Par la violence d’un courant mauvais
par alinea
lundi 13 juillet 2015
Aucune tempête n'arrive sans préavis, pas besoin de météo pour la sentir, des sens aguerris, un œil avisé, juste une écoute de ce qui se trame là, autour de nous.
Cette sécheresse et cette chaleur, je les ai senties dès avril et j'ai fait mon jardin en fonction ; oublié néanmoins de laver ma voiture quand il était encore temps. L'automne s'en chargera.
Hier soir je devais aller boire une bière avec une amie éleveuse, tard, tant il est vrai que l'on ne s'active pas avant dix neuf heures trente, il faut dire dix sept heures au soleil, et que pour se voir à neuf heures il fallait faire fissa. J'arrive le quart passé et elle vient à ma rencontre d'un pas décidé, c'était la première fois et ça n'inaugurait rien de bon.
« J'ai une galère, une vraie » ; toutes sont vraies il faut dire ; mon sang n'a fait qu'un tour avant de s'extirper de mes veines ; merde, quoi ?
« Il n'y a plus d'eau ». Ben oui, plus d'eau, vingt cinq chevaux à abreuver.
Le réservoir est vide, on coupe l'eau jusqu'à demain, avait-elle appris vers dix neuf heures sur le répondeur de la mairie, heure à laquelle elle commence sa tournée nourriture, nettoyage du soir, et eau.
Évidemment, on ne trimballe pas une demi tonne d'eau comme on va chercher un pack de bières et je me suis un peu ratatinée devant l'impossible remède à trouver. Évidemment on peut toujours aller chercher deux bidons de dix litres, trois, dans le village d'à côté, quinze bornes aller-retour, et encore faut-il savoir à quelle porte frapper, mais quoi ? Une nuit de navettes ?
On a fait les fond de tuyaus, déniché un arrosoir oublié, récupéré une eau glauque dans un vieux bac abandonné, et elle a dit : demain aux aurores mes bichous !
Tout ça parce que le village fort moderne a construit à tout va, pour des citadins probablement venus du nord qui ne savent pas qu'ici on ne fait point de pelouse, que nos bagnoles sont crades et qu'on économise ! Je rêve d'un gus tout savonné sous sa douche qui s'arrête ; oui, je sais c'est méchant et très con, mais ça m'est venu à l'idée. Avec ses vingt cinq chevaux, elle a la facture d'une famille « ordinaire » avec deux enfants !! c'est dire s'ils sont propres les lardons. Trente hectares de prairies et les équins qui paissent dedans.
On a fini par la boire notre bière mais on n'a eu faim que de quelques bretzels.
Mais, c'est pas du tout ça que je voulais dire. Car le courant mauvais qui m'immerge est bien celui des bien pensants qui font quelquefois figures et qui , au fond, pensent qu'elle peut bien crever la Grèce, et ses corrompus et ses imbéciles heureux comme des gosses qui ont joui de la manne sans savoir, ah les cons là aussi, que c'était bibi le bien pensant qui la payait !!! Pov'gars, éreinté qui casque pour les cigales ; et c'est la cigale la conne, on rêve !
Faut dire que le gars lit c'qu'il peut dans libération les quatremer, comme la pizza aux quatre fromages, et comme cela conforte sa connaissance intime, intimement révélée de visu de sensu, ne cherche pas ailleurs mensonges à son bon sens. Et moi je n'en sais rien, j'ai juste l'idée d'où l'ennemi se niche.
Et puis il y a ceux que j'adore, en bande comme les méduses par vent d'est sur la côte, qui te piquent en passant, forts de leurs assises dans ce bas monde, comme prie-dieu à l'église et qui moquent et qui chassent et conspuent la gueuse debout, mort subite.
Alors eux, il faut les laisser faire, ils s'emmaillent et se reconnaissent, s'en donnent allant et courage, d'autant d'autant qu'ils sont du côté du rameur, pardon pardon du barreur ; ah qu'il est doux le nid du consensus aussi mou qu'il est confortable à l'embarcadère le ferry des costards cravataires. Il sautille sur l'eau sur ses coussinets, il surfe il est guilleret ; non mais, vous croyez quoi, qu'on va pleurer sur ceux de Méditerranée ? Quand on se fait avoir on doit savoir pourquoi. Crève. Nous, on fait partie de la cour, de récré on dirait, eux pensent du roi. Ça serait bête n'est-ce pas qu'on se lie, qu'on se ligue, tous contre un pour une fois.
Mais le un, la une, c'est toi, pauvre fille qui t'la joue, je-suis-bien-convaincu-que-tu-ronronnes-au-chaud..., excite l'homme à se battre pendant qu'un joint tu t'tapes !
Comme des méduses emmêlées, ils font obstacle, juste portées par le courant. Le courant méchant, le courant violent, s'oubliant, dans l'énergie collective, ils se sentent légers tant, les petits poissons, qu'ils ne prennent même plus le temps de lire, de s'ouvrir, de comprendre ; ils attaquent au jugé, l'ombre qui passe, comme le chasseur tire sur son pote tant il avait envie d'être le héros abatteur du sanglier du jour. Mais c'est impunément, il rote un coup en s'asseyant. Le pied sur sa proie il s'est haussé d'autant.
Il y a du froid, du mal-être ou je ne sais quelle rancoeur. Et même parfois ils la posent en censeur convaincant, comme une vérité raisonnable d'où forcément le cœur s'absente. C'est ça, la voie de la raison, vous savez, cette neutralité bon ton.
Rien de neutre, petits poissons, la passion se brime ou la passion s'exprime mais toujours passion il y a, la preuve, vous êtes toujours là. Et moi.
Ce petit ton moqueur, l'arrogance de celui qui sait qu'il est sécurisé par quelque pouvoir ou quelque nombre ; mais d'ici on devine, bien, la pauvre détresse de celui qui veut sembler sans être.
Quelle est cette force si tranquille qui s'oppose ça et là au chagrin, à la colère au désarroi des autres ? Il faut des textes des auteurs des chiffres et si vous les donnez on passera outre sans même s'y attarder . C'est que rien ne peut s'ouvrir, tout est clos, partout et pour toujours et la moindre hésitation, la plus petite nuance sera jugée faiblesse, preuves à l'appui, l'arrogant s'en trouvera de quelques centimètres grandi.
Dans les marais la marée sale d'eaux saumâtres des embruns l'eau du fleuve, l'Althénia y fleurit mais la sangsue y prospère ; il faut de tout pour faire une biodiversité et dans le courant violent des tempêtes, certaines espèces sont décimées quand tant d'autres prolifèrent.
Il n'y a pas de raison, pourtant la vérité existe, nous en possédons chacun un bout, mais nous la déchiquetons commes des chiens enragés sur un os encore bien habillé. Nous sommes des bêtes avec des bonnes raisons et ne sachant pas trop où trouver le chemin, on se guide approximatif, un clampin comme guide, un guide à la main.
Alors quand vient le soir, que l'on s'est avisé de donner aux chevaux à boire plus tôt dans la journée, quand le tchou nous garantit l'été et que l'air est plus clair et plus frais d'un début de soirée, on se pose, on se retire, on s'en fout, et s'il advenait qu'on ait un coup à boire, au bar du coin, avec un des malins, on le ferait comme amitié probable puisqu'ils ne sont pas plus méduses que je ne suis menu fretin, que l'océan est vaste et que demain, un autre courant mauvais viendra peut-être déranger ce beau désordre auquel pourtant nous étions habitués.
Alors ne vous pliez pas à la violence des vents mauvais, ce n'est pas Éole qui les souffle mais de sombres folies qui ne nous concernent pas.
Car ces folies sont celles de vrais fous, tellement déconnectés qu'ils pensent leurs mensonges plus probants que les vérités ; ils se sentiraient démasqués par l'aveu, abaissés, c'est dire s'ils ont abdiqués de toutes valeurs morales – je croyais ces « parents » à jamais disparus, ce « je sais que tu sais mais faire semblant suffit, tu me respectes, tu la fermes, c'est tout ce que je te demande »- car de respect il n'y a plus, et ils le savent bien, mais faire semblant suffit.
C'est un vent mauvais ces mensonges, même pas un jeu de dupes, juste un vernis étalé sur un bois pourri. Il semble qu'ainsi la violence du choc du vrai nous soit épargnée, et cela est si vrai qu'ils en viennent à ne plus faire semblant ; on ne sait jamais quelle vérité cache un mensonge, aussi, savoir que c'est faux ne suffit pas. Pourtant, le tableau qui se dessine devant nous, bien qu'on l'ait construit par petites touches approximatives ou bien en pièces de puzzles, sans les avoir toutes, nous apparaît clairement et je ne sais si c'est cette vison qui nous éreinte et nous sépare tant le spectacle est rude ou bien si nous n'en sommes pas encore au même point de remplissage ; pour certains peut-être faut-il encore plisser les yeux pour deviner, derrière des signes identiques dans leur neutralité, le visage à découvrir tandis que d'autres l'ont en photo. Mais c'est étrange cette disparité ; je n'ai jamais lu ni vu ni entendu personne dire : mais si c'est très bien, très correct ce qu'ils font ; il y a bizarrement un déni comme une honte ou une crainte. La plupart du temps sous forme d'attaque – mais c'est toi qui déconnes- ou bien aussi fréquent la loi de la nature – les hommes sont ainsi depuis toujours et pour toujours- ou bien qu'on ne peut rien faire.
Je ne vois pas, pardon, le moindre progrès comparé à ce que je sais de l'ancien régime ou dieu et seigneur étaient pis que père et mère, intouchables, d'une autre espèce en quelques sortes. Alors, ce n'était pas un courant mauvais, c'était comme une mare, les choses étaient lentes et dans ce fatras on trouvait bien à vivre ; aujourd'hui, c'est un courant violent qui nous dénie toute intelligence ; ce n'est pas un hasard si le harcèlement moral est le mode de relation au travail le plus courant, violent.
C'est juste pour dire que ces méduses et ces petits poissons, ces chairs tendres et ces morsures ne sont qu'une imbécile réaction à ce que l'on attend de nous. Nous obéissons, vous obéissez. Alors qu'il ne faudrait plus récompenser les enfants qui traînent dans vos jupes pour se faire bien voir, qui font ce qu'on leur dit, devinent vos envies et exhaucent vos vœux. Au piquet, au coin, privé de dessert, de sortie, de vacances le fayot. Alors que les mères se pâment, les pères exultent comme s'ils avaient pondu eux-mêmes la septième – ou la huitième – merveille du monde.
Pour plaire à papa la fille à papa devient la garde, plus mâle et plus dure que lui ; pour se venger de maman, elle se couche dans le lit du pouvoir ; des malades.
Ça empeste, vous ne trouvez pas ? Des relents de charogne sur un fond de poussière, j'y décèle un peu de moisi mais l'âcre de la sueur aigre m'envahit. Ce n'est pas la poudre de riz ni les parfums précieux qui peuvent nous faire accroire à la santé de ceux qui nous tuent à petits feux ou bien nous font abattre parce que pour eux nous sommes des gueux.
Toi aussi tu es gueux.