Non-manifestation à Bruxelles : 448 arrestations

par Père_Vaire
mercredi 3 février 2021

 

Le bilan de ce dimanche 31 janvier est excellent du point de vue des autorités : aucun débordement et plusieurs centaines d’arrestations. Ce qui signifie que pour elles désormais une bonne manif est une manif qui n’a pas lieu. La prévention dont on nous chante les vertus, et qui s’applique toujours aux comportements de certains, jamais aux décisions politiques ou économiques, est de rigueur dans ce domaine aussi

Suite à l’appel lancé par un Bruxellois néerlandophone sur Facebook, 40000 personnes avaient cliqué sur « Intéressé », ce qui pour tout esprit sensé connaissant un minimum les réseaux ne signifie à peu près rien. Il n’en a cependant pas plus fallu pour que la police, l’armée, la Sûreté de l’Etat se mettent sur le pied de guerre. Et cela bien que ce citoyen, probablement mis sous pression par ces mêmes institutions, qui l’ont convaincu qu’une telle action engendrerait nécessairement le chaos, ait retiré son appel. Il n’allait donc rien se passer.

Las, il fallait bien que les « forces du désordre » s’amusent, on ne les avait pas chauffées à blanc pour rien. Donc, ce dimanche dès l’aurore, elles avaient investi le parc royal, où l’on pouvait voir des centaines de combis mais aussi à peu près tous les chevaux du pays, des tas d’engins motorisés etc. Au petit matin, des centaines de personnes ayant le malheur de descendre de train à la gare centrale sont arrêtées sans aucune raison, pas même sur un soupçon mais parce qu’il fallait bien justifier un tel déploiement, et ainsi satisfaire nos chères élites ainsi que toutes ces personnes qui sont à peine sorties de chez elles des 10 derniers mois mais sont persuadées de tout savoir puisqu’elles suivent les infos officielles.

Ces arrestations, qui démontrent l’extrême vigilance démocratique des autorités, sont immédiatement très largement relayées par les médias dominants, suscitant énormément de curiosité. C’est ainsi que plusieurs centaines de personnes vont non se rassembler, pas le moins du monde, mais stationner, espérant de cette manière, pour la plupart, nourrir leur profil de réseau social, se faire mousser en publiant en temps réel leur indignation. C’est parmi eux que se recrutent presque tous ceux qui quelques heures plus tard seront je suppose présentés comme des émeutiers. Vers 12h, un groupe de quelques dizaines de badauds est ainsi encerclé par les policiers, en nombre dix à trente fois supérieur selon les moments. Des soldats mitraillettes pointées à hauteur de visage sont ensuite appelés en renfort vers 14h, au cas où. Sans compter les cavaliers et les forces d’assaut, plusieurs dizaines pour chaque catégorie. Notons que cet encerclement a lieu à un endroit où passent chaque jour des centaines de milliers de gens, et que la présence de quatre ou cinq dizaines de jeunes n’a donc rien d’inhabituel. Bref. Pour les protéger de leur inconscience, on les immobilise pendant des heures collés-serrés par des centaines de flics rigolards qui ne se privent pas de humilier, menacer et insulter toute personne qui les observe : en termes d’efficacité sanitaire, on atteint des sommets.

Les « journalistes » des « grands médias » ne parlent qu’entre eux ou avec les agents ; aucun ne songe à interroger les ci-devant citoyens, sans doute pour de mystérieuses raisons sanitaires. Comprendre, informer, analyser se réduit pour eux à deux choses : filmer puis le soir ou le lendemain relayer les précieuses, scientifiques et impartiales déclarations des autorités. Dès que la situation se tend, non en raison d’un afflux d’émeutiers (le nombre de personnes présentes, hors passants vaquant à leurs occupations et pour la majorité totalement indifférentes à la situation, n’a guère varié au cours de ces quelques heures, ne dépassant jamais la centaine ; j’exclus évidemment les innombrables représentants de l’ordre) mais parce que les flics se décident à embarquer les curieux pris dans la nasse, ils ont fini journée, remballent leur matériel et s’en vont rejoindre leur loft ucclois. Un seul reste sur place, le représentant d’un média citoyen dont l’audience dont à peine dépasser le nombre de « manifestants » et qui filme au smartphone sans jamais cesser de discourir.

A intervalles réguliers « Leader 2 », un commissaire stationné à une dizaine de mètres de la nasse et qui n’a pendant tout ce temps jamais songé à éteindre le moteur de son SUV, sans doute là aussi pour de mystérieuses raisons écologistes, ordonne à ses subalternes d’aller disperser des gens qui sont postés sur le Mont des Arts à une centaine de mètres de là et observent placidement, masques sur le nez ; ils n’ont jamais été plus de 10, dont certains sortaient de l’exposition installée dans l’espace appelé Plein Publiek. Lesdits agents s’exécutent à leur manière : ils agressent, insultent puis arrêtent les récalcitrants, càd ceux qui ne fuient pas assez vite à leur goût. Comme ils sont nettement plus agressifs avec les « basanés », allez savoir pourquoi, ce sont presque toujours eux qui sont embarqués. Notons que ces embarquements s’étalent en longueur ; les personnes appréhendées, le plus souvent des adolescents, poireautent pendant plusieurs dizaines de minutes dos au combi. Je gagerais qu’il s’agit de montrer que décidément ça chauffe, que la violence devient intolérable. Un trait frappant : aucune de ces personnes n’a fait mine de se rebeller, même par des cris. Elles se taisaient et obéissaient en tout, même face aux provocations et aux insultes de certains agents.

Vers 16h, j’approche de la nasse, pour me faire une idée de la composition sociale et ethnique des personnes encerclées puis forcées de se mettre en position assise après s’être fait ligoter les mains dans le dos au « colson » : pour cette racaille, les menottes seraient un privilège indu. Un agent m’interpelle poliment, me disant que je devrais respecter ces personnes au lieu de les regarder comme des bêtes de foire. Je réplique qu’à mon avis mon attitude à leur égard est plus respectueuse que la sienne. Aussitôt son collègue, franchement moins courtois, me sort les éléments de langage de l’heure : si tu crois que t’es mieux que ceux qui gouvernent t’as qu’à prendre leur place, en attendant tu dégages. Voilà donc ce qu’on leur inculque : les dirigeants occupent cette place parce que ce sont les meilleurs, les autres sont des glandeurs qui feraient mieux de s’occuper de choses sérieuses, comme organiser des opérations dominicales impliquant des milliers de policiers et de soldats et coûtant quelques millions pour encercler et embarquer une quarantaine de personnes dont aucune n’était armée, ne serait-ce que d’un briquet, ni n’a porté de coups ; ce qui n’empêchait d’ailleurs pas bon nombre d’entre eux d’avoir la trouille. Des trucs de vrai mec quoi. Les rapports de domination ça existe pas, c’est des conneries. Il y a les experts, ceux qui leur obéissent et puis le criminel qu’il faut ridiculiser, humilier, mater d’emblée, qui n’a aucun droit car il est une menace par sa simple existence, vecteur d’une terrifiante maladie. Et peu importent ses motifs, son attitude ou même la raison de sa présence ; il n’avait qu’à ne pas y être, ne pas être même.

Le plus indécent était la bonne humeur constante de la plupart des agents. Une partie de plaisir, et bien payée en plus. Quand je regarde des images d’un passé récent, j’y vois des visages graves, inquiets, attentifs. Pas des grands sourires ni des blagues de caserne. Nos protecteurs sont nettement plus épanouis, convaincus de faire le bien, et même le mieux absolu, d’incarner la science, la vérité. Alors je sais évidemment qu’il y a des flics bienveillants. Cependant (et je m’en réfère aux déclarations d’une de ces agentes, Bruxelloise qui plus est, parues dans les médias officiels) ils sont dans leur grande majorité soit virés soit placardisés, en tout cas très rarement envoyés sur le terrain, surtout en ce genre de contexte. Pour participer à une action comme celle de dimanche, il faut des guerriers, des gens suffisamment drillés pour refouler immédiatement le sens réel de leurs actes, pourtant manifeste dès qu’on s’arrête une seconde pour réfléchir. Donc pas question d’avoir le moindre scrupule, un instant de doute. Esprit de corps intégral, pas un neurone qui dépasse.

On me dira peut-être que les Gilets jaunes n’étaient pas mieux traités. Sauf qu’il y a au moins cinq différences majeures évidentes : on n’arrêtait pas des gens sur le simple motif qu’ils se trouvaient là, à la gare centrale d’une métropole européenne un dimanche matin, et qu’ils pourraient donc avoir envie de manifester ; les manifestations antérieures pouvaient au moyen se déployer dans l’espace ; les personnes prises dans la nasse ne sont pas venues manifester mais au mieux témoigner, quand il ne s’agissait pas de simples curieux ; la majorité de la population n’était pas privée de libertés fondamentales ; il était encore permis de porter assistance aux plus fragiles, et en particulier aux agonisants, qui ensuite avaient même le droit à une cérémonie, comme dans toutes les formes de société humaine précédentes.

A dimanche prochain ?


Lire l'article complet, et les commentaires