Panne d’idées pour l’emploi des jeunes dans les quartiers sensibles ?

par Yohan
mercredi 16 juillet 2008

Côté jeunes, le plan Marshall à destination des quartiers sensibles prévoit d’expérimenter un parcours d’autonomie intensif, contractualisé entre un jeune et un organisme de placement, dûment sélectionné après un appel d’offres.

Accompagner le jeune dans la vie active au moyen d’un coaching personnalisé est la dernière trouvaille du gouvernement.

Au clou les Missions locales, les associations d’accompagnement, les travailleurs sociaux, au rancart les programmes TRACE, CIVIS, Ecoles de la 2e chance, au tapis les exonérations liées aux ZFU, pas assez compétitifs aux yeux de la nouvelle équipe en charge de cet encombrant dossier.

Le plan espoir banlieues vient-il à point nommé, après tant d’espoirs déçus, la plupart des politiques mises en place en direction des quartiers sensibles n’ayant pas véritablement produit les effets escomptés ?

Outre le fait que ce nouveau contrat concerne un nombre limité de jeunes, la démarche est dans le droit fil des initiatives prises depuis un an, consistant à s’attacher les services de cabinets privés, ceux-là mêmes (parions-le) qui ont été choisis par l’Assedic pour remettre à l’emploi les chômeurs indemnisés.

Seule nouveauté en réalité, ces cabinets sont payés au résultat : 7 500 € pour un accompagnement de six mois débouchant sur l’emploi. Compte tenu des tarifs pratiqués, il est aisé de déduire que l’échec sera loin de peser sur la marge brute de ces officines, la seule prise en charge du client suffisant à leur assurer une confortable marge de sécurité.

Un choix très discutable au demeurant, puisque les études comparatives mesurant le ratio coût/efficacité de ces cabinets devraient inviter à plus de prudence, l’efficacité des méthodes de ces cabinets étant régulièrement battue en brèche.

Pourtant, les causes du phénomène sont analysées et connues qui pointent notamment l’importance du décrochage scolaire, le manque d’accompagnement dans le choix d’orientation, la méconnaissance des codes de l’entreprise et l’absence du carnet d’adresse, nécessaires pour s’ouvrir les portes de l’entreprise ou à défaut d’un apprentissage.

Coacher les jeunes vers l’emploi en aidant un jeune à faire son CV et à optimiser ses entretiens d’embauche, lui permettre de se familiariser avec les codes de l’entreprise n’est pas chose nouvelle. Ainsi, l’Etat, comme les régions expérimentent depuis des lustres les formations d’insertion ou de mobilisation destinées à cette catégorie de public, avec des résultats mitigés, mais satisfaisants au plan des coûts pour la collectivité.

Rien ne dit que ce dispositif coûteux, expérimenté sur 35 départements, ne soit une vraie bonne piste.

En effet, la difficulté des jeunes à trouver un emploi est tout aussi patente que leur difficulté à s’y maintenir durablement. Les aider à décrocher un CDD, une mission d’intérim, un petit boulot n’est pas hors de portée – soit –, mais à quoi bon si le jeune n’est pas porté par un projet et une ligne directrice forte.

Par ailleurs, quid des expériences innovantes de recrutement par simulation qui avaient séduit certains grands groupes comme Casino ou Areva, prêts à s’ouvrir aux jeunes des quartiers ?

Nombreux sont les jeunes qui cumulent les difficultés : sortie scolaire précoce, absence de projet, langage réduit à sa plus simple expression. La pente est raide et les opérateurs privés en question risquent fort d’être dépassés par l’ampleur de la tâche. Car, pour nourrir la machine de l’appareil productif, encore faut-il lui donner du prêt à l’emploi, un pari difficile pour ces opérateurs privés qui pourraient être tentés de piocher du côté des bad jobs.

En tout cas, pour le noyau dur des quartiers, les méthodes de coaching classiques risquent fort de faire flop.

Pour mener à bien une telle mission, il faudrait des actions d’envergure conjuguant insertion sociale, élaboration d’un projet professionnel, chantier école et tutorat d’apprentissage en entreprise. Or, toutes les actions volontaristes de ce genre ont été abandonnées, faute d’impact sur le taux d’accès au diplôme ou parce que trop longues et trop coûteuses. Un objectif bien illusoire que de se focaliser sur le diplôme quant on connaît la faiblesse des acquis scolaires de ces jeunes.

Un objectif qui ne peut donc raisonnablement s’envisager qu’à moyen, voire long terme, par la validation progressive des expériences. En ce sens, les politiques à court terme sont par avance condamnées à l’échec.

En revanche, d’autres pistes ont été insuffisamment creusées, comme celle de désigner des tuteurs d’insertion au sein des grandes entreprises (BTP, Industrie) qui font profession de foi en matière d’initiative citoyenne. Ces tuteurs volontaires pouvant être des salariés issus eux-mêmes des quartiers et ayant réussi socialement et professionnellement au terme d’un parcours exemplaire.

On sait que la valeur d’exemple marche fort bien avec ces jeunes qui ont davantage besoin de référents auxquels ils peuvent s’identifier que de techniques de recherche d’emploi. Elargir la palette des possibles en resserrant les liens avec le monde de l’entreprise est une urgente nécessité. Alors, le terme de « plan Marshall » prendrait ici toute sa signification.

De ce point de vue, il est dommage que les rares modèles de réussite proposés aujourd’hui aux jeunes des quartiers ne se trouvent que dans des domaines comme la musique ou le show-biz en particulier.

Modifier le regard des jeunes sur l’entreprise nécessite que l’entreprise fasse aussi un vrai pas vers eux, et non un pas de danse ou un pas de côté, comme souvent.


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