Obama : une leçon pour les dirigeants africains
par TSAKADI Komi
samedi 8 novembre 2008
L’élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis que beaucoup de dirigeants africains ont saluée est la preuve palpable que la limitation de mandats présidentiels (à deux comme aux Etats-Unis) est important et nécessaire dans une démocratie
Cette limitation offre l’opportunité à de nouveaux dirigeants d’accéder au pouvoir pour faire le bonheur de leurs concitoyens. Au lieu qu’un seul individu issu d’une seule ethnie s’accapare des pouvoirs de l’Etat, des décennies durant.
Cette victoire interpelle les dirigeants africains : la suppression de limitation du nombre de mandats présidentiels dans les Constitutions africaines reste d’actualité en raison de la volonté des autorités algériennes, nigériennes et d’autres de franchir le pas.
En Algérie, le Conseil des ministres a annoncé que le parlement va être saisi pour une prochaine révision de la Constitution en vue de la suppression du nombre de mandats présidentiels limité à 2 par l’article 74 et le conseil constitutionnel algérien vient d’autoriser cette révision. Mais il ne fait aucun doute que cette initiative ne vise qu’à permettre à l’actuel président de la République, Abdelaziz Bouteflika, âgé de 71 ans de briguer un troisième mandat.
Au Niger,de plus en plus de voix manipulées s’élèvent pour demander la révision de la constitution. Plusieurs milliers de personnes avaient organisé, le 31 octobre dernier à Zinder, une marche de soutien au président Mamadou Tandja, lui demandant de prolonger son mandat alors qu’il achève en 2009 un deuxième et dernier mandat à la tête du Niger, aux termes de la Constitution du pays.
Le club des pays africains qui sont revenus sur la limitation des mandats présidentiels contenue dans les constitutions post-parti unique tend à s’agrandir de jour en jour.
Ainsi, au moyen des tripatouillages constitutionnels successifs dans nos pays, nos dirigeants : feu Gnassingbé Eyadema (Togo), Idriss Déby (Tchad), Omar Bongo (Gabon), Lansana Conté (Guinée), Ben Ali (Tunisie), Paul Biya (Cameroun) … soucieux de s’éterniser au pouvoir pour criminaliser au maximum l’Etat, ont fait sauter cette limitation du nombre de mandats au motif que la France qui est un « pays démocratique exemplaire » n’a pas limité les mandats présidentiels.
Maintenant l’argument principal pour justifier ce tripatouillage, depuis que la France a constitutionnalisé la limitation de mandats présidentiels est que cette suppression vise à « consacrer pleinement le droit souverain du peuple à choisir librement ses dirigeants ».
Sauf que nous savons tous comment les élections se passent en Afrique.
En raison du caractère multiethnique de nos Etats, il est inconcevable qu’une seule personne issue d’une seule ethnie puisse monopoliser le pouvoir présidentiel pendant plusieurs années : vingt ans, trente huit ans (comme au Togo), quarante ans (comme au Gabon) quitte à le « monarchiser ».
La limitation du nombre de mandats présidentiels pouvant conduire à des alternances politique et ethnique à la tête de l’Etat en Afrique est impérative pour prévenir les conflits.
Mais la suppression du nombre de mandats présidentiels avec pour corollaires, la présidence à vie et la dévolution successorale des clés de la République au fils du président décédé au nom d’une supposée « stabilité » ne feront que conditionner les pays africains à des confrontations armées voire ethniques et génocidaires.
Il faut préserver la limitation des mandats présidentiels en Afrique pour permettre l’alternance politique et ethnique.
En cela l’élection de Barack Obama, fils d’un Kenyan de l’ethnie minoritaire lou dont le père malgré ses diplômes prestigieux n’a pas pu percer dans l’administration kenyane dominée par l’ethnie kikuyu, est une leçon de démocratie et d’alternance donnée aux dirigeants africains. Cette élection justifie à ne point douter, la nécessité et la légitimité de la limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique.
Bruno TSAKADI (Lomé)