Non rencontres sur le Net

par pigripi
jeudi 18 décembre 2008

Dur, dur d’être une femme de 60 ans et d’aller chasser sur les sites de rencontres...
Y aurait-il une alternative entre le couvent virtuel et le sexe virtuel ?

Les sites de rencontre font flores sur le Net et je suis étonnée de constater que même les jeunes s’y inscrivent pour rencontrer la personne qui devrait leur convenir. Et, très souvent, ça marche pour eux. Je connais plusieurs cas de jeunes couples qui se sont découverts sur un site de rencontre.

J’avoue en avoir été étonnée car, du temps de ma jeunesse, dans les années 60 à 80, mes amies et moi-même rencontrions beaucoup de gens spontanément, dans la rue, dans des activités diverses, chez des amis, à la fac et que le recours aux petites annonces était très peu usité et pour tout dire inutile.

Pourtant, les rencontres sentimentales provoquées par l’intermédiaire de marieuses, d’officines spécialisées ou de petites annonces ne datent pas d’hier. Des romans et des films ont souvent traité ce sujet. On se souvient de « The shop around the corner » ou de « La leçon de piano ». Sans parler des alliances royales qui, de tous temps, ont fait appel à des intermédiaires.

La différence essentielle entre les temps anciens et l’époque contemporaine est qu’autrefois les annonces étaient exclusivement matrimoniales alors qu’aujourd’hui, bon nombre visent à rencontrer des partenaires sexuels pour se divertir. Le sexe est devenu un loisir au même titre que les voyages ou les fêtes. C’est si vrai que certaines personnes arrivent à allier les trois : déplacement géographique, festins et aventures érotiques.

J’ai ainsi reçu les confidences d’un homme qui se définissait comme « libertin » et qui m’a raconté avoir organisé une partouze mémorable dans une loge de l’opéra de Vienne avec Champagne et caviar.

J’ai 60 ans et, quoique fort sociable et avenante, je n’ai pas l’occasion de rencontrer des hommes à mon goût. J’ai donc tenté l’aventure des sites de rencontres. Je ne cherche ni mari, ni compagnon à demeure mais un amant occasionnel et régulier. Je tiens à mon indépendance.

Je pensais qu’avec une attente aussi raisonnée je trouverais facilement.

Je me suis donc inscrite sur un site connu pour un essai de trois mois. J’ai été extrêmement déçue car j’ai reçu peu de réponses et pratiquement aucune qui correspondait à mes attentes. Même lorsque je souhaitais seulement bavarder avec un membre dont le profil m’intéressait, il n’y avait pas de retour. Les quelques réponses reçues émanaient d’hommes très jeunes qui étaient à la recherche d’expériences avec des « femmes mûres ». A défaut de poisson plus frétillant à mon goût, j’ai accepté de rencontrer l’un deux et je me suis retrouvée face à un jeune homme sinistre, peu loquace et surtout préoccupé de faire son expérience avec moi. Il n’y a donc pas eu de suites. Maigre pêche sur un site qui promet monts et merveilles !

Intriguée par le peu d’intérêt que je suscitais j’ai voulu comprendre ce que les membres de ce site attendaient et j’y suis rentrée en tant qu’homme. J’ai recherché les profils de femmes les plus visités et j’ai constaté que les plus demandées étaient les blondes nanties de gros seins, sans attente intellectuelle. J’ai compris que j’étais hors sujet.

Quelques moi plus tard, de nouveau taraudée par le « démon », je me suis inscrite sur un site d’annonces gratuites :

Bonjour, Je suis curieuse, passionnée et cultivée.
Je m’intéresse à la politique, l’économie, la société et le vivant en général : plantes, animaux, gens de tous âges.
J’ aime écrire.
Je suis indépendante avec une forte personnalité.
Je recherche des relations d’échange dans un esprit de réciprocité et d’égalité.
Merci de votre attention.

Alors là, jackpot ! J’ai reçu plus de 300 réponses. Malheureusement, la plupart se composaient de quelques lignes bourrées de fautes d’orthographe, sans formule de politesse, tutoiement et familiarités, et écrites dans un style qui me faisait me demander si on avait vraiment lu mon annonce ou si ces messieurs envoyaient systématiquement le même message à toutes les annonces de femmes recherchant un homme.

J’avais le non choix entre « jeune homme recherchant une expérience avec une femme mûre », « jeune homme recherchant une maîtresse autoritaire », « homme marié de passage dans la capitale pour dîner au restaurant et plus si affinités », propositions de massage, propositions de léchage, « décris-toi », envoi de photos de torses poilus ou de sexes en érection, etc. Mais, surtout aucun contenu auquel j’aurais pu me raccrocher.

J’ai quand même répondu à une dizaine d’hommes pour découvrir que tous étaient mariés ou en couple, qu’ils n’étaient disponibles qu’à l’heure du déjeuner, qu’ils préféraient le sexe virtuel au sexe réel, qu’ils ne savaient pas très bien ce qu’ils voulaient, qu’ils projetaient sur moi LEURS propres fantasmes mais n’avaient aucune curiosité pour la personne que j’étais et que s’ils recherchaient une confidente et amie ils n’avaient absolument pas envie d’être eux-mêmes confidents et amis. Adolescents attardés, égoïstes et égocentriques en majorité.

Le plus désagréable étant d’avoir le sentiment que ces messieurs cherchaient surtout à dominer une femme, à lui imposer leurs volontés et fantasmes, à gérer son temps, à disposer d’elle à leur gré. J’ai même eu à subir des crises de jalousie de la part d’hommes que je n’avais même pas rencontrés.

Le sentiment aussi qu’ils étaient persuadés qu’une femme qui poste une annonce est obligatoirement faible, paumée, stupide, ignorante, méprisable et à leur botte.

J’ai également observé de grossières tentatives de manipulation quand on essayait de me persuader que j’avais peur et que je refusais de me laisser aller.

D’autres, encore plus pervers, tentaient de parler mon langage pour arrêter brusquement un échange au stade où j’étais presque séduite. Sans aucune explication, bien entendu.

J’ai aussi reçu des insultes et des agressions verbales. Il faut avoir du cran.

J’ai tout de même accepté de rencontrer quelques-uns de ces messieurs parmi ceux qui me paraissaient les plus sympathiques et, chaque fois, j’ai été déçue de constater qu’ils ne faisaient aucun effort pour me séduire, comme si l’affaire était dans le lit. Du simple fait que j’avais accepté de partager un café avec eux.

Je suis quand même tombée dans les filets d’un beau jeune homme de 35 ans qui m’avait invitée, arguments à l’appui, à une « complicité charnelle et intellectuelle ». Ses belles phrases et ses yeux pétillants m’ayant convaincue bien que je ne chasse pas dans les cours de récréation. Malheureusement, son coup tiré, il m’a remerciée pour mon « savoir faire » et a disparu de mon horizon. J’en fus fort frustrée et humiliée. Frustrée parce que quand le gâteau est bon, j’en reprendrais volontiers une part.

Je décidai alors de modifier mon annonce en précisant que je souhaitais rencontrer un homme disponible et là, plus rien. Je reçus à peine deux ou trois réponses, toujours sans aucun rapport avec l’expression de mes attentes.

Ces expériences peu glorieuses m’incitent à penser que, malgré certaines visions pessimistes sur le déclin de la famille, la polygamie à la française est le ciment des couples constitués. La libération sexuelle des femmes profite avant tout aux hommes qui ne remettraient en question pour rien au monde les « liens sacrés du mariage » mais grugent simultanément leur légitime et leurs maîtresses en folâtrant sans états d’âme parmi le gynécée des femmes qui croient encore que des relations colorées de respect et de réciprocité sont possibles.

Je comprends mieux mes amies qui préfèrent le couvent virtuel au sexe virtuel.


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