Où est passé le Katéchon ?

par Aldous
samedi 25 mai 2013

Depuis l’an 2000, l’eschatologie, le discours sur la fin des temps, est à la mode, si bien que nous avons survécu à un bon nombre de destructions apocalyptiques surmédiatisées, la dernière en date devant nous emporter avec la fin du calendrier Maya. Raté.

Du bug de l'an 2000 au calendrier Maya.

De nombreux internautes suivent désormais avec intérêt les analyses monétaro-eschatologiques du sheik Imran Hossein ou les inénarrables paraboles du rav Von Chaya ; deux des plus éminents herméneutes (analystes des textes sacrés) de la blogosphère. Les amateurs de finance se rabattent sur la guématrie (numérologie sacrée) des cours de la bourse avec Pierre Jovanovic.

Le prophète Elie

L’exégèse est à la mode. Les prophètes courent la toile. On en trouve même de virtuels comme Web bot.

Chose étonnante dans ce phénomène de société, la plupart des occidentaux ignorent complètement leur propre culture et préfèrent souvent les romances façon da Vinci code à l’original.

Signe des temps ?

Après tous, quand ses disciple interrogèrent Jésus sur les signes de sa parousie et de la fin des temps, il répondit en tout premier :

« Prenez garde que personne ne vous séduise. »

L’ignorance est telle que la plupart des gens ignorent que le mot Apocalypse ne signifie pas destruction mais révélation et encore moins connaissent le contenu de cette révélation.


Pourtant, l’eschatologie chrétienne renferme d’étranges et sidérantes prophéties qui semblent concorder étrangement aux temps étranges que nous vivons et prophétise en particulier l’avènement d’un gouvernement mondial maléfique.

De même, parmi les chrétiens fervents, on ne trouve presque personne qui ait jamais entendu parler du Paraclet et encore moins du Katéchon, deux figures clef, selon l’évangile, en cette fin d’ère que nous vivons.

Cet article a pour but de permettre à ceux qui le souhaite de revisiter l’essence de l’eschatologie chrétienne en la dépouillant de l’habillage hollywoodien ou gothique qui dissimulent son message.

Rendons à Dieu ce qui est à Dieu.

Par où commencer ?

Sans doute par l’identification des deux forces en présence.

La plupart des gens ont entendu parler de l’Antéchrist (mais le texte Grec dit Antichrist, opposé au christ, aussi c’est le terme que j’utiliserais) , lequel, selon l’évangile, deviendra le maître du monde en usant d’abord de la séduction et de la ruse puis de la force.

Ce que moins de gens savent c’est que sa venue est l’issue de l’affrontement entre deux principes que la Bible appelle L’Esprit de Vérité et le Mystère de l’Iniquité.

L’expression Mystère d’Iniquité est un vieil usage de traduction de la bible pour l’expression grecque mystèrion tès Anomias (μυστήριον της Ανομίας) qu’on pourrait aujourd’hui traduire par Mystère d’Anomie.

Anomie est un mot récent en Français, c’est pourquoi l’usage était de le traduire par Iniquité, mais il ne s’agit pas tout à fait de la même chose.

L’Iniquité, c’est l’injustice en dépit des lois.
L’anomie, c’est l’absence de loi.

Le Mystère de l’Iniquité c’est dont une opération cachée qui efface les lois morales jusqu’à l’établissement d’un monde aux valeurs inversées.

Un monde où le mensonge et la tromperie ne sont plus honteux, où les vices deviennent des vertus, comme l’appât du gain, l’égoïsme, la luxure, la violence.

C’est, par exemple, le fait de légaliser la torture, l’assassina par drone ou la détention arbitraire comme c’est le cas aujourd’hui aux USA.

C’est le fait de tromper les opinions pour déclencher des guerres contre des pays souverains, en inventant une jurisprudence de l’interventionnisme humanitaire qui a permis de ravager la Yougoslavie, l’Irak, la Lybie et maintenant la Syrie, en faisant croire à des camps de concentration ou des armes de destruction massives inventées de toutes pièces à des fins de propagande.

Guerres au cours desquelles on a constaté l’abrogation dans les faits des Convention de Genève.

Le Mystère d’Iniquité progresse donc de façon visible.

Paraclet et Katéchon sont dans un bateau.

Dans l’épitre aux Thessaloniciens, Paul dit aux fidèles :

« Ne vous souvenez-vous pas que je vous disais ces choses, lorsque j'étais encore chez vous ? Et maintenant vous avez vu le Katechon, afin qu’il soit révélé quand le temps sera venu.


Car l
e mystère de l'iniquité agit déjà ; il faut seulement que le Katéchon ait disparu.
Et alors paraîtra l'impie, que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa bouche, et qu'il anéantira par l'éclat de son avènement.
 »


Le mystère de l’iniquité existait donc déjà dans l’antiquité, mais ne prévalait pas du fait de la présence du Katéchon.

L’ange découvert récemment à Sainte Sophie


C’est-ce donc que ce Katéchon (κατέχων) dont peu de gens ont entendu parler même à la messe ?
 

Si le mot est peu connu c’est que la plupart des traducteurs de la bible le traduisent κατέχων par « ce qui retient »

Mais cette traduction fait disparaître une particularité : Etrangement ce mot Katéchon apparaît sous deux genres différents dans le texte grec : tous d’abord avec l’article masculin (ὁ) et ensuite avec l’article neutre (τὸ), laissant d’abord penser que c’est une personne puis qu’il s’agit d’une chose.

L’idée la plus répandue chez les pères de l’église était que le Katéchon de genre neutre est l’Esprit Saint, mot qui est aussi du genre neutre en grec. Esprit étant la traduction du grec Pneuma qui signifie souffle.

Mais il reste cet étrange usage du genre masculin. Aussi, les père de l’église se sont longuement demandé si cette ambivalence personne/chose se résumait à l’Esprit Saint ou s’il agissait en fait de deux Katéchon séparés, l’Esprit Saint et une personne qui a reçu l’Esprit Saint.

Idée renforcée par un autre sens que le grec démotique (c’est à dire le parlé populaire) donne au mot Katéchon : le titulaire (d’un poste).

L’affaire se complique quand Jésus dit : « Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous. Mais le paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. »

Paraclet (παρακλητος) en Grec signifie « celui qui console » ou « celui qui intercède ». Le terme était généralement utilisé pour désigner un avocat. De nombreuses bibles le traduisent simplement par l’adjectif « consolateur » appliqué au Saint Esprit.

Jésus précise (Jean 14:15-23) clairement que est le paraclet est éternel :
« Si vous m'aimez, gardez mes commandements. Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, afin qu'il demeure éternellement avec vous, l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous. »

Reste à comprendre qui est le Katéchon, qui contrairement au Paraclet ne doit pas demeure pas éternellement avec les hommes mais se retirer pour laisser le Mystère de l’Anomie agir.

Saint Augustin avouait ne pas être capable de répondre, et de nombreuse hypothèses furent évoquée par les théologiens.

La plupart on pensé que comme l’église incarne l’Esprit Saint descendu sur terre son pouvoir spirituel personnifie le Paraclet.

Par extension, le Katechon pourrait être la manifestation de l’Esprit Saint à travers le pouvoir temporel.

Ainsi certains pensent que des hommes politiques sages jouent le rôle de Katéchon au cours des âges, pour servir de guide moral au monde.

le « Katéchon » ΓΚΑΝΤΙ

C’est pourquoi on retrouve parfois des personnages assez peu « orthodoxes » sur les fresques des églises d’orient comme ce saint homme au dessus duquel on peut lire en grec Mahatma Gkanti (Μαχάτμα Γκάντι). Vous aurez deviné de qui il s'agit.
 

L'effet Katéchon dans l'Histoire


A partir de la conversion de l’empereur Constantin, l’église considère que l’empereur incarne ce Katéchon masculin.

Appliquant les paroles du Christ « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Matthieu 22 :21) l’église joue alors, ce que Montesquieu définira comme un pouvoir séparé, un contre-pouvoir moral, mais demeure soumise au pouvoir temporel de l’empereur.

C’est ce qu’on appellera (à partir du XIXe siècle) le Césaopapisme.

Mais en 752, le Pape Etienne II changera de protecteur : 

Etienne II et Pepin

A cette époque, Pépin le bref cherche à renverser la dynastie mérovingienne déjà affaiblie et à se faire légitimer comme roi des Francs.

Afin d’obtenir l’accord du Pape, Pépin lui cède le territoire de Ravenne qu’il a pris à l’empereur romain et se propose de le remplacer en tant que protecteur de l’église latine.

Dès lors, le Pape devient lui même souverain des états pontificaux et s’affranchit de l’empereur romain. Il se place désormais au dessus des rois et des empereurs, qu’il oint, reprenant ainsi l’ancienne coutume hébraïque.

Les patriarches d’orient, habitués à un gouvernement synodal et œcuménique de l’église, résistent aux prétentions monarchiques du Pape. Le fossé se creuse un fossé grandissant entre les deux églises sœurs.

Les deux glaives ou l'unification du Paraclet et du Katéchon.

Par la suite l’église latine justifie cette évolution par la théorie des deux glaives :

Les deux glaives

Vers 1129 Saint Bernard, abbé de Clairvaux affirme que le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel doivent tous deux être détenus par le Pape. Une nouvelle doctrine qui permet à des moines de manier l’épée et fonde l’ordre des templiers.

Le Pape suivant, Innocent II, (mal) élu en 1130 se mit à porter une couronne en tant que souverain des états pontificaux.

En 1301, Boniface VIII ajouta une deuxième couronne pour signifier son autorité spirituelle au dessus de l'autorité civile.

Enfin Benoît XII, en 1342, ajouta une troisième couronne, qui a donné son nom à la Tiare, afin de symboliser son autorité sur tous les monarques.

Le Pape était depuis couronné avec cette formule : « Recevez la tiare ornée de trois couronnes et sachez que vous êtes le père des princes et des rois, recteur de l'univers et sur terre vicaire de Jésus-Christ notre Sauveur. »


Ainsi le Pape revêtait la fonction de Katéchon alors que l'église incarne le Paraclet.

Le pouvroir corrompt

Malheureusement l’autorité monarchique n'a pas que des avantages.

Celle du Pape lui a valu d’être exposé sur deux flancs. D’une part aux critiques dogmatiques et d’autre part de se voir associés aux crimes et turpitudes des monarques qu’il avait oint.

L’absence de collégialité a provoqué deux schismes majeurs dans la chrétienté, d’abord avec l’occident puis avec la Réforme.

Les responsabilités politiques lui ont fait perdre du crédit moral.

C’est sans doute pour échapper à ce double piège que, depuis Vatican II, les Papes renoncent discrètement à se faire couronner et à porter la Tiare.

Le site du Vatican explique cette évolution ainsi : « la pleine juridiction du Pape commence au moment de son acceptation à l'élection faite par les Cardinaux en Conclave et non par un couronnement, comme pour les monarques civils. »


http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/elezione/stemma-benedict-xvi_fr.html

Le Vatican reconnais donc que le Pape n’est plus un monarque civil, en dépit du fait qu’il est le chef d’état du Vatican.

Sans fleur ni couronne

Benoit XVI fût d’ailleurs le dernier Pape à faire figurer la Tiare dans ses armoiries.

« Le Saint-Père Benoît XVI a décidé de ne plus mettre la tiare dans son blason pontifical, mais de n'y placer qu'une simple mitre, qui n'est donc pas surmontée par une petite sphère et par une croix comme l'était la tiare. La mitre pontificale représentée dans son blason, en souvenir des symbolismes de la tiare, est d'argent et porte trois bandeaux d'or (les trois pouvoirs susmentionnés d'Ordre, de Juridiction et de Magistère), reliés verticalement entre eux au centre pour indiquer leur unité dans la même personne.  »

http://herald-dick-magazine.blogspot.fr/2013/04/le-pape-francois-modifie-son-blason.html

Si l’Ordre sacré correspond à la fonction de Vicaire du Christ, les titres de Père des rois et de Recteur de l’univers ont été abandonnés, ce que symbolise la disparition du couronnement et de la Tiare. Est-ce que cela signifie que le pape ne se considère plus investi du rôle du Katéchon ?

Mystère d'Iniquité et boule de gomme...

Quel que soit la personne qui incarne le Katechon, l’expression de son action dans le monde est la moralisation. Le Katéchon est donc la morale et son retrait du monde est la condition de la venue de l’Inique (ἄνομος).

Au delà des symboles, le recul de l’influence morale du christianisme semble bien correspondre à la prophétie du retrait du Katéchon que Paul annonçait aux Thessaloniciens.

Le législateur, en Occident, ont désormais un tout autre référentiel que celui de la culture chrétienne.

On pourrait bien se dire que le Katéchon fout l'camp !
 

 


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