OTAN : corruption, mensonge et fumisterie (1)

par Opposition contrôlée
mardi 18 janvier 2022

La tension entre l'OTAN et la Russie connait une escalade remarquable depuis la fin de l'année 2021. Le spectre d'un « conflit de haute intensité » est activement agité par la presse. L'état-major français a de son côté, fin 2021, multiplié les annonces concernant des plans de préparation à un tel conflit. Ces annonces répétées de possibilité de guerre totale entre puissances sont d'abord et avant tout une opération de communication, dont on peut entrevoir les objectifs.

La guerre de haute intensité est classiquement définie comme un affrontement avec un adversaire dit « symétrique », par opposition à l'adversaire « asymétrique », c'est-à-dire un pays pauvre ou une organisation non gouvernementale, qui ne dispose pas d'un armement équivalent. Le régime de la dissuasion nucléaire a « définitivement » écarté l'hypothèse d'un tel conflit entre les grandes puissances, dès le milieu des années 1950, sous le poids de la menace d'une « destruction mutuelle assurée ». Rien n'a fondamentalement changé dans cette équation depuis, qui puisse la remettre en cause.

Henry Kissinger fut le grand théoricien de la guerre à l'ère de la dissuasion. Dans son ouvrage de 1957, « Nuclear Weapons and Foreign Policy », il définit le concept de « guerre limitée », une sorte de tactique du salami, qui vise à multiplier des conflits « locaux » dans les zones d'intérêt de l'adversaire, sans jamais que l'enjeu de ces conflits puisse justifier une escalade majeure. Dit autrement, l'URSS n'aurait pas déclenché la troisième guerre mondiale pour le Nord-Vietnam. Et de même, les Etats-Unis ne suicideront pas la planète au nom de l'intégrité territoriale de l'Ukraine...

Aujourd'hui plus que jamais, une guerre chaude entre puissances est inconcevable, même sans recours aux armements nucléaires. Si les états-majors de l'OTAN disent tous se préparer à ce scénario, ils omettent totalement ou presque la question de la réalité de ses conséquences. Il y a plusieurs facteurs qui condamnent cette hypothèse.

Les armements modernes, en particulier les aéronefs, satellites et navires, sont longs, coûteux et complexes à produire. Leur production repose sur des chaines logistiques internationales, dont la rupture causerait des difficultés gigantesques, qui ajouteraient encore aux difficultés d'une industrie de guerre. D'autre part, il existe un réel déséquilibre entre « le bouclier et l'épée ». Il est beaucoup plus facile de produire et mettre en oeuvre une arme pour détruire un satellite que le satellite lui-même. Il est plus facile de produire un missile anti-navire qu'un navire, un missile antichar qu'un char. Même si, prenons le cas d'un navire, il incorpore des dispositifs de défense anti-missile, il est avéré que ceux-ci n'ont pas un degré d'efficacité suffisant pour contrer des attaques en masse, et quand bien même, il épuiserait ses munitions et deviendrait vulnérable avant que le bilan « économique » navire / anti-navire soit à son avantage. 

Les analyses du champ de bataille moderne montrent que le potentiel militaire des belligérants serait réduit de l'ordre de 80 % dans les 48 premières heures du conflit. Il ne s'agit que des armements, les scénarios de destruction des infrastructures nécessaires à leur emploi et leur production ne sont généralement pas diffusés. Or, il y a eu ces dernières années multiplication des armements, y compris conventionnels, capables de détruire les infrastructures en profondeur, nous y reviendrons. 

La première conclusion à tirer de tout ceci, c'est que la guerre de haute intensité n'est pas faisable. Sans même le recours aux armes nucléaires, les destructions causées aux pays seraient insupportables. Le seul danger réel de déclenchement de ce type de conflit est de nature accidentelle, c'est-à-dire qu'il n'émanerait pas de la volonté humaine, mais d'une série de pannes, bugs, ou tout autre comportement imprévu de systèmes. La tendance généralisée à l'automatisation des armements et leur complexité fonctionnelle constituent peu ou prou le seul risque crédible.

Pourquoi, dès lors, tant d'agitation médiatique autour de ce scénario, et pourquoi les états-majors de l'OTAN, France comprise, le mettent dans leurs priorités ?

On pourrait parler de sensationnalisme de la part de la presse, mais le premier constat que je tire, à quelques exceptions près, c'est qu'elle n'est plus qu'une marionnette de ventriloque. Les mêmes articles paraissent en même temps et partout, avec les mêmes éléments de langage. Plus grave encore, c'est également le cas pour l'état-major français. Dans les deux documents de synthèse publié en 2020 et 2021 par le ministère de la défense, « concept d'emploi des forces » et « concept d'emploi des forces terrestres », on retrouve mot pour mot la doctrine américaine développée il y a une dizaine d'années. La presse a employé ce doux euphémisme : « La réflexion française rejoint l’analyse du général américain H. R. McMaster ». En réalité, lorsqu'on analyse les documents disponibles, on voit qu'il n'y a pas de réflexion française, ni de la part des militaires, ni de la part des « think tank » et autres instituts type IFRI. Ce ne sont que des recopies, au mieux des paraphrases de la doctrine américaine.

Il est donc assez clair que la récente escalade (verbale) de la « crise ukrainienne » est avant tout une fabrication visant à justifier auprès des opinions la nouvelle politique de l'OTAN. Au menu de celle-ci : forte augmentation des dépenses de « défense », des effectifs, du matériel et des stocks, privatisation d'une partie des activités, et intervention directe des militaires dans les médias : « D’où le besoin de capacités robustes dans les domaines de la guerre informationnelle ». Ce n'est pas une fantomatique « menace russe » qui plane autour de ces histoires ukrainiennes, mais bien plutôt une aubaine pour les complexes militaro-industriels de l'OTAN. Après tout, pourquoi laisser toutes les dépenses extravagantes à l'industrie pharmaceutique ? Il y a beaucoup d'argent facile à se faire.

 

Pour vous donner une idée de l'ampleur de la supercherie, voyez les récentes déclarations d'Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense d'Ukraine : « Ukraine security chief : no threat of a Russian invasion. "Foreign media" stories on this are false » (Chef de la sécurité en Ukraine : aucune menace d'invasion russe. "Les articles des médias étrangers à ce sujet sont faux)

Image tirée d'un film de recrutement de l'armée américaine : Emma et ses deux mamans... 

 

Un autre aspect de cette politique, c'est la préparation à la répression des populations. Il me semble assez évident que l'augmentation des effectifs de l'armée française est en grande partie destinée à écraser des soulèvements populaires. Le document précédemment cité, « concept d'emploi des forces », mentionne ceci :

[...] une capacité de réaction à une crise majeure sur le Territoire National pouvant nécessiter des moyens plus nombreux et disposant de l’autonomie requise.

[...] des opérations de coercition : engagement international dans un conflit de haute intensité sur toute l’étendue du spectre, engagement limité en national, imposition de la paix...

[...] soutien de la Nation, dont le renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile,en cas de niveau élevé de menace ou de contingence majeure affectant massivement la population

[...] des actions large spectre, en soutien d’une opération ou comme opération en soi, potentiellement dans des zones grises, incluant notamment des actions cybers et informationnelles.

 

Evidemment, les bonnes âmes vous diront qu'il s'agit de lutter contre le terrorisme ou le covid... Et si une révolte populaire violente venait à éclater, la presse vous fera comprendre qu'il s'agit « d'islamistes ». Avec un bon montage et un bon scénario, c'est très facile à faire. Sélectionnez soigneusement les images diffusées : que des maghrébin et des barbus. Faites dire à une marionnette du gouvernement, de préférence une femme, noire, qu'il ne s'agit en aucun cas d'islamistes, avant même que quiconque ne pose la question. Faites dire la même chose à la presse « gauchiste ». En parallèle, intoxiquez massivement les réseaux sociaux d'images de graffitis en arabe, genre « Allah u Akbar » et quelques images d'individus brandissant des drapeaux de « l'état islamique », le tour est joué. « 68 % des français en faveur de l'action de l'armée », « Ah, y sont pas cons les français, ils ont bien compris que quoi il s'agit, et que le gouvernement leur ment, encore une fois ! Ainsi que tous ces gauchistes qui veulent détruire la France ! » ... Heureusement, nos braves soldats viendront rétablir l'ordre républicain...

C'est ainsi qu'on écrase avec toute la violence possible un soulèvement de miséreux, à l'ère de la « guerre informationnelle ». Le coup a déjà été fait en 2005, pendant les émeutes survenues à la fin de l'année. A cette époque, l'état « français » n'avait pas encore été américanisé du sol au plafond comme il l'est aujourd'hui. Cependant l'artisan de cette annexion, Nicolas Sarközy, était ministre de l'intérieur. Un certain nombre de politiques, fonctionnaires et journalistes chantaient en cœur qu'on avait affaire à des bandes de trafiquants, des islamistes etc. Sarközy avait même déclaré avoir fait appel à des spécialistes israéliens. Les renseignements généraux, eux aussi totalement phagocytés désormais, avaient à l'époque rétabli les faits dans un rapport « fuité » :

La Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) s'est efforcée d'analyser ce phénomène inédit. Une « photographie » des violences urbaines, résumée dans un document confidentiel daté du 23 novembre, tord le cou à quelques idées reçues : le mouvement n'était ni organisé ni manipulé mais s'apparente à une « révolte populaire des cités ».

La réalité, décrite par les RG, est plus complexe. Pas de caïd à la tête de bandes déchaînées. Pas de « fous de Dieu » qui attisent les flammes. Juste une énorme désespérance sociale et une perte de confiance totale envers les institutions de la République. 

https://www.leparisien.fr/faits-divers/le-rapport-explosif-des-07-12-2005-2006541349.php

 

La rhétorique de « guerre civile », largement diffusée ces derniers temps, n'est qu'un élément de langage destiné à dissimuler que l'aggravation des conditions économiques en France va certainement conduire à des soulèvements et à des répressions jamais vus depuis la Commune de 1871. L'armée s'y prépare, se prépare à lobotomiser ses troufions et l'opinion publique, pour que le massacre soit perçu comme un acte d'héroïsme.

 

Il y a cependant aussi un volet militaire, technique, qui justifie cette nouvelle politique de l'OTAN, et qui est bien relié à la Russie (et à la Chine). L'illusion occidentale du pouvoir par le mensonge, par le contrôle des populations, son régime de corruption systémique, est en voie de porter ses fruits : le parasitisme de son « élite » frelatée est en train de tuer son hôte. A suivre dans la deuxième partie.

 


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