« Notre maison brūle et nous regardons ailleurs. »

par Karol
lundi 16 octobre 2017

Disneyland a été atteint par les flammes à Anaheim, en Californie. Crédits photo : SOCIAL MEDIA/REUTERS ( Le Figaro )

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 "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs", une phrase que prononça Jacques Chirac, président de la République française, en ouverture du discours qu’il fit devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Elle a été écrite par Jean-Paul Deléage (physicien, géopolitologue, maître de conférences aux universités d’Orléans et de Paris, militant et historien de l’écologie) . À l’époque, l’Australie était en proie aux feux de forêt (Wikipedia).

Quinze ans plus tard, cette phrase est tragiquement concrète. Depuis une semaine de gigantesques incendies attisés par des vents violents ravagent la Californie asséchées par des années de manque de pluies. A ce jour, 16 octobre, on compte 40 morts et 280 personnes sont encore portées disparues, des milliers de maisons sont détruites. Le « Tubbs Fire », à cheval sur les comtés de Napa et Sonoma, n’était circonscrit qu’à 10% ce 11 octobre après avoir déjà réduit en cendres près de 78 000 hectares, selon le service des pompiers de Californie (Calfire). (lien). Depuis le début de l’été ce sont des centaines d’incendies, recensés par le site calfire qui ont ravagé les forêts californiennes.

Dans l’Ouest du Canada, depuis avril ce sont plus d’un million d’hectares qui sont partis en fumée. C’est deux fois plus que les ravages causés au printemps 2016 par l’incendie de Fort McMurray, en Alberta, et dix fois plus que le total pour 2016 en Colombie-Britannique. ( lien ).

Au Portugal, à la fin septembre et depuis le début de l’année, 216 000 hectares ont été détruits par plus de 10 000 incendies. Le bilan humain est particulièrement lourd : 64 morts et 250 blessés.( lien ) Depuis quelques jours, après un été particulièrement meurtrier, une nouvelle série d’incendies frappe le nord et le centre du pays ; ce 15 octobre on comptait plus de 300 incendies et 19 morts en une journée dans la péninsule ibérique.

Dans le Sud-Est de la France de violents incendies ont éclaté en juillet, ravageant plus de 6000 hectares au total. La saison des feux 2017 a été la « plus dense » depuis 2003 (lien).

Plus emblématique, depuis 2015, on constate chaque été des départs de feu à l’Ouest du Groenland.

Au total c’est plus de 350 000 000 hectares par an qui partent en fumée de par le monde. 95% des incendies sont dus à l’homme. Mais leur multiplication est en partie facilitée par le réchauffement climatique qui assèche la végétation, diminue les précipitations dans certaines zones et vide les nappes phréatiques. Les surfaces incendiées en Amérique du Nord ont doublé en 30 ans malgré les moyens accrus de lutte contre les incendies : cela est le signe d’une fragilisation de l’environnement plus vulnérable au feu. (lien ).

Si l’origine de ces incendies de forêts peut être d’ordre criminel, si elle est souvent due à la négligence et l’imprudence dans le comportement de l’être humain, si le manque d’entretien des zones forestières, la spéculation immobilière et la dispersion de l’habitat aux abords des forêts ne font qu’amplifier les dégâts matériels et humains, c’est bien l’accélération du réchauffement climatique de par le monde qui rend de plus en plus vulnérables nos forêts face à des étés de plus en plus chauds et secs. En 2017, la température a atteint ou dépassé les 50°C plus de 700 fois dans le monde (dans 10 pays au total). Il s’agit d’un record absolu, surpassant de plus de 300 fois le précédent record de 2016 ! ( lien ). Partout des records sont atteints, à Québec par exemple, un sommet historique a été dépassé lorsque la température a atteint 29 degrés le 24 septembre dernier.

Réchauffement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre comme le CO2. CO2 que ces incendies produisent en quantité pour s’ajouter au gaz carbonique émis par l’activité humaine. « Une saison d’incendies particulièrement violents d’un mois ou deux peut impliquer la libération d’autant de carbone que n’émettrait l’ensemble du secteur du transport ou de l’énergie d’un État en un an  »( lien )

Aux incendies s’ajoutent les catastrophes naturelles dues au cyclones qui cette année ont été particulièrement destructeurs dans l’arc antillais et le golfe du Mexique comme en Asie du Sud-Est.

Une étude ( lien ) indique que les pertes économiques causées par les phénomènes météorologiques aux États-unis devraient atteindre au moins 360 milliards de dollars par an au cours des dix prochaines années, soit environ la moitié de la croissance annuelle du pays. "L’utilisation de combustibles fossiles a un coût conséquent que l’économie américaine ne peut pas supporter", a déclaré le coauteur de ce rapport et ancien président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Robert Watson. Le rapport a examiné deux types de coûts : ceux induits par les phénomènes météorologiques extrêmes influencés par le changement climatique et les coûts de santé liés à la pollution atmosphérique causée par l’énergie fossile.

"Ces pertes économiques et ces coûts de santé annuels moyens représentent environ 40% de la croissance actuelle de l’économie américaine" , selon le rapport. "Au cours de la prochaine décennie, ces pertes économiques et coûts de santé devraient atteindre au moins 360 milliards de dollars par an, soit environ 55% de la croissance américaine" , prévient le rapport. ( lien ).

Si ces événements catastrophiques ont des effets de sidération sur ceux qui les subissent, l’ensemble des acteurs économiques ne semblent pas prendre la mesure de leur responsabilité dans ce type d’évènement. Incapables d’avoir agi en son temps sur les causes et en privilégiant depuis le début de l’ère industrielle une croissance économique illimitée fondée sur l’utilisation des énergies fossiles et l’exploitation des matières premières, il ne nous reste plus qu’à s’atteler à tenter vainement d’affronter et de contenir le monstre que l’on a créé.

IL EST DEJA TROP TARD, LES CONSÉQUENCES DE NOTRE INCONSCIENCE S’EMBALLENT.

Les incendies de forêt sont de gros émetteurs de gaz carbonique, mais la forêt elle-même ne joue plus sont rôle de régulation du CO2. La déforestation d’une part ( 15 millions d’hectare par an ), la dégradation, les maladies et le vieillissement des forêts avec le pourrissement du bois mort et des feuillages font que ces « poumons de la terre » sont particulièrement encrassés et rejettent plus de gaz carbonique que ce qu’elles absorbent. C’est le cas de la forêt tropicale comme aussi de la forêt française constituée de feuillus mal exploités, peu valorisés et vieillissants. Ainsi aujourd’hui : "Les régions tropicales dégagent désormais environ 425 téragrammes nets par an dans l’atmosphère (un téragramme représentant un million de tonnes), soit davantage que les émissions de tous les camions et voitures des Etats-Unis en 2015 "  ( lien ) 

A cela s’ajoute le dégel du permafrost : "Le réchauffement supplémentaire attribuable au dégel du permafrost est de l’ordre de 10 % »( …) « Le pergélisol ( ou permafrost) libère des matières organiques qui, soumises à l’activité microbienne, produisent du CO2 en présence d’oxygène ou du méthane en milieu anaérobie, à l’instar des tourbières de Samoïloov. Ces deux gaz à effet de serre (GES) participent à l’élévation de la température qui entretient la destruction du permafrost et le largage de GES. La communauté de la recherche périglaciaire, qui nomme le phénomène « rétroaction liée au carbone du pergélisol », estime que les sols gelés stockeraient 1 500 gigatonnes de carbone, le double de la quantité de carbone dans l’atmosphère. » ( lien )

Devant cet emballement des conséquences de notre mode de développement nos tentatives de réduction de notre propre production de CO2 paraissent bien ridicules. Trop peu, trop tard. Ainsi même si les émissions de CO2 dues à l’activité économique commence en 2015 à baisser en Chine, au Japon et aux Etats-unis, en Europe les émissions stagne à un niveau élevé.( lien ), le pic des émissions ne devrait pas avoir lieu avant 2020.

LA PRODUCTION DE CO2 N’A CESSE DE CROITRE ( lien )

Au stock de CO2 émis par l’activité humaine, s’ajoutent les effets cumulatifs des incendies géants de forêts, de la déforestation des forêts tropicales et de l’effet de la fonte du permafrost, ce qui rend vaines les bonnes résolutions de l’accord de Paris de 2015 pour que la température de la terre ne dépasse pas 2°C.

Ce n’est pas en 2015 que l’on aurait dû prendre de telles résolutions mais dès 1972 après la publication du rapport Meadow intitulé « les limites de la croissance dans un monde fini « . Pour la première fois, la recherche de quatre scientifiques du M.I.T a établi les conséquences dramatiques d’une croissance exponentielle dans un monde fini. (lire : Crise écologique : notre cerveau n’est pas programmé pour se la représenter. !. Cet article montre combien nous avons des difficultés à appréhender un phénomène exponentiel du type : 1 en 1970, 2 en 1980, 4 en 1990,8 en 2000,16 en 2010, 32 en 2020, …1024 en ? ).

En 2004, quand les auteurs reprennent leur analyse et l’enrichissent de données accumulées durant trois décennies d’expansion sans limites, l’impact destructeur des activités humaines sur les processus naturels les conforte définitivement dans leur raisonnement. « Grâce à une douzaine de scénarii simulés dans un modèle global (appelé World3) entrelaçant économie et environnement, Meadows et al. ont montré que le « dépassement et l’ effondrement » n’était évitable qu’à condition qu’un changement drastique de comportement social et des progrès technologiques ne soient obtenus bien avant les problèmes environnementaux ou de ressources. Si cela n’était pas atteint dans les scénarii simulés, l’effondrement de l’économie et de la population humaine (c’est-à-dire une chute relativement rapide) surviendrait au 21ème siècle, détériorant les conditions de vie pour revenir à niveau similaire à celui observé au début du 20ème siècle. » (lien )

La cause de la catastrophe en cours est à rechercher à la fois dans le développement continu et illimité de la production d’objets industriels et l’exploitation des ressources de la planète pour la seule satisfaction d’intérêts privés et dans l’incapacité des politiques publiques, inspirées par la doctrine néolibérale, de mettre en place des mesures contraignantes de régulation. « La logique de la croissance va vers l’autodestruction du système, voilà ce qui se passe quand on confie la gestion des ressources de l’humanité à des privés », juge le député européen espagnol Xabier Benito ( GUE-GVN .) ( lien ).

Le problème est que quarante ans après la commande du Club de Rome il est déjà trop tard pour agir sur les causes de ce désastre à venir. Par la cupidité d’une minorité que nous avons laisser faire, nous avons déclencher des processus que nous ne maitriserons pas.

Il ne nous reste plus qu’a apprendre à survivre dans ce monde cataclysmique si tant est qu’il soit encore possible de le faire.

LA SCIENCE DU PARTAGE

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