On ne badine pas avec l’agrochimie

par alinea
vendredi 4 décembre 2015

La commission européenne ne veut plus payer : elle se soumet.

Pas besoin de kalachnikov pour attenter à la vie des abeilles ; des bourdons bien payés s'infiltrent partout. Pas besoin de TAFTA pour que l'agrochimie intente des procès à l'UE qui, sous la pression des citoyens a interdit l'accès à certains pesticides. À peine un est-il interdit qu'un autre naît et passe, en catimini.

 

 Le texte de Pollinis ( Pollinis <contact@pollinis.org> ) est explicite :

 

« Cher ami,

Des millions de citoyens ignorent encore la gigantesque entourloupe qui a eu lieu cet été à Bruxelles, et les arrangements en catimini des lobbies agrochimiques pour faire autoriser, au mépris des lois protégeant les pollinisateurs, un nouveau pesticide tueur d'abeilles dernière génération, le Sulfoxaflor (1).

Aidez-nous à faire éclater le scandale !

Alors même que les règlements européens exigent que des tests abeilles soient menés avant la mise sur le marché de nouveaux pesticides(2), et que l'EFSA, l'Autorité sanitaire européenne, elle-même reconnaît que ces tests n'ont pas été menés - alors que d'après son rapport le produit présente un "risque élevé pour les abeilles"… (3)

... les lobbies agrochimiques ont réussi par un tour de force incroyable à faire autoriser ce pesticide en Europe. Et ce, alors qu'il vient même d'être interdit aux États-Unis à cause de sa toxicité sur les pollinisateurs ! (4)

Ces puissants groupes de pression disposent d'un arsenal incroyable pour influer sur les décisions européennes – je vais vous en dire plus dans quelques lignes.

Aujourd'hui Pollinis a besoin de votre soutien pour révéler ces abus le plus largement possible en Europe, et convaincre un maximum de citoyens qu'il devient urgent de s'opposer massivement, par notre nombre et notre poids, aux actions qui permettent à quelques grosses firmes agrochimiques de faire la loi en Europe.

Savez-vous comment les lobbies s'y prennent pour imposer leurs produits aux institutions européennes ?

--- Infiltration des comités scientifiques : comme personne dans les institutions européennes n’est capable de mener les tests scientifiques nécessaires pour évaluer la dangerosité d’un pesticide sur les abeilles(5), les autorités sanitaires délèguent ce travail à un groupe « informel » d’experts, l’ICPBR (International Commission on Plant-Bee Relationships) qui, lui, est composé aux deux tiers par... des membres de l’industrie agrochimique !(6)

--- Infiltration des comités consultatifs : parmi les 943 conseillers à l'agriculture auprès de la Commission européenne, 80% représentent des groupes d'intérêts qui défendent l'agriculture intensive, ou viennent directement de l'industrie agro-alimentaire. Ces conseillers sont là entre autres pour... aider la Commission dans l'autorisation de nouvelles substances en Europe ! (7)

--- Armées de lobbyistes sur place à Bruxelles pour faire pression directement sur les décideurs politiques, tisser des réseaux jusque dans les bureaux les plus reclus de la Commission, organiser des RDV privés dont aucun compte-rendu n'est disponible... Au total, ce sont plus de 400 lobbyistes professionnels qui travaillent ainsi d'arrache-pied à Bruxelles pour défendre les intérêts de l'agrochimie et l'agriculture industrielle. Et en face, à peine une poignée de défenseurs des citoyens pour les contrer...

--- Financements scientifiques et académiques de grande ampleur pour blanchir leurs produits. C'est par exemple la fameuse bataille des études scientifiques qui a eu lieu ces derniers mois à Bruxelles au sujet des pesticides néonicotinoïdes : alors qu'une bonne centaine d'études indépendantes montrent la nocivité extrême de ces pesticides pour les abeilles (8), l'agrochimie se paye de son côté un nombre encore plus grand d'études démontrant le contraire. Résultat : les autorités européennes chargées de trancher ont été inondées par les études de l'agrochimie, et il a fallu une mobilisation incroyable des scientifiques et des associations de citoyens qui les soutiennent pour continuer à peser dans la balance !

--- Chantage à la délocalisation et pressions diverses sur les responsables politiques : Quand, malgré cette mainmise incroyable sur les décisions européennes, les citoyens arrivent à convaincre la Commission et le Parlement d'agir dans leur intérêt… les lobbies utilisent l'appareil juridique ! C'est ce qui s'est passé avec le moratoire sur les trois néonicotinoïdes : après une bataille de deux ans des associations de citoyens, d'apiculteurs et de défenseurs de l'environnement, la Commission a été contrainte d'interdire pendant deux ans trois de ces pesticides tueurs d'abeilles : Résultat : Bayer, BASF et Syngenta ont immédiatement démarré un procès. (9)

Alors oui, on peut le dire : les lobbies ont leurs pions partout. Et la bataille va être longue pour que les citoyens reprennent le pouvoir qui leur a été confisqué.

...

Une procédure d'objection a été déposée au Parlement européen pour annuler la décision de la Commission – elle a été, on pouvait s'y attendre, aussitôt déboutée – et un collectif d'apiculteurs va porter l'affaire auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne. »

Nicolas Laarman

Délégué général

 

 

J'ai déjà beaucoup écrit sur les abeilles, je ne me répéterai donc pas. Seulement, la leçon est bel et bien que l'hydre a tant de têtes, que pour une abattue, trois ressortent. Et je dois avouer qu'en plus d'être écoeurée, je suis découragée.

Ces pesticides, on les avalent nous aussi.

Un hasard, sûrement, chez moi dix fois moins de martinets, d'hirondelles et de chauve-souris qu'il y a ne serait-ce que dix ans. Nulle part en plaine cultivée « ça bourdonne », il faut s'installer sous le tilleul d'un jardin ou sous la glycine d'une pergola, à la bonne saison pour s'enivrer des battements d'ailes ; plus de papillons ou rares comme des réminiscences ; cela fait deux ans que je pollinise mes cucurbitacées. Quand on sait la quantité de fleurs qu'il faut pour faire miellée, c'est à dire pour attirer des essaims de loin, on baisse les bras à planter du romarin en haie. Une ligne de robiniers, des touffes de lavande... nous sommes dérisoires.

Tirer le fil de l'agriculture, et de tous ses méfaits, tirer celui de l'élevage et de toutes ses horreurs, c'est tisser autour de nous la nasse visible, effrayante de notre irresponsabilité.

Les citadins nous disent : mais en ville il y a des ruches ! Bonjour les microparticules !

Il reste quelques îlots de terre, de collines boisées, de garrigue inviolables par les socs des charrues larges comme des chaussées. Sinon partout la mort, sous le béton, le goudron et les sols inertes qui nourrissent si bien les hommes !

Beaucoup d'argent dépensé pour faire de la « nature » un terrain de jeu ; bientôt autant pour en faire un atelier éducatif.

Pourtant la nature est gratuite, elle nous enrobe, nous transmet sa force par toutes les fibres de notre corps, et de notre âme ; elle s'impose, s'invite dans nos jardins, nous grandit, nous console et nous laisse à notre place, minuscule. Et ce bonheur sans nom, nous le refusons et nous acharnons à le détruire à jamais.

Nous perdons tout à la perdre. Requiem.

 

 


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