Orient et Occident : penser ensemble à un futur plus juste
par Passant
lundi 2 janvier 2006
Un mythe est tombé de très haut, de trop haut pour espérer qu’il puisse se redresser un jour. On a cru que la liberté et la tolérance étaient ailleurs que chez soi, on a aimé tout ce qui venait de l’autre côté de cette mer qui a vu naître presque toutes les civilisations anciennes, on a vénéré tout ce qui avait trait à ces pays de merveille, on a éprouvé des complexes devant eux, on était l’élève et ils étaient les instituteurs. Les intellectuels des pays arabes et musulmans ont longtemps chanté la liberté de penser de ce coin du monde, leur liberté de dire les choses, leur liberté tout court, ils ont rêvé d’être à la hauteur du monde occidental, ils ont cru que le vent qui soufflerait de cette région ne leur apporterait que du positif, mais grande étaient leur déception et leur désillusion en découvrant qu’en Europe, on reniait ses propres principes à la première difficulté rencontrée (les lois limitant les libertés après une vague d’attentat : la même logique que celle dont usent les dirigeants Arabes, dictateurs pour la plupart, pour restreindre les droits).
Déçus par tout ce qui était occidental, on assiste aujourd’hui au retour du monde musulman vers des idéologies plus traditionnalistes (percée des Frères musulmans en Égypte, montée de l’islamisme dans tout le monde musulman, et même dans la lointaine Asie du Sud-Est, vote pour les religieux en Irak, etc.), la question qui s’impose d’elle-même est : pourquoi ce revirement ?
1. La désillusion : les défenseurs des idéologies dites modernes dans le monde arabo-musulman se retrouvent isolés, et en manque d’arguments devant le déclin des gouvernements ayant adopté des politiques présumées progressistes, et surtout devant le manque de référence en Occident, dont l’image s’est sensiblement ternie ces dernières années.
2. La guerre d’Irak, une vraie volte-face : la guerre d’Irak fait partie de ces guerres qu’on pourrait qualifier de guerres de trop, ces aventures guerrières qui ont fait vaciller les empires, la campagne en Inde pour Alexandre le grand, deux campagnes de Russie catastrophiques pour Napoléon et pour Hitler, et dernièrement la guerre d’Afghanistan pour l’URSS. La guerre d’Irak a détruit ce que l’Occident, difficilement affranchi du stéréotype de colonisateur, a voulu donner de lui, on a torturé, tué, massacré, utilisé des armes chimiques. A propos, quels crimes pourrait-on encore reprocher à Saddam ?
3. Le conflit israélo-palestinien, une seconde source : s’il y avait une autre source, après les croisades, à
avoir renforcé l’élargissement du fossé entre le monde musulman et et le monde occidental,
ce serait sans aucun doute ce conflit-là ; les vétos américains en faveur
d’Israël (on
en dénombre 24 de 1973 à 2001) ont inversé la tendance des sentiments des musulmans envers les Etats-Unis. Je dis « inversé », parce qu’avant son
implication dans le conflit israélo-palestinien, l’opinion publique arabe
et musulmane avait plutôt bonne opinion de ce pays lointain et apparemment
neutre (les Américains étaient accueillis comme des amis par les Algériens lors
du débarquement de novembre 1942 - liens
historique avec le monde arabe, implication américaine en faveur des peuples opprimés. En 1942, le président Roosevelt, qui avait très souvent manifesté son
soutien aux peuples colonisés, fait inscrire, dans la Charte de l’Atlantique, un
article spécifique précisant que les Etats-Unis et la Grande Bretagne "...respectent
le droit qu’a chaque peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle
il doit vivre ; ils désirent que soient rendus les droits souverains et le libre
exercice du gouvernement à ceux qui en ont été privés par la force".
4. Nos amis dictateurs valent mieux que nos ennemis démocrates ! La diplomatie a toujours fonctionné selon ce principe ; aussi machiavélique qu’elle puisse l’être, la règle n’est pas si habile que cela ! Pour s’en convaincre, il suffirait de regarder du côté de l’Amérique latine, la gauche anti-américaine rafle tout ce que la démocratie peut offrir, la dernière rafle en date étant l’élection d’Evo Morales, un cocaleros gauchiste, au premier tour du scrutin présidentiel en Bolivie. Puisque, si on gagne des gouvernements sans aucun soutien au sein de sa propre population, c’est qu’on est en train de jouer en faveur du présent contre le futur ! Le soutien occidental aux dirigeants du monde arabo-musulman est loin d’être apprécié par les populations locales, étant donné que ces aides ne leur profitent pas.
5. Un difficile ménage : l’Iran, avec son régime islamique, et les émirats traditionnalistes ont montré aux autres pays musulmans que le développement technologique et l’essor économique ne sont pas toujours le fruit une idéologie dite progressiste, que ce qui est adéquat à une nation ne l’est pas à une autre, que les idéologies occidentales ne sont bonnes que pour l’Occident, et que les pays musulmans ont besoin du retour plutôt que du voyage, le retour vers ce qui leur est plus approprié, enfin qu’il fallait chercher des solutions adaptées, plutôt que faire du copier-coller.
Aujourd’hui plus qu’aucun jour auparavant, et avant que les choses n’échappent à tout contrôle, je pense qu’il revient aux occidentaux et aux orientaux le devoir de penser un futur qui, sans un apport sincère, et surtout juste, pourrait être plus sombre encore que ce présent macabre.