On n’a plus le droit de prendre la BNF en photo ! Merci Perrault !
par Paul Dalio
samedi 11 octobre 2008
C’est avec stupéfaction que j’ai reçu hier après midi l’ordre de devoir quitter l’esplanade de la BNF parce que j’avais un appareil photo avec un téléobjectif.
La Grande bibliothèque, la bibliothèque François Mitterand ou bibliothèque nationale de France (BNF) ne peut plus être prise en photo. Il ne s’agit pourtant pas de l’intérieur de la BNF mais de l’extérieur : on n’a pas le droit, selon les agents de la sécurité, de photographier les tours de l’esplanade ou du parvis de la BNF. Des photos pourtant amatrices qui restent dans un cadre privé.
Est-ce la politique du directeur Bruno Racine ? De la directrice générale Jacqueline Sanson ? Des directeurs généraux adjoints Arnaud Beaufort, Denis Bruckmann ou Valérie Vesque-Jeancarde ? Ou alors, est-ce une demande de l’architecte Dominique Perrault ?


Un agent de la sécurité m’expliquait que c’est un ordre « venu d’en haut » et que lui-même ne faisait qu’appliquer ce qu’on lui demandait alors même qu’il trouvait cette décision ridicule et injuste.
Motif ? On n’a pas le droit de photographier les tours de la BNF de Dominique Perrault
L’agent de sécurité m’a clairement affirmé qu’il a « reçu l’ordre de laisser les gens photographier quand la personne a un « petit appareil photo » ou alors quand c’est une personne qui photographie sa famille, ses amis ».
Est-ce une discrimination à la Bibliothèque Nationale de France ?
En tout cas c’est une logique qui ne tient pas debout.
« Un petit appareil photo » ? Quelle aberration ? Les hautes instances de la bibliothèque François Mitterand (BNF) sont-elles assez stupides pour oublier que ce n’est pas la taille de l’appareil photo qui fait la qualité de la photographie : de minuscules appareils ont aujourd’hui des zooms aussi puissants que des téléobjectifs posés sur des réflex, et ont autant de pixels.
Le débat, n’est pas là.
C’est de la pure discrimination que d’interdire les personnes ayant des « gros appareils photo » et pas les personnes ayant des « petits appareils photos ». Bientôt la BNF va-t-elle interdire les gens ayant des chaussettes rouges par ce que cela nuit au paysage ? Est-ce la matin brun qui commence ? On commence par interdire un appareil photo et on finit par interdire ceux qui ont un appareil dentaire ?
On parle d’outil ? Un appareil photo. Qu’est-ce qui permet à l’agent de sécurité de dire que j’ai effectivement pris une photo ? Parce que je possède un appareil sur moi, je dois quitter l’esplanade ? C’est rêver !
Et si les photos de la BNF font si peur que cela, pourquoi ne pas interdire tous les appareils ? On interdit tous les appareils photos ou on interdit rien. La taille de l’appareil n’a aucun rapport avec le fait de prendre une photo ? Qu’est-ce qui est contesté ? L’appareil ou la photographie en elle même ?
Le combat de la BNF contre la photographie est perdu d’avance
Enfin, c’est peine perdue pour les agents de sécurité, n’importe qui peut prendre les tours de Bercy, de la passerelle Simone de Beauvoir, de la rue Chevaleret, du quai de la BNF. Va-t-on quadrupler les agents de sécurité pour les poster à tous les endroits ?
Une faille dans le règlement de la BNF ? Les libertés individuelles bafouées ?
Alors quoi ? Je demande à l’agent de sécurité de me montrer sur le règlement intérieur (affiché sur l’esplanade de la BNF) de me montrer l’article qui stipule qu’il est interdit de prendre des photos sur place. Rien ! Bien évidemment rien ! Comment interdire la photographie dans un lieu public ?
La direction de la BNF a donc fait passé le mot aux agents de la sécurité : « interdiction de prendre en photo les tours », mais avec discrétion, avec des sous-entendus...
Alors pourquoi devrais-je croire cet agent de sécurité ? Pourquoi devrais-je me laisser faire ?
Pourquoi devrais-je troquer ma liberté individuelle dans ce lieu public ?
Je me demandais si j’étais encore en France, au XXIème siècle ?! Et le pire c’est que c’est au sein d’une bibliothèque, le lieu de tous les savoirs, le lieu de toutes les libertés, de la liberté de penser et de créer !
Oui cela touche directement la liberté individuelle et la remet en cause sous de nombreux aspects.
Pourquoi une telle interdiction à la Bibliothèque Nationale de France ?
Pourquoi une telle interdiction ? La BNF a-t-elle peur pour son image ? Pour sa publicité ? A-t-elle peur de ne plus contrôler son image ?
J’imagine que c’est une histoire de droit de l’image. L’agent de sécurité n’a pas voulu me le dire clairement. Hypocrisie. Qu’est-ce que ça peut être d’autre. La peur d’Internet. La peur de retrouver ses photos éparpillées sur le Web alors même que le photographe n’a pas versé d’argent.
Pourtant l’architecte Perrault devrait être fier que son œuvre se diffuse, que de nombreuses personnes s’intéresse à son bâtiment. Sinon a quoi servirait-il ? Allons plus loin : a quoi sert l’architecture ?
Le pire dans cette histoire c’est que rien ne laisse supposer que je prenais des photos à titre professionnel ou amateur. Professionnel ou amateur, rien ne laissait supposer que j’allais publier - sans accord - les photographies que j’avais prises. Et puis appareil au cou, rien ne laissait supposer que j’avais pris réellement une photo.
Mais aucune « présomption d’innocence » ! Le remède qu’a trouvé la BNF c’est prévenir par l’interdiction : s’il a un appareil photographie, il y a des chances pour qu’il publie des photographies sans notre accord. Voilà la logique. C’est triste.
C’est triste car il existe des droits pour l’image très stricts, et il existe des recours juridiques quand une photographie a été publiée sans accord préalable.
Pourquoi pleurer avant d’avoir mal ?
Doit-on interdire la prise de photo avant même toute publication ? Il y a une frontière qui a été franchie qui est inadmissible. On ne peut prévenir de cette manière quand les recours juridiques existent quand il y a publication illicite. Mais prendre une photo n’est pas publier !
Dominique Perrault devrait pourtant être fier que son bâtiment soir reconnu.
L’agent de sécurité qui me chassa m’expliqua qu’il avait dû l’autre jour demander à un étudiant en architecture de ne pas prendre de photo des tours. Et il ajouta « nous les petits, on n’a pas le droit de faire ce que l’on veut, pourtant étudier est important, et je ne comprends pas que l’on puisse empêcher un étudiant de photographier un bâtiment qui est son objet de travail, la recherche est pour le bien de tous et tout le monde a le droit de chercher et d’étudier. »
Comme il avait raison cet agent de la sécurité.
Que va penser désormais cet étudiant en architecture des travaux de Perrault. Avec raison il pourra désormais critiquer le travail de l’architecte Dominique Perrault, avoir de l’animosité envers lui, de la rancœur et de la haine vis-à-vis de celui qui ne veut pas que l’on photographie son œuvre pour s’en inspirer. Un admirateur devient rapidement un contempteur et un détracteur de l’œuvre.
De manière générale, le droit de l’image doit être complètement revu pour les biens publics à caractère original
Actuellement au terme de l’article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, « une œuvre est une création originale qui reflète la personnalité de son auteur, une activité créatrice propre. Peu importe donc la qualité de l’œuvre, sa forme, pourvu qu’elle soit représentative de l’essence de l’auteur, celle-ci pouvant être entendue de manière très large. L’œuvre peut être une œuvre littéraire, graphique, musicale, une image, une photographie, un article de presse, un logo, un logiciel, une documentation technique, un écrit scientifique, un cours, une publicité, une œuvre architecturale... » « l’utilisateur potentiel d’une œuvre doit donc toujours s’assurer de la libération des droits de l’auteur, mais également des droits voisins qui peuvent être attachés à l’œuvre. Ainsi, une photographie portant l’image d’un immeuble clairement identifiable ne pourra être utilisée qu’avec l’accord du photographe, mais également de l’architecte et du propriétaire de l’immeuble. »
Il faut donc distinguer deux cas pour la mise en ligne ou la publication d’une photographie d’un bien public :
« Cas de mise en ligne d’une photographie d’un bien public :
La mise en ligne de l’image d’un bien public est possible sous réserve des droits d’auteur de l’architecte. Cas de mise en ligne d’une photographie d’un bien public réalisée par un tiers : La diffusion de l’image d’un bien public est soumise à une autorisation expresse du photographe, et à celle des architectes.
En effet, à condition que les bâtiments présentent un caractère original, les architectes peuvent prétendre à la détention d’un droit d’auteur sur le bâtiment, même public (exemple de la Bibliothèque Nationale de France). »
Voir aussi ici pour des explications sur le droit de l’image.
Pourtant l’œuvre en architecture pour les biens publics à caractère original, devrait tomber dans le domaine public pour deux raisons :
- De manière générale, on parle d’espace, de ce que n’importe quel individu voit, et l’espace par définition est un domaine public. Devrait-on bientôt nous interdire de regarder un bâtiment ?
- Ceci est d’autant plus vrai que c’est un bâtiment financé par des fonds publics. Si l’on peut admettre que dans le domaine « privé » on ait le droit de protéger l’image de la maison d’architecte que l’on s’est fait construire (ce qui est déjà discutable), quand il s’agit de financement public, l’image même de la construction devrait tomber dans le domaine public. N’oublions pas que l’architecte, Dominique Perrault en l’occurrence a été rémunéré (et correctement) pour son travail par des fonds publics : notre argent, mon argent.
Renverser la logique pour montrer l’absurdité de la BNF
Et puis si l’on était méchant, on pourrait renverser la logique : dire que la BNF, l’œuvre de Perrault est « moche », qu’elle manque de charme, qu’elle est le fruit d’un travail immature, qu’elle gâche la vue. Mais alors ! Si elle gâche ma vue, pourquoi ne puis-je pas en contrepartie, moi qui n’ai pas demandé à avoir cette bibliothèque mal conçue sous les yeux, être remboursé.
D’ailleurs toutes les critiques ne sont pas infondées puisque cet architecte est rappelé d’urgence par la BNF pour refaire le parvis sans vie (mort et morne) et réduire la facture énergétique du bâtiment (nous ne parlerons pas chiffre car cela fâcherait).
Il ne veut pas que je la prenne en photo ?! Moi je ne leur ai rien demandé, je n’ai jamais voulu de cette architecture sous les yeux. Alors la moindre les choses, l’humilité que tout architecte devrait avoir, c’est d’accepter que ceux qui ne lui ont rien demandé « s’approprient » ce qu’il leur a imposé. Mais cela semble une réflexion trop profonde pour un architecte et encore plus pour la direction de la BNF qui ferait bien de se plonger dans les livres plutôt que de systématiquement interdire !
J’espère que la direction de la BNF va revenir sur cette décision, s’explique clairement, et fasse rapidement le nécessaire aurpès des agents de sécurité.
Si Bruno Racine ainsi que Jacqueline Sanson, Arnaud Beaufort, Denis Bruckmann ou Valérie Vesque-Jeancarde et Dominique Perrault souhaitent effectivement que les tours de la BNF ainsi que le parvis soient interdits de photos, je les prierais de faire rapidement le nécessaire auprès du règlement affiché sur l’esplanade et inscrire "noir sur blanc" qu’il est interdit de se promener avec un appareil photo dans l’enceinte ; et de se demander si cela n’est pas contraire aux libertés individuelles.
Si Bruno Racine ainsi que Jacqueline Sanson, Arnaud Beaufort, Denis Bruckmann ou Valérie Vesque-Jeancarde et Dominique Perrault souhaitent effectivement que les tours de la BNF ainsi que le parvis soient interdits de photos, je les prierais de faire rapidement le nécessaire auprès du règlement affiché sur l’esplanade et inscrire "noir sur blanc" qu’il est interdit de se promener avec un appareil photo dans l’enceinte ; et de se demander si cela n’est pas contraire aux libertés individuelles.