Notes sur la pédophilie et les seuils de consentement (3 et dernier)

par Senatus populusque (Courouve)
vendredi 6 novembre 2009

Confrontation de l’argumentation pédophile aux valeurs de notre société.

14 - Le traducteur et annotateur de l’Histoire de l’amour grec de Meier, Georges Hérelle (professeur de philosophie), arrrivait, vers 1900, après bien des discussions, à des conclusions pessimistes sur l’amour des tous jeunes garçons (notes laissées, parmi de nombreux manuscrits, à la Bibliothèque municipale de Troyes) :

« Lorsque l’on révèle les passions anormales à un enfant de la classe inférieure, apprenti, petit commis, etc., et c’est le cas le plus ordinaire, on ne manque pas de lui procurer, pendant qu’on l’aime, quelques satisfactions qu’il n’aurait pu se procurer seul, le théâtre, le café, les dîners dans un bon restaurant, qui paraît luxueux à l’enfant. Plus tard, quand l’amour aura cessé, on quittera l’enfant et on le rendra à son milieu avec une vision d’une condition meilleure, plus brillante, plus jouissante. Mais l’enfant ne manquera pas de se souvenir de ce qu’il a perdu, et il le cherchera ailleurs, peut-être dans l’amour vénal, peut-être dans la prostitution. Or la prostitution masculine est la dernière des misères et la plus dangereuse des bassesses. Ernest [Ernest P., ami d’Hérelle] prétend, il est vrai, que dans sa pratique il n’a jamais vu cela. Mais dans les exemples de Stéphane et du Polonais, est-il sûr que ses relations avec eux n’ont pas au moins contribué à les jeter au ruisseau ?

Il y a certainement un mal social possible. Notre société n’admet pas cet amour, le réprouve, le flétrit. Nous exposons donc l’enfant que nous séduisons au mépris social, le jour où ses relations avec nous seront connues. Et si, dans notre société, il prend le goût de cette passion, nous l’exposons à un isolement moral et à des malheurs qui peuvent accabler sa vie entière. On peut être l’amant d’un enfant qui n’a pas la vocation et qui se laisse séduire à cette débauche par l’effervescence du sang, la faiblesse de l’âge. Alors il paraît certain qu’on déprave sa nature, c’est-à-dire qu’on le détourne, au moins provisoirement, de la voie où le poussait un instinct normal, qu’on excite en lui des passions de jouissance pure, qu’on l’accoutume à faire de lui-même un instrument de débauche. Là où est l’amour, la volupté a quelque chose de profond et de noble jusque dans ses égarements. Mais, là où l’amour n’est point, la volupté n’est qu’un plaisir sale.  » (mss 3257)

À ceci, Georges Hérelle opposait par souci d’objectivité le point de vue d’Ernest P. [Psichari ?] exprimé en avril 1889 :

« Je ne demande ni n’espère que la pédérastie devienne une institution, mais je souhaite qu’on s’en accommode après en avoir reconnu l’innocuité. La pédérastie est le plus souvent une passion aristocratique : elle suppose un certain raffinement intellectuel, etc. Il s’agit donc de convaincre l’aristocratie que ces passions sont en même temps fatales et inoffensives, et depuis quelques années un grand progrès s’est réalisé sur ce point. Pourquoi désespérer qu’un jour l’aristocratie, éclairée et indulgente, nous accepte ? Alors, tout le monde nous tolèrera. » (mss 3257)

Il semble s’agir ici de pédérastie, plus que de pédophilie, puisque "l’enfant" est supposé travailler. Mais cette réflexion sur la pédérastie peut orienter celle sur la pédophilie, ne serait-ce qu’en posant le problème des "trottoirs de Manille" ou de Bangkok (affaire Mitterrand).

15 - Pour François Regnault, "le pédophile est l’envers du pédagogue" (L’Infini, enquête citée) ; dans les cinq âges de la vie distingués au XIVe siècle, l’âge de l’amour et des sports venait en troisième position, APRÈS ceux des jouets et de l’école. Il y a une cohérence certaine à fixer la fin de la scolarité obligatoire à peu près à l’âge où on libère la sexualité. Le débat actuel sur l’accessibilité des films pornographiques par la télé ou via Internet repose à juste titre le problème de la nécessité du respect de ces « âges de la vie ».

Avec Sigmund Freud, qui n’était pas le pan-sexualiste que l’on a cru, nous prenons parti en faveur de l’éducation et contre la sexualité précoce initiée par l’intervention des adultes ; un personnage du roman de Nicolas Jones-Gorlin Rose bonbon perçoit très bien l’alternative, mais fait le choix inverse, typique du pédophile : « le vrai ennemi, c’est l’éducation … » (chapitre 4). Déclaration à laquelle un André Gide n’aurait jamais souscrit. Mais nous prenons aussi parti en faveur de la liberté sexuelle des grands adolescents et du respect de leur vie privée ; contre l’article 227-27, donc ; article "Gabrielle Russier", pourrait-on dire.

L’étude des sociétés primitives, que les pédophiles militants et leurs alliés invoquent régulièrement, montre que l’initiation sexuelle des jeunes gens peut parfois être admise pendant, ou très peu avant, la puberté, mais jamais aux âges mentionnés par Tony Duvert dans L’Enfant au masculin, page 21 : "à six ans, le fruit me paraît mûr : c’est un homme et il n’y manque rien. Ce devrait être l’âge de la majorité civile", ou par le mouvement pédophile anglais Paedophile Information Exchange (PIE — un pie est un pâté en croute, symbole de l’enfant – objet de consommation, et souvent de consommation collective, en réseau) qui demandait un âge limite de quatre ans. Il en résulta rapidement la fin du soutien que le mouvement Campaign for Homosexual Equality avait commencé à accorder aux pédophiles.

 Dans le roman Rose bonbon, Dorothée n’a que sept ans, même si elle en paraît neuf (chapitre 1). Quel que soit le comportement social envisagé, il pourra assez souvent se trouver des sociétés qui l’acceptent : mains coupées pour les voleurs, peine de mort, excision et circoncision, polygamie, lapidation de la femme adultère, castration, etc., et donc pédophilie aussi.

 Cependant, chaque société, et surtout une société évoluée comme la nôtre, est responsable selon ses propres critères juridiques, philosophiques et scientifiques, des interdits qu’elle s’impose et des libertés qu’elle s’accorde ; c’est à elle, et pour elle-même, de décider, en toute indépendance, sans s’en laisser imposer parce qu’on pourrait appeler "l’argument ethnologique". Cet argument est exposé, mais de façon pas très convaincante, plutôt avec dérision, dans Rose bonbon :

 « Ensuite il m’a parlé des Grecs. Il m’a expliqué que les vieux initiaient les jeunes. Même chose dans les pays arabes. Et ailleurs encore. Grecs, Arabes, en Chine aussi, et en Papouasie, et ailleurs et ailleurs. Tout le monde ne peut pas se tromper. » (chapitre 4)

 Sexualité n’est pas synonyme d’amour, faut-il rappeler cette évidence ? S’il est vrai que le sexe a une composante amoureuse, il possède aussi une composante égoïste (la "loi" du désir, la consommation) et même une composante agressive. C’est pourquoi l’argument de Renaud Camus, ou plutôt le sophisme, qui considérait la sexualité comme en soi non répréhensible (L’Infini, article cité), n’est pas fondé. En soi, la sexualité, comme Ésope le disait de la parole, n’est ni bonne ni mauvaise, ni répréhensible ni licite, mais indifférente moralement. Donner droit de cité à l’érotisme enfant/adulte exposerait, on l’a dit, l’enfant à des relations sado-maso, au proxénétisme, aux I.S.T. et au sida. Or la protection de la santé des enfants est désormais un principe constitutionnel qui ne devrait laisser personne indifférent (Alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 ; ce préambule fait partie du bloc de constitutionnalité depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971. Voir aussi l’article II-84, § 1, du Traité constitutionnel de l’Union européenne (29 octobre 2004) : Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être » ; article repris dans le Traité de Lisbonne).

 

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 L’enfant du pédophile voit ainsi sa parole confisquée ou disqualifiée ; le pédophile saurait seul ce qui est bien pour cet enfant-adulte qui est à côté de cet adulte comme un personnage de film muet. Il se trouve qu’un tel film pédophilique existe, diffusé jadis par France 3, et traitant de "L’École en bateau". Enfin, certains, disent que "si on force parfois un peu les enfants", c’est pour contrebalancer le conditionnement social ; et puis, après tout, "les femmes aussi subissent souvent le devoir conjugal", ajoutait-il ; les mères féministes apprécieront ... Ce sont de tels propos qui rendent bien difficile la distinction entre la pédophilie qui se dit amoureuse des enfants et la pédophilie des faits divers.

 Dans sa chronique Le Rose et le noir, Frédéric Martel évoquait un fait divers de 1979, l’affaire de Saint-Ouen, qui aurait concerné un "homosexuel mineur". Singulière atténuation ... Selon les termes de la lettre de deux militants communistes à L’Humanité, les autorités judiciaires avaient trouvé "simplement [sic] des pratiques sexuelles de groupe entre adultes et adolescents de 11 à 17 ans et des photos" ; cette lettre, qui justifiait ces "pratiques", provoqua une vive réaction de Roland Leroy, alors directeur de ce quotidien :

« Comment osez-vous soutenir un tel point de vue alors qu’il s’agit en l’occurrence de la prostitution d’une quarantaine d’adolescents et d’enfants, dont le plus jeune avait tout juste quatre ans ! [...] Je considère votre lettre indigne d’un communiste  ».

(Le Rose et le noir, page 226 de la réédition 2000 en collection Point Seuil. Lettre de Marc Croissant et Jean-Pierre Januel, L’Humanité, 30 mars 1979 ; la réponse de Roland Leroy est publiée dans le même numéro. Cette même année 1979 avait vu le scandale du père Monboisse à Aurillac, suivi de son suicide.

- Selon certains pédophiles, les enfants seraient parfaitement capables de gérer une relation sexuelle, d’y consentir ou de la refuser. En revanche, devant les policiers et les magistrats, ils diraient n’importe quoi. Le professeur de philosophie René Schérer s’est vanté devant moi d’avoir "retourné" le témoignage – pourtant véridique selon R. S. lui-même – d’un enfant lors d’une confrontation .... Ce qui prend évidemment un relief particulier après l’affaire d’Outreau (Outreau 1) et l’évocation d’un mythe de la pédophilie. 

17 - L’argument de l’existence d’une sexualité infantile apparaît plus pertinent. On sait aujourd’hui, grâce à l’échographie, que le foetus mâle a des érections. La distinction établie depuis l’Antiquité entre sexualité et reproduction, soulignée par le marquis de Sade, Frédéric Nietzsche et Sigmund Freud, est ainsi confirmée. Mais, car il y a un mais, l’aptitude partielle à une activité sexuelle chez le jeune enfant, par l’érection dans le cas du garçon, ne signifie pas qu’il a acquis l’autonomie psychologique et sociale également requise pour une relation sexuelle – l’enfant sait signer bien avant de comprendre la portée de la signature d’un contrat ; il sait déposer un bulletin dans une urne avant de comprendre la portée d’un vote, etc.

 Sigmund Freud ne vit jamais dans la "sexualité infantile" une justification de la pédophilie ; cela apparaît dès 1905 avec le premier des Trois essais sur la théorie de la sexualité (section I, B) ; la même année, il déclarait à un quotidien viennois que la pédophilie homosexuelle devait être poursuivie devant les tribunaux, mais dans les mêmes conditions que la pédophilie hétérosexuelle ; le seuil en Autriche était alors de quatorze ans (encore le seuil du droit canon !). Freud pensait qu’une activité sexuelle précoce diminuait l’éducabilité de l’enfant, et que la construction de la personnalité psychologique et sociale (acquisition du principe de réalité) requiérait que la fonction sexuelle ne soit pas sollicitée précocement. Quant au freudo-marxiste Wilhelm Reich, il considérait l’homosexualité comme une sorte de satisfaction parallèle à la satisfaction hétérosexuelle et souhaitait qu’elle soit dénuée de toute sanction pénale, sauf précisément dans le cas de séduction d’enfants (Die Sexualität in Kulturkampf, 1936). C’est donc à tort que Daniel Cohn-Bendit, aujourd’hui député européen, avait invoqué ces deux auteurs pour justifier ses écrits de 1975 et ses propos à Apostrophes en 1982.

 

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- Le fait que depuis une trentaine d’années une argumentation en faveur de la pédophilie (argumentation souvent purement idéologique) ait été soutenue, ait fait l’objet de pétitions, est une innovation radicale dans notre société, comme l’a aussi remarqué le journaliste Jean-Claude Guillebaud dans La Tyrannie du plaisir (Paris : Le Seuil, 1998) ; après avoir relevé d’une conception révolutionnaire de l’homosexualité, cette argumentation post-moderne a semblé pouvoir se rattacher à ce courant dit du politiquement correct qui vise à exacerber hic et nunc les exigences d’égalité des droits des minorités ou pseudo-minorités de toutes sortes – ici la catégorie des enfants, qui ont trouvé de bien curieux libérateurs ; cette évolution est elle-même un des avatars, une conversion, de l’utopie marxiste, comme le sociologue Paul Yonnet l’a montré dans le cas de l’antiracisme. Dans une "Tribune libre", le G.R.E.D. (Groupe de recherche pour une enfance différente) affirmait :

 « L’enfant, même très jeune, a une sexualité très "ouverte" : qu’il s’agisse d’onanisme, de jeux sexuels avec d’autres enfants ou avec des adultes, que les partenaires soient du même sexe ou non, cette sexualité polyvalente n’a pas à être réprimée ».

Il se proposait d’aider à l’organisation de l’enfance :

 « Comme l’ont fait tous les groupes humains aspirant à l’émancipation (travailleurs, esclaves noirs, peuples colonisés, femmes ...) les jeunes (enfants et ados) doivent s’inventer des structures radicalement en rupture », pour créer « l’expérience (et le réflexe mental) de la lutte collective pour leur liberté et leurs revendications ; peut-être la solution à la crise générale du militantisme ... »(Travail social - Actualités, n° 55, 23 novembre 1984).

 

Louis Pauwels se déclara choqué par cette tribune dans le Figaro Magazine du 19 janvier 1985. Jacques Girard me signala alors l’existence d’autres groupes pédophiles ayant milité en France, parmi lesquels le FLIP (Front de libération pédophile, en 1977) et le FRED (Front d’action et de recherche pour une enfance différente, créé par des radicaux du GRED, Groupe de recherche pour une enfance différente). En Belgique, le groupe CRIES, qui éditait le bulletin Espoir, et aux activités duquel la police a mis fin en 1987.

 Parce que la nouvelle morale sexuelle rejette les formes asymétriques de sexualité (viols et tournantes, mariages forcés, polygamie, inceste), elle a été amenée à admettre désormais l’homosexualité ; mais elle ne pourrait se faire, sous couvert d’une revendication des « droits égaux » de l’enfant et de l’adulte à la sexualité, à une relation aussi inégale que celle existant entre un(e) impubère (garçon ou fille âgé de moins de 13 ou 14 ans) et un(e) adulte.

 On connaît la boutade : « avec l’évolution des mœurs, les gens finiront par accepter les pratiques sexuelles de l’Église catholique ». Justement, non, cela ne passe pas. Le simple bon sens et l’état de l’opinion publique étaient exprimés par Claude Sarraute (Mme Revel) dans son billet "Pétitions" :

 "Quand on en est arrivé au droit des petits gamins à disposer de leur corps, à se plier aux exigences de vieux messieurs libidineux, moi, j’ai calé." (Le Monde, 14 février 1986).

Dans sa chronique "Une vieille réalité", Pierre Georges évoquait les réseaux pédophiles, "appuyés sur de solides complicités et de fumeux théoriciens du légitime droit de l’enfance à l’amour." (Le Monde, 14 mars 1997).

N’oublions pas que "toutes choses ont leur saison".

 

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