Pakistan : l’extrémisme comme conséquence de l’arriération ou comme crise de la modernité ?

par Bernard Grua
lundi 23 septembre 2019

Il y a vingt ans, l'attaque meurtrière du World Trade Center a mis en évidence le recours à un haut niveau de technologie. Cet avertissement a été largement sous-estimé. Le fanatisme et le terrorisme islamistes sont généralement associés au sous-développement, à l'ignorance et à la domination masculine. Cependant, il existe des indices comme quoi l'éducation et le progrès social ne serait pas suffisant pour nous protéger de cette menace. Voici un exemple de parcours original qui met en évidence un autre aspect de cette guerre hybride.

 

Article traduit de l'anglais : « Extremism as a consequence of retardation or as a modernity crisis ? »

 

Ramla Akhtar, une "citoyenne du monde" ayant un mode de vie occidental et une éducation britannique

 

Ramla Akhtar en tant que citadine "occidentale"

Une vidéo YouTube de 2010 montre la présentation de certains thèmes à la mode qui, si l'on fait abstraction de l'accent, auraient pu être déroulés au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Australie. Il est utile de savoir qui est la femme faisant cet exposé et de connaître ce qu’elle est devenue presque dix ans après. En 2010, Ramla Akhtar, une citadine du sud du Pakistan, de style de vie occidental, issue d'un milieu aisé et ayant bénéficié d'une éducation britannique, se disait « citoyenne du monde ». Elle mettait en avant un profil de "planificatrice sociale (?)", de "communicatrice" et de "futuriste humanitaire (?)" ayant comme "domaine de spécialisation" le "secteur des arts et des médias", "l'entreprise sociale" et le « futur équitable".

 

 

Rmala Aalam sur le chemin de la radicalisation

 

Depuis 2013, cette femme s'est renommée en Rmala Aalam et est entrée dans un processus de radicalisation. Sur sa page Facebook personnelle et sur son blog Facebook "Black Mountain, Dragon Soul - a Wounded Mystic Spins Her Yarn" (À peu près : « L'Âme du Dragon de la Montagne Noire - une mystique blessée déroule sa fable" | « Montagne Noire », traduction de « Karakoram »), son discours est devenu nationaliste prenant une orientation xénophobe tournée contre les étrangers européens et américains. Elle les qualifie de "suprémacistes blancs" et de "colonialistes". Obsédée, selon ses propres mots, par sa "peau brune", elle profère des discours de haine contre le peuple Wakhi, une minorité ethnique et religieuse pacifique vivant dans la chaîne du Karakoram qui borde le nord de son pays. Son appel du 16 septembre 2019, visant à s'armer contre ces communautés a créé une forte émotion régionale. Il a été transmis au ministère de l'Intérieur du Pakistan, aux médias locaux et à d'autres Autorités françaises ou pakistanaises.

@FranceinPak @PakistaninParis @francediplo @pamirtimes @Passutimes Interethnic call for violences against NPak mountainers & visitorshttps://t.co/4aYhlvUxS8#Pakistan #GilgitBaltistan #Hunza #Gojal #PEACE #extremism #fanatism #safety #tourism #travel
— Bernard Grua (@BernardGrua) September 16, 2019

 

Ce Tweet fait suite à une analyse détaillée alarmante du 13 juin 2019, qui a été envoyée à l'ambassade de France au Pakistan, à l'ambassade du Pakistan à Paris, au Ministère du tourisme pakistanais ainsi qu'au Ministère du tourisme du Gilgit-Baltistan (territoires du Nord Pakistan) : "Rapport d'un voyageur français sur un discours local de haine contre la minorité Wakhi de la Vallée de Chapursan et ses visiteurs internationaux - évaluation de la crédibilité des invocations de complot sexuel contre les femmes de la région et les touristes étrangères - préoccupations concernant un extrémisme externe naissant ". (en anglais)

 

Courrier électronique d'envoi du rapport à l'Ambassadeur de France au Pakistan à Paris.Une version anglaise a été envoyée aux Autorités pakistanaises mentionnées précédemment.

 

Quand le fondamentalisme se cache derrière le détournement de grandes causes contemporaines 

Rmala Aalam in 2019

 

Curieusement et ironiquement, Ramla Akhtar, alias Rmla Aalam, rapporte une rumeur affirmant quelle est une terroriste. C'est l'une des différentes théories du complot dont elle est familière. Voir l'article : "Qui ose dire que Rmala Aalam, alias Ramla Akhtar, est une terroriste ?" (en anglais). Son approche est originale, non seulement parce qu’elle est une femme, mais aussi parce qu’elle instrumentalise le féminisme moderne, la lutte contre le patriarcat en Asie centrale, les préoccupations pour l’environnement, les considérations relatives au développement, la prédication « religieuse », la condition de la mère célibataire et la lutte contre la non-discrimination.

Ces causes détournées, bien qu’étant un mélange déroutant, sont l’écran de fumée idéal pour ouvrir la voie à la destruction du lien social, aux conflits inter-ethniques et au fanatisme, dans cet endroit isolé. Elles empêchent tout questionnement rationnel. Il est trop tôt pour avoir une vue d'ensemble du processus en cours et de son éventuelle extension. Le cas, cependant, nécessite une attention soutenue. Les pays européens devraient disposer des outils appropriés pour identifier ces profils lorsqu'ils postulent pour un visa d'entrée dans nos pays ou, qui sait, pour une demande d'asile.

 

Articles sur cette région, du même auteur, déjà parus sur Agoravox :

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