Non, vous n’avez rien vu à Cana ... !

par Khalifa Chater
lundi 31 juillet 2006

Le professeur Khalifa Chater évoque la tragédie de Cana et la montée des périls, que les événements de Gaza et du Liban illustrent. Il convie la communauté internationale à prendre la mesure de l’événement et des effets de ressentiments qu’il nourrit. En dépit de la grande désillusion, il tente d’évoquer un scénario de paix, en faveur de tous les peuples d’un Moyen-Orient qu’il souhaite libérer de la pesanteur internationale, qui limite la marge de manœuvre de ses acteurs.

Non, vous n’avez rien vu à Cana... ! Les médias ont présenté ce décompte macabre... 51 morts dont 27 enfants... Les TV du Monde ont présenté ces images insoutenables... ces corps déchirés... Ces enfants surpris en plein sommeil... cet effondrement d’immeubles du fait du pilonnage d’une zone résidentielle du village, situé à l’Est de Tyr, qui a étouffé ces populations en détresse, à la recherche d’un abri... Vous ne pouvez voir ces scènes d’une humanité déshumanisée... qui re-édite avec assurance et enthousiasme ces crimes d’une période qu’on croyait révolue !

« Nuits et brouillards »... On croyait que l’humanité avait retrouvé ses normes, après les cauchemars de la seconde guerre mondiale, qu’elle avait repris conscience des dangers des dérives commises par les apprentis sorciers... qu’elle avait mis au point des chartes de respectabilité humaine... qu’elle avait créé des observateurs de culture de la paix et des structures de veille, pour prévenir, condamner et mettre hors d’état de nuire...

Peut-on passer sous silence le carnage de Cana, acte criminel délibéré, dans le cadre d’une agression caractérisée ? Peut-on le mettre sur le compte des profits et pertes de la stratégie de construction d’un nouveau Moyen-Orient de « prospérité partagée », de « gestion démocratique ? Toute pensée libérale qui se respecte ne peut que condamner les auteurs bien identifiés de Cana 2006, les mêmes qui ont accompli Cana 1986, dans le cadre de la poursuite d’une politique coloniale condamnée par les lois et tolérée dans la praxis.

Peut-on se permettre alors d’évoquer l’éthique des Nations Unies, les grands principes de liberté, de démocratie et d’autodétermination des peuples, alors qu’on les bafoue sans ménagement, dans le cadre des alignements diplomatiques, des alliances géopolitiques volontaires ou obligées ? Comment interpréter cette paralysie de l’ONU, où les rapports de forces annihilent l’application des normes ? Ce traitement différentiel des motions de l’ONU constitue le meilleur indicateur de sa « crédibilité » ? Quel triste diagnostic de la gestion diplomatique du monde !

Montée des périls, les événements de Gaza et du Liban sont graves par leur signification, leurs implications et leurs conséquences. Prenons la mesure de l’événement et des effets de ressentiments qu’il nourrit au sein des nouveaux damnés du Moyen-Orient, des laissés pour compte de ce scénario, dont la guerre de l’Irak, l’annihilation du processus de la paix et l’agression du Liban, constituent des repères significatifs. La désillusion est mauvaise conseillère. Comment peut-on alors remettre les pendules à l’heure, reconstruire les conditions de paix, de réconciliation, au profit de tous les peuples de l’aire moyen-orientale, après cette ère d’épreuves ? Faut-il attendre l’arrivée de nouvelles générations, qui sauront, je l’espère, à la suite d’une lucide conscientisation, ranimer la flamme de la paix, dans un Moyen-Orient libéré de cette pesanteur internationale qui limite sa marge de manœuvre ?

 

 

 


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