Non, le référendum au Royaume-Uni n’est pas une victoire de la démocratie !

par Caleb Irri
mardi 28 juin 2016

A première vue, et quoi qu’on pense par ailleurs de l’Europe actuelle ou de ce qu’elle doit être (ou ne pas être !), on serait tenté de dire que le peuple a parlé ; et que c’est donc bien l’expression de la démocratie qui est responsable de ce chaos qui vient…

Mais le problème est qu’in fine, en réalité, ce sont bien les ennemis de la démocratie qui sortent vainqueurs de ces événements : Pourquoi ?

Il faut pour comprendre cette apparente contradiction se retourner sur ce qui constitue le caractère démocratique de ce genre de référendums :

que ce soit pour le référendum au Royaume-Uni ou celui de Notre-Dame-des-landes, il y a plusieurs critères non négligeables qui sont à prendre en compte : la manière dont la question posée, la population autorisée à voter (certains disent que si les 16-18 ans avaient pu voter…), ce pour quoi votent vraiment les citoyens et ce pour quoi on leur dit qu’il faut voter (contre l’immigration est-ce contre l’Europe ?), la légitimité du résultat (50,01 par rapport à 49,99 par exemple), ce qu’on fera des résultats, etc…

Mais est-ce cela la démocratie ?

Si la question avait été « voulez-vous de l’Europe, mais d’une autre Europe ? », peut-être la réponse aurait-elle été différente, non ? Et si un référendum contenait plus de choix ? Et si on demandait une approbation de 75% pour être légitimée majoritaire ? On voit que certains votants semblent regretter le résultat du référendum, comme le feraient sans doute les Français qui votent FN au premier tour pour montrer leur colère et qui seraient peut-être (on peut l’espérer) embêtés si le FN passait au premier tour.

Il en est qui pensent que le peuple « vote mal », et il en est d’autres qui se demandent pourquoi les citoyens « votent mal » ? Mais si c’était le système électoral qui n’était pas démocratique ? Et si c’étaient les propagandistes en campagne qui engendraient les « mauvais votes » en leur faisant miroiter qui le paradis qui l’enfer selon le camp qu’il a choisi ?

On sait que le premier ministre anglais s’est embarqué dans ce référendum pour conserver sa place de premier ministre (qu’il perd finalement), et on sait aussi que le futur premier ministre pressenti avait, deux ans auparavant, soutenu dans un livre qu’il fallait rester dans l’Europe ; pas étonnant alors qu’il semble aujourd’hui rechigner à appliquer le résultat de ce référendum qui le rend responsable d’une rupture historique dans les relations internationales…

Dans une véritable démocratie, le peuple doit avoir le pouvoir et exprimer son autorité soit directement soit par la représentation nationale. Mais ce n’est pas tout : il doit faire son choix librement, et de manière éclairée. Et c’est bien là tout le problème. Quand on promet que la sortie du Royaume-Uni permettra la fin de l’immigration et qu’on omet toutes les autres conséquences, ou quand on promet l’emploi et la richesse en omettant toutes les autres conséquences on éclaire pas le citoyen, on l’enfume !

 

Car quelles sont les options qui sont sur la table aujourd’hui :

-d’un côté l’éclatement de l’Europe et le retour aux nationalismes

- de l’autre le resserrement de « l’empire européen » autour d’une Allemagne hégémonique économiquement, et d’une France de plus en plus autoritariste politiquement.

 

L’économie et la politique se trouvant être dans ce genre d’événements suffisamment unis pour se mettre d’accord, ils soutiendront bientôt que ce genre de référendums ne sont pas représentatifs, et aussi que le peuple est un mauvais souverain ; et malheureusement ils n’auront pas tort (mais la faute à qui ?).

Car il faut se rendre à l’évidence : poser la question au peuple c’est prendre le risque qu’il réponde mal. Et les marchés détestent l’incertitude (voir). La dictature a ceci de rassurant qu’elle permet une stabilité que la démocratie ne permet pas : si dans les deux ans de négociations qui se profilent un autre référendum donnait un résultat inverse (ce qui n’aurait rien de si étonnant) on ferait quoi ?

Il faut dire également que si le peuple avait répondu « on reste » à 52 conte 48, d’une part le résultat ne serait pas plus légitime, et d’une autre nos gouvernants n’auraient pas non plus eu un autre discours que celui qu’ils tiennent actuellement : « c’est un avertissement qui nous est lancé, nous devons refonder l’Europe sur la sécurité et la gouvernance économique, etc… »

De toutes les manières ce référendum ne changera rien à ce qui va suivre, sauf à précipiter l’autoritarisme de l’Europe pour éviter sa dissolution, ou à précipiter les extrêmes-droites au pouvoir chacun de son côté.

Nous sommes donc à un carrefour entre deux voies qui ne satisferont certainement pas les véritables démocrates : car à aucun moment la question d’une « autre Europe », celle démocratique et solidaire, sociale ou socialiste, n’aura été posée aux peuples.

 

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr


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