l’information, les effets quantiques systémiques liés à l’intrication et la cohérence. En vérité, toutes les réalités de l’univers, de la matière au sujet humain, sont dédoublées, avec la face intérieure porteuse d’une information surdéterminée et relationnelle autant qu’auto-déterminante. Seul l’être humain peut accéder à son intériorité, en plus de la perception du monde matériel naturel. Cela s’appelle la conscience. Le traitement supérieur de l’information qui s’y déroule s’appelle pensée.

L’élaboration de ce nouveau paradigme et des nouvelles sciences ne peut se faire que dans un contexte affranchi des pesanteurs bureaucratiques et des routines scientifiques et des intérêts financiers autant que politiques. Il faudrait créer quelques centres de recherche en ontologie. Cela fait plus de dix ans que j’y réfléchis mais il y a trop de blocages. D’ailleurs, Derrida y avait songé, lui qui plaidait pour une université sans condition. Peut-être que le moment arrive avec quelques philosophes et scientifiques assez avancés sur cette voie. Pour ce qui est de mon chemin, il est arrivé au terme d’une étape de consolidation faisant que les intuitions façonnées dans ma thèse au milieu des années 1990 puis publiées sous une présentation originale chez L’Harmattan ont fini par rencontrer les résultats scientifiques en physique quantique, en cosmologie quantique et en biologie moléculaire et épigénétique. Je crois avoir découvert le concept de biologie cognitive en même temps que mon confrère en philosophie des sciences Gennaro Auletta qui a publié un gros livre aux presses d’Oxford en 2011. Je peux me considérer comme satisfait et soulagé d’avoir suivi la bonne voie. Et comme aurait dit Thierry Rolland, je peux mourir heureux maintenant. J’ai gagné la coupe de mon monde en ayant joué un match ontologique pendant des années. Mais pour être reconnu vainqueur, encore faut-il des arbitres pour en juger. Je me souviens d’une conversation avec mon directeur de thèse il y a plus de 10 ans. Je déplorais que mon livre de métaphysique ait été boudé par Roger Pol-Droit, alors responsable des critiques philosophiques au Monde. La réponse de mon interlocuteur fut franche et directe. Pol-Droit ne pouvait pas comprendre mon essai.

(Bon, je m’en remets à Dieu pour la suite de ce chemin. Les mécréants peuvent bien aboyer, et les dévots de la science me conspuer. Je reste zen. Thérapie génique, cancer, Alzheimer, Parkinson, Sida… aucun progrès alors, conspuez-moi si vous voulez. Et que Dieu m’accorde la providence pour cet étrange dessein) Pour le reste, l’idéal serait de trouver des partenaires dans ce projets, des mécènes car le système est bien incapable de comprendre l’intérêt de ces recherches. Plus modestement, j’espère qu’un éditeur pourra publier mon essai sur le vivant. C’est idiot cette situation. Mes travaux sont en avance et novateurs mais je vais finir dans le fossé des pionniers rejetés et c’est franchement dommage. Mais c’est la règle du système. L’homme est un prédateur autant qu’un fossoyeur. Le Nobel ou le cimetière. C’est au moment de la mort que le bilan de la vie doit être dressé. Mais quoi qu’il se passe, la société des hommes est à la fois un grand moment de civilisation et une sinistre farce conduite par des arnaqueurs. Là aussi, il y aurait un bon sujet de réflexion à instruire. Les imposteurs, les tricheurs… L’énigme de l’Homme est aussi celle de la Nature et de Dieu.

 


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