« Oh Barbara, quelle connerie la guerre... »

par Clark Kent
lundi 26 septembre 2022

Pour Prévert, Barbara était le symbole des malheurs de la guerre, à Brest ou ailleurs.

 

La Charte de l'ONU de 1945 devait préserver l'humanité « du fléau de la guerre ». Depuis, les proclamations et discours de plusieurs générations de politiciens, diplomates et portes-paroles des "forces de sécurité" sont conformes au dogme selon lequel la guerre est toujours mauvaise et la paix un bien incontestable qui doit prévaloir. Mais bien sûr, entre les résolutions et la réalité, il y a... le rêve.

Pour les tenants d'un "droit international" dont le manuel est introuvable, la guerre n'est pas "illégale". La Charte des Nations Unies sus-mentionnée considère même qu'il est légitime de "lutter contre les crimes d'agression". Le concept de « guerre juste » existe également dans le vocabulaire des organisations "humanitaires", gouvernementales ou pas. La guerre peut aussi être considérée comme nécessaire, voire morale quand il s'agit de mettre fin aux génocides et aux crimes contre l'humanité par le recours à la force. Encore faut-il déterminer les critères et identifier les vrais auteurs de ce ces fléaux réels, mais ça, c'est une autre histoire.

Si on s'en tient aux réalités tangibles, malgré toutes les déclarations de bonnes intentions, le bilan en matière de rétablissement de la paix n'est pourtant pas spectaculaire. Au cours du dernier demi-siècle, il serait difficile, parmi les nombreux conflits armés qui s'y sont déroulés, d'en trouver un seul qui ait vraiment, complètement cessé. Au contraire, les braises couvent toujours et le moindre souffle les ravive, que ce soit en Palestine ou au Cachemire, au Myanmar, au Maghreb ou au Sahel. De nombreux états sont confrontés à des divisions internes persistantes, comme c'est le cas pour le Pakistan qui fait face à des troubles dans les zones tribales et pour le Soudan du Sud qui a connu des affrontements violents entre populations rivales.

L'ONU a dépensé des milliards de dollars et déployé des dizaines de milliers de soldats dits "de la paix" dans des dizaines de pays. Des délégations de l'ONU, de l'Union Européenne, de l'Union Africaine et de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ANASE) interviennent dans les zones de guerre. Les "groupes de réflexion" et les ONG s'activent, les projets de consolidation de la paix se succèdent les uns après les autres, et les conférences de paix animées par des têtes d'affiches du gotha international font le buzz. Des carottes et des bâtons sont distribués pour inciter, parait-il, à plus de sérénité, sous la forme de sanctions et de programmes d'aide conditionnelle.

Mais ce mode opératoire du commerce de la paix à doses homéopathiques produit de maigres résultats, si ce n'est quand les protagonistes ont besoin de reprendre leur souffle. Et au moindre coup de vent, le foyer s'embrase à nouveau jusqu'au prochain accord de cessez-le-feu ou même de « paix ». Alors, le cycle infernal redémarre.

Il arrive même qu'une ingérence intempestive prolonge un conflit malgré la signature d'un traité de paix entre les belligérants, comme cela s'est produit en Bosnie-Herzégovine et dans la péninsule coréenne. Les conflits ne prennent réellement fin que lorsque les causes sous-jacentes réelles (et souvent difficiles à discerner) ont été résolues. Mais, dans l'histoire, cela n'arrive presque jamais et les guerres ne se terminent que lorsqu'une partie a gagné de manière décisive et tragique, comme cela a été le cas pour la Seconde Guerre mondiale ou pour la guerre du Vietnam, même si on peut discuter sur les conséquences économiques, politiques et sociales pour ces deux exemples.

Aujourd'hui, les guerres sont multilatérales et d'autant plus insolubles que les véritables commanditaires, concernés sans s'impliquer directement, tirent les ficelles de plusieurs théâtres de marionnettes pathétiques.

La viabilité d'une "paix" repose sur deux éléments-clés :

En réalité, toute paix est provisoire et ce n'est pas la version de l'histoire réécrite par Hollywood, Netflix et les éditeurs de jeux en ligne qui amélioreront les choses.

Depuis 1945, des conflits armés interminables se sont accumulés : actuellement, 170 conflits de différents types se déroulent à travers le monde. Le nombre de morts au combat a triplé par rapport aux années 2000 pour atteindre 120 000 en 2021. Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les conséquences indirectes qui retombent sur les civils et qui ont d'autant plus augmenté que les guerres durent de plus en plus longtemps et deviennent de plus en plus perverses. Les Nations Unies estiment qu'actuellement un quart de la population mondiale, soit deux milliards de personnes, vit dans des zones de conflit.

Le paradoxe, c'est que les êtres humains sont supposés être de plus en plus nombreux à être éduqués et à subvenir à leurs besoins essentiels et qu'une bonne partie d'entre eux vit dans des régimes de "démocratie représentative" dans lesquels ils sont censés être les décideurs "in fine". Ceux vivant dans d'autres régimes ne sont d'ailleurs pas réellement les plus belliqueux.

Il semblerait même que ceux qui se gargarisent de liberté et de démocratie ne soient pas si empressés que ça à en faire bénéficier les autres, malgré leurs justifications à intervenir pour libérer des peuples de l'oppression de leurs adversaires.

On voit avec la tension qui oppose la Russie au camp "occidental" que la concurrence pour les ressources et une mondialisation en roue libre engendrent d'autant plus de violence que les inégalités au sein des sociétés et entre elles augmentent et que, partout dans le monde, les puissants se battent contre des populations qui ne demandent qu'un minimum d'équité.

La guerre n'est pas seulement une connerie. C'est un instrument de pérennisation et d'accroissement des inégalités. Tout conflit a une logique qu'il faut comprendre pour qu'une paix hypothétique soit durable. Sinon, les gesticulations des organismes internationaux ne sont que des cautères sur des jambes de bois.


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