OTAN suspends ton vol de faucons hors du charnier natal

par Rémy Mahoudeaux
jeudi 24 mars 2022

Ce titre méritera peut-être un accessit au concours des jeux de mots pourris : il plagie tout à la fois Alphonse de Lamartine (Le lac), José-Maria de Heredia (Les conquérants) ainsi que le Dominique de Villepin campé par Abel Lanzac et Christophe Blain (Quai d’Orsay). Mais quelle que soit l’issue du conflit qui se déroule en Ukraine, deux questions devraient se poser. Quel avenir pour l’OTAN et quel avenir pour la France vis à vis de l’OTAN ?

Peut-être faut-il déjà commencer par dénoncer une certaine hypocrisie : celle de présenter comme une alliance ce qui ressemble plus à une vassalité bancale. Il y a un suzerain, les États-Unis, et des vassaux qui lui rendent allégeance, les autres pays membres. Les moyens militaires des vassaux sont mis à la disposition d’un ost commun et le suzerain doit protéger le vassal et son fief contre ses ennemis, et d’arbitrer et de rende la justice dans les litiges entre ses vassaux. Il semble dans le cas de l’OTAN que les États-Unis ont une vision très restrictive de cette dernière obligation. En témoigne sa passivité, par exemple face aux assauts turcs envers les forces kurdes alliées des anglo-franco-américains1 luttant sur place contre l’État Islamique, ou lors de la triple illumination au radar de tir de la frégate Courbet le 10 juin 2020 pour protéger un bateau turc se livrant au trafic d’arme avec la Libye sous embargo des Nations Unies. Magie du « Et en même temps », Emmanuel Macron avait raison, au moins de jeter le pavé dans la mare, lorsqu’il affirmait que l’OTAN est en mort cérébrale.

Sauf que les ex-pays vassaux du pacte de Varsovie ont vu dans l’OTAN une planche de salut, une garantie (solvable ?) de sécurité en cas d’agression de la part de l’ogre russe qui a si bien endossé le costume de méchant despote de la défunte Union Soviétique. Pour des raisons historiques, il est difficile de les blâmer de ce souci. Pour leur permettre cet accès à l’Alliance, fallait-il renier l’engagement de s’interdire toute expansion de l’OTAN vers l’Est en contrepartie de la permission de réunir les deux Allemagne ? Même si la Realpolitik commande, qu’il est déplaisant de devoir admettre que son propre pays se révèle félon.

Depuis 2014, l’Ukraine ne respecte pas ses obligations des traités de Minsk. Les réponses à la Russie aux demandes puis à l'ultimatu formulés ne furent que des fins de non-recevoir. Sa réaction est à la fin devenue militaire, et d’une certaine envergure. L’Ukraine a beau demander la protection de l’Union Européenne et de l’OTAN, elle est seule face à un adversaire qui la surclasse de beaucoup. Il est fort probable que la Russie impose unilatéralement une nouvelle carte de l’Europe de l’Est, durable.

Les voix pour demander un renforcement de l’OTAN ne manquent pas. De fait, si des personnes doutaient que la Russie puisse être un adversaire, elles viennent de recevoir un cuisant démenti. Mais le grand affrontement de demain sera entre la Chine devenue impérialiste et un Occident aux contours flous. Les nations n’ayant pas d’amis, mais plutôt des intérêts, est-il pertinent pour celles d’Europe de laisser s’arrimer la Russie à la Chine, lui ouvrant ainsi son gigantesque réservoir de matières premières qui lui font tant défaut, et à nous aussi ? Ne vaut-il pas mieux dissoudre une « alliance » devenue toxique parce qu’elle ne servirait que les intérêts du suzerain pour un coût excessif et un bénéficie aléatoire chez les vassaux ? Et ne serait-il pas opportun d’enfin tenter, comme le suggérait Georges Brassens dans Les deux oncles :

Qu'au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi
Mieux vaut attendre un peu qu'on le change en ami

Nous avons pu constater l’inefficacité d’un Emmanuel Macron humilié par Vladimir Poutine. Il y a sans doute des raisons de cet échec qui tiennent à la personne de notre président, jamais en retard d’une posture, mais se peut-il que la diplomatie française soit audible en restant dans l’Alliance comme un membre soumis ? La décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer son commandement intégré en 2008 a tout d’une grave erreur, ou d’une trahison. Songez-y lors d’un prochain scrutin.

 

1Il y a eu aussi des australiens, des belges, des canadiens, des danois, des marocains, des néerlandais, des saoudiens ainsi que d’autres pays du Golfe Persique …


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